WORK IN PROGRESS - Le gouvernement le dit et le répète : il souhaite voir les déchets plastiques français recyclés dans leur totalité en 2025. Un objectif ambitieux pour la France qui se classe parmi les pires élèves en la matière au sein de l'Union européenne. Pour le président de Federec, fédération des acteurs du recyclage, de nombreux points restent encore à améliorer pour espérer l'approcher.
192.000 euros. C'est le prix à payer, par une société française, pour avoir envoyé illégalement une vingtaine de conteneurs remplis de plastique en Malaise. Depuis que la Chine a pris l'engagement, en 2017, d'interdire l’importation de 24 types de déchets en provenance de l’Union européenne, de nombreux pays asiatiques lui emboîtent le pas et font connaître leur souhait de ne plus être considérés comme les "poubelles du monde". Les uns après les autres, ils renvoient des conteneurs de déchets vers l'Occident.
Selon les souhaits de l'exécutif, reconfirmés début mai, la France devrait pouvoir recycler la totalité de ses plastiques en 2025. Si l'objectif est jugé atteignable par le gouvernement, qu'en est-il des professionnels du secteur ? Nous leur avons posé la question, alors que, selon WWF, le pays est le premier producteur de déchets plastiques sur le pourtour méditerranéen, avec 4,5 millions de tonnes produites en 2016.
La France, parmi les plus mauvais élèves européens en matière de recyclage du plastique ?
En matière de recyclage plastique, le bilan français n'est guère reluisant au regard des standards européens. Les derniers chiffres en date, en 2016, établissent un taux de recyclage des plastiques de 26% dans l'Hexagone. L'Allemagne, elle, atteignait le score de 50%, le Royaume-Uni 46%, et l'Espagne 45% rapporte Plastics Europe, une association professionnelle européenne représentant les producteurs de matières plastiques. Avec la Grèce, la Hongrie ou encore la Bulgarie, la France est ainsi en queue du classement européen.
Des chiffres que Federec, la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage, prend avec des pincettes. "Les critères d'évaluation ne sont pas les mêmes selon les pays. En Allemagne par exemple, un déchet est considéré comme recyclé à partir du moment où il rentre dans un centre de tri, ce qui n'est pas le cas en France", indique à LCI son président, Jean-Philippe Carpentier. L'année prochaine, les méthodes de calcul devraient cependant être harmonisées suite à la mise en place, par l'Europe, d'une procédure de calcul identique pour tous les pays européens.
Le difficile recyclage du plastique
Différences de calcul ou non, l'objectif des 100% de plastique recyclé en 2025 semble encore loin d'être atteint. Cela s'explique notamment par le fait que tous les plastiques ne se recyclent pas. "Les déchets plastique se divisent en fait en trois catégories : ceux que l'on peut recycler, ceux que l'on pourrait recycler mais que l'on préfère envoyer à l'étranger, et ceux que l'on ne peut pas recycler. Dans la première catégorie se trouve notamment le PET (polyéthylènes téréphtalates complexes), qui compose nos bouteilles d'eau, de lait ou de shampoing. Recyclée, la matière peut donner naissance à de nouvelles bouteilles, ou encore du textile et du rembourrage de couette.
Les pots de yaourts, composés pour la plupart de polystyrène, sont plutôt recyclés en Europe. "En France, nous n'avons pas encore la masse nécessaire pour voir des usines spécialisées dans le recyclage polystyrène se monter. Mais la technique existe et, en Allemagne, et ils le font très bien", rapporte le président de Federec. Ce défaut de modèle économique pour recycler chaque déchet plastique, pousserait la France à exporter environ 150.000 tonnes au sein de l'Union européenne, estime-t-il.
Certains plastiques, capables d'être recyclés en France, étaient aussi envoyés en Chine, jusqu'à la fermeture de ses frontières aux déchets occidentaux. C'était notamment le cas des films plastique servant aussi bien à emballer des palettes que les packs de bouteilles d'eau et qui peuvent, après traitement, se transformer en sacs poubelles ou redevenir des films. "Nous y envoyions ces déchets pour deux raisons : la première, c’est que le triage de ces déchets est plus efficace lorsqu'il est fait manuellement, et la main d’œuvre est beaucoup moins chère là-bas. La deuxième, c'est que l'Asie avait besoin de ce gisement-là pour sa propre production, la Chine étant la première usine du monde." L'export hors Union européenne de ces déchets - 50.000 tonnes chaque année - étant désormais moins facile, bien que toujours légal dans certains pays, des usines de traitement commencent à revoir le jour en Europe et en France.
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Dans la dernière catégorie, celle des plastiques qui ne se recyclent pas, se trouvent essentiellement des plastiques complexes, à l'image des barquettes alimentaires. "Trois plastiques différents sont apposés sur la barquette en elle-même. Ceux-ci vont aller directement vers la valorisation énergétique", explique Jean-Philippe Carpentier. Autrement dit, ils rejoignent les autres déchets ménagers afin d'être incinérés. L'énergie dégagée lors de cette opération est ensuite récupérée sous forme de chaleur ou d'électricité. Cet été, le groupe alsacien Soprema, spécialiste de l’isolation et de l’étanchéité du bâtiment, a néanmoins inauguré une unité, présentée comme la première au monde, capable de recycler les emballages PET complexes. Grâce à un cocktail de produits chimiques, elle est capable de produire des polyols, l’un des composants principaux des mousses isolantes pour le bâtiment. Développé en partenariat avec l'Ademe et Citeo, le procédé a nécessité un investissement de plus de 7 millions d'euros.
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100% de recyclage en 2025, un objectif "ambitieux" mais "compliqué" à atteindre
Malgré l'investissement, par le secteur, de près de 600 millions d'euros chaque année et l'ouverture régulière de nouvelles usines destinées au recyclage, l'objectif de 100% de recyclage de nos déchets plastiques en 2025 paraît "un peu compliqué" à atteindre aux yeux de Jean-Philippe Carpentier. "L’objectif est ambitieux et c’est très bien. Cela permet de prendre conscience de l'ampleur du travail qui reste encore à accomplir et de mettre en place des dispositifs qui vont permettre d’améliorer le recyclage. Mais nous savons qu’il y aura quand même toujours une partie qui sera valorisée énergétiquement [donc non recyclée] car trop petite ou trop complexe."
Il faut absolument travailler sur l’éco-conception pour limiter les plastiques complexes et les mélanges de résines dans les emballages
Jean-Philippe Carpentier, président de Federec
Pour le président de la Fédération, le principal levier pour un meilleur recyclage n'est autre qu'une meilleure conception des produits en plastique, de manière à les rendre plus facilement recyclables. "Il faut absolument travailler sur l’éco-conception pour limiter les plastiques complexes et les mélanges de résines dans les emballages", insiste-t-il. Le projet de loi "relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire", désormais entre les mains de l'Assemblée, prévoit d'encourager cette démarche grâce à l'instauration d'un système de bonus-malus.
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Jean-Philippe Carpentier espère d'autre part voir la collecte s'améliorer, notamment dans le secteur tertiaire et industriel. "Le gisement des déchets ménagers représente à peu près 20% de l’ensemble des déchets français. Donc environ 80% sont représentés par les déchets industriels. Et si le décret "5 flux", datant de 2017, oblige les commerçants industriels à faire le tri comme le font les ménages, il est malheureusement encore peu appliqué, ce qui fait que nous avons du mal à collecter ce gisement de plastique", fait-il remarquer. Du côté des ménages, l'extension des consignes de tri, qui permet désormais à un Français sur trois de jeter la totalité de ses déchets plastiques dans la poubelle jaune, marque aussi une avancée. Elle permet à chaque habitant de recycler en moyenne 2 kilos supplémentaires de plastique par an. En 2022, tous les Français devraient pouvoir bénéficier de cette évolution. Quoi qu'il en soit, la meilleure manière de limiter l'impact du plastique est encore d'en utiliser le moins possible, en privilégiant les objets fabriqués à partir de matières renouvelables.