ÉDITO - Les entreprises doivent changer de modèle pour limiter leurs impacts négatifs sur l'environnement, pour Fabrice Bonnifet, président du C3D, le Collège des directeurs du développement durable. Celui-ci estime qu'entretenir la fable de la croissance verte ne fera que générer des désillusions à la hauteur de nos illusions.
L’une des raisons de l’immobilisme du vaste chantier de la transition écologique tient dans l’incompréhension des ordres de grandeur et dans la perpétuation de l’idée fausse que le renforcement des fondamentaux de l’économie actuelle représenterait le meilleur levier pour réussir. Quelle erreur, quelle naïveté ou encore quelle imposture ! Au choix. Après les sophismes des climato-sceptiques des années 2000-2015, voici les solutions-miracles des technophiles bercés dans l’illusion de l’improbable.
Ainsi l’hydrogène " vert " va faire oublier le pétrole. La greenSmartCity bourrée de capteurs et d’objets connectés dopés à la 5G - voire la 6G, soyons fous - va régler tous les engorgements des villes surpeuplées. Les greenElectricCars pour tous, propres, silencieuses, autonomes et bientôt volantes à coup sûr, vont supplanter nos SUV diesels sales et bruyants. Les éoliennes repeintes en vert pour se fondre dans le paysage et les panneaux photovoltaïques en forme de cœur vont se substituer aux centrales thermiques gaz/charbon et même nucléaires et pourquoi pas au soleil. Les protéines à base d’insectes vont nous faire oublier le goût de la viande. Etc.
Les technologies "vertes" ne pourront pas remplacer à l’identique celles d’aujourd’hui
Fabrice Bonnifet, président du C3D
Quelques calculs simples de coin de table démontrent facilement qu’il est urgent de faire preuve de modestie, de bon sens et surtout de clairvoyance. Prenons un exemple : pour compenser par de l’hydrogène "vert" les 50 millions de m3 de carburant fossile engloutis chaque année par nos véhicules thermiques en France, il va falloir doubler notre puissance électrique installée. Bah oui, l’hydrogène n’est pas une énergie primaire et pour la produire il faut de l’électricité qui, hélas, ne pousse pas dans les arbres. C’est-à-dire deux fois plus de barrages, d’éoliennes, de centrales thermiques et nucléaires.
Et pour remplacer les centrales thermiques et nucléaires qui produisent de l’électricité pilotable 100% du temps hors maintenance (c'est-à-dire capables de répondre à une demande changeante) par des énergies 100% renouvelables qui fonctionnent de manière aléatoire par exemple s'il y a du vent ou du soleil, eh bien, c’est tout simplement irréaliste dans le temps qu’il nous reste pour sauver le climat. C’est-à-dire dix ans. Non, non, non, les technologies "vertes" ne pourront pas remplacer à l’identique celles d’aujourd’hui. Entretenir la fable de la croissance verte ne fera que générer des désillusions à la hauteur de nos illusions.
Diviser par deux les émissions de CO2 d’ici 2030 signifie avant tout changer de mode de vie
Fabrice Bonnifet, président du C3D
Ce dont nous avons besoin, c’est de courage pour dire la vérité sur l’impératif de frugalité et des actions concrètes pour réconcilier transition écologique et justice sociale ! Diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 pour sauver l’économie et la vie, signifie avant tout précisément changer de mode de vie. Les technologies vertes pourront nous aider, c’est indéniable, mais seulement à la marge. Le mix énergétique mondial est encore à 80% carboné et nous savons que moins de CO2 dans l’atmosphère signifie également moins de produit intérieur brut (PIB) pour l’humanité.
Ce qui génère la croissance économique, telle qu’elle est calculée aujourd’hui, est directement corrélé à notre capacité à alimenter nos machines par la fée énergie... fossile. Les énergies renouvelables ne se substituent en rien aux énergies fossiles, elles s’additionnent. Si nous voulons éviter une casse sociale majeure en plus des canicules annoncées (du fait de l’emballement climatique) qui tueront beaucoup plus que toutes les pandémies cumulées, il est urgentissime d’entamer une mutation des modèles d’affaires des entreprises, couplée à l’émergence d’un nouveau narratif du vivre ensemble, dans un contexte de sobriété choisie (en tout domaine) et non subie. Le vélo en ville en est un des emblèmes. Est-ce si pénible de davantage le généraliser ?
Nos entreprises doivent passer d’une approche linéaire à une approche circulaire basée sur la commercialisation des usages de leurs produits dont elles resteront propriétaires. L’intérêt premier de ce modèle étant la réduction drastique des matières premières et de l’énergie de transformation qui représentent l’essentiel de la consommation des ressources requises pour créer la valeur, mais qui en même temps génèrent l’essentiel des impacts négatifs sur l’environnement.
Les citoyens du monde, pour leur part, vont devoir accepter l’adoption des gestes barrières climatiques. Ces derniers sont beaucoup plus funs que leurs cousins sanitaires ! Ils consistent principalement à modérer notre consommation de viande, à limiter nos déplacements en avion, à moins regarder des vidéos de chat et similaires en streaming sur la plage et à accepter d’arrêter d’acheter les vêtements que nous ne mettons jamais. Ce ne sont que des exemples, il y en a d’autres bien sûr mais reconnaissons que c’est plus acceptable que de rentrer chez soi à 21h, car le véritable bonheur c’est d’être ensemble et pas de consumer l’inutile !
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