ÉDITO - Créée à l'initiative de plusieurs ONG, la Journée mondiale du climat, célébrée le 8 décembre, est l'occasion de rappeler la menace bien réelle du réchauffement climatique et la nécessité d'agir pour en limiter les effets. Mais face aux promesses, quels effets concrets ? Fabrice Bonnifet, président du C3D, le Collège des directeurs du développement durable, nous livre son analyse.
Tous les ans le 8 décembre, l’humanité célèbre son inaction climatique à l’occasion de la Journée Mondiale pour le climat. Depuis le premier Sommet de la Terre à Rio en juin 1992, puis de COP en COP, nous assistons à une vaste course à l’échalote de la promesse insincère en matière de réduction d’empreinte carbone. Les plus grands pays pollueurs et les multinationales qui prétendent œuvrer pour le climat depuis des années ont même été jusqu’à annoncer à l’unisson et avec une grande solennité, leur neutralité carbone entre 2040 et 2060. Waouh, avec de tels engagements, c’est à se demander si on ne va pas devoir remettre en service quelques centrales à charbon dès 2051 pour freiner la baisse des émissions de CO2 !
Cependant, sur le plan scientifique, le GIEC depuis 1981, ne constate aucun ralentissement de la hausse de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Cette augmentation inexorable chaque année nous a fait passer, en un peu plus d’un siècle, de 280 ppm à 420 ppm de CO2 de concentration, conduisant à ce jour à un réchauffement moyen de 1,2 °C de la planète, avec déjà des conséquences désastreuses que nous constatons tous les jours. Si rien ne change radicalement, la planète va devenir bien avant 2050 une étuve incompatible avec la paix, car aucun système socio-économique ne sera viable sur des territoires exsangues qui pour certains vont devenir invivables.
Mais nous ne prenons pas ce chemin. À la place, nous faisons des promesses. Donc, puisque les engagements sont impuissants à faire baisser les GES, qu’à cela ne tienne, il suffit de les rendre plus ambitieux ! Ainsi, la Commission Européenne a décidé, en avril 2021, de relever son objectif de réduction pris lors de la COP21 à Paris de 40% à au moins 55%* à l’horizon 2030 par rapport à 1990. Notons que ce nouvel objectif ne prend pas en compte le fait que l’Europe exporte une grande partie de sa pollution en Asie… et donc oublie d’intégrer dans ses objectifs de baisse les émissions importées.
Et puis si en 2025, nous constatons que la concentration en CO2 continue d’augmenter et bien nous relèverons encore les objectifs avec toujours moins de temps pour agir vraiment ! Ainsi, à ce rythme de bouffonnerie diplomatique, il est plus que probable que la Commission finisse par se fixer un objectif de réduction de 100% de baisse des émissions, à réaliser dans la nuit du 31 décembre 2029 au 1er janvier 2030. En fin de journée ?
Pour stopper le réchauffement climatique, c’est comme en amour, calmons-nous sur les déclarations et privilégions les preuves qui attestent de la diminution concrète des émissions.
Fabrice Bonnifet, président du C3D
Les bookmakers britanniques devraient lancer des paris sur les "chances" des acteurs économiques de tenir leur trajectoire de décarbonation. En l’état, nous pouvons parier sur du 1000 contre 1. Alors, quelles sont les principales raisons de cet échec collectif annoncé ? On commence d’ailleurs à entendre en privé les premières pires excuses des décideurs, sous le manteau de la honte et de l’irresponsabilité.
Au Nuremberg du Climat en 2050, voilà ce que nos enfants entendront au tribunal : "Nous pensions que la conquête spatiale, la startup nation, la transformation numérique et l’intelligence artificielle nous apporteraient des solutions bas-carbone. Nous étions persuadés que la croissance toute verte du PIB finirait par faire décroitre le C02 tout gris. Nous estimions que c’était aux Chinois et aux Américains d’agir d’abord. Nous espérions que les énergies renouvelables et l’hydrogène propre auraient fini par remplacer les énergies fossiles, sans rien changer à notre modèle de société. Nous comptions sur les progrès technologiques au service de l’efficacité énergétique, pour nous aider à consommer mieux… pour ne pas avoir à consommer moins. Nous n’avions pas compris l’effet rebond et la signification de la sobriété choisie (pensées à Pierre Rabhi !) que nous avions confondue à dessein avec de l’écologie punitive. Nous escomptions que les pays pauvres consentent à rester pauvre...".
Bien entendu, l’excuse principale concernera la finance. La transition vers une économie décarbonée aurait coûté trop cher. Autrement dit, ceux qui polluent le plus auraient gagné moins d’argent, parce que jusqu’à présent s’enrichir en détruisant le vivant est encore bien accepté du côté des marchés. Reste à savoir désormais si les liquidités financières de 2050 remplaceront les calories alimentaires non produites, du fait des canicules à répétition qui ne manqueront pas de frapper. La probabilité que ces épisodes surviennent effectivement est garantie par la science et non par le hasard. Pour stopper le réchauffement climatique, c’est comme en amour, calmons-nous sur les déclarations et privilégions les preuves qui attestent de la diminution concrète des émissions. Définitivement, si l’on veut un jour vivre un 8 décembre positif pour le climat, il faut dès aujourd’hui œuvrer pour que la sincérité de la décarbonation de l’économie se mesure dans l’action, pas dans les engagements.
* Le "au moins" a été énoncé sans rire. Certains auraient demandé une réduction de 60%, il fallait bien trancher. "Au moins" 55% de GES a semble-t-il contenté tout le monde.
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