À LA LOUPE – Après son passage dans l'émission "On n'est pas couché", Ségolène Royal s'est vu reprocher ses absences auprès du Conseil de l'Arctique. LCI a décrypté les critiques contre l'ancienne ministre et analysé son action d'ambassadrice pour les pôles.
Ségolène Royal était l'invitée de France 2 samedi soir. Sur le plateau de l'émission "On n'est pas couché", l'ancienne ministre de l'Écologie est intervenue en tant que présidente de la fondation "Désirs d’avenir pour la planète", et ambassadrice chargée de la négociation internationale pour les pôles arctique et antarctique.
Face à Laurent Ruquier et ses chroniqueurs, elle en a profité pour expliquer ses missions et partager le message qu'elle tente de transmettre au sein de cette instance : "Que dit la France ? Qu'est-ce que je dis au nom de la France dans ces instances, et notamment dans ce qu'on appelle le Conseil de l'Arctique ? C'est d'attirer l'attention sur les conséquences du changement climatique. […] Il y a de nouvelles routes marines qui s'ouvrent, avec un danger considérable qui est celui de la pollution au fuel lourd. La France a la position d'interdire le fuel lourd, à la fois transporté et comme carburant pour les bateaux dans l'Arctique", a-t-elle assuré.
Sur Twitter, ces mots ont fait bondir Mikaa Mered, professeur de géopolitique et spécialiste des pôles Arctique et Antarctique.
[FACT-CHECKING] #ONPC En 2 ans, S. Royal ne s’est JAMAIS rendue à la moindre réunion de la moindre instance diplomatique arctique officielle et n’a mené AUCUNE action contre les fuels lourds… Mais qui vérifie ? Ce n’est pas juste hallucinant. Ça fait peur… @ONPCofficiel 😳 https://t.co/8jCLIoUG3F — Mikaa Mered (@FranceArctique) September 15, 2019
En réponse à des internautes, qui l'ont interrogé sur le sujet, l'enseignant a tenu a précisé son propos. Selon lui, "le minimum c’est au moins d’aller au Conseil de l’Arctique, au Conseil Euro-Arctique de Barents, au Format de Varsovie et aux réunions arctiques au sein de l’U.E.". Il a ajouté que "la France est bien représentée dans ces instances officielles, mais depuis 2017, jamais par notre ambassadeur attitré pour l’Arctique en personne", en l'occurrence Mme Royal.
Ségolène Royal boude-t-elle le Conseil de l'Arctique ?
Fondé en 1996, le Conseil de l'Arctique est une instance intergouvernementale chargée de "promouvoir les aspects environnementaux, économiques et sociaux du développement durable dans la région de l’Arctique". En marge des États membres, la France y occupe un rôle d'observateur depuis 1998, au même titre que l'Allemagne, l'Italie, ou plus récemment l'Inde et la Chine (qui ont fait leur entrée en 2013).
Plusieurs réunions sont organisées chaque année par ce Conseil, des assemblées dont la liste des participants est rendue publique après chaque édition. Nommée ambassadrice chargée de la négociation internationale pour les pôles arctique et antarctique le 1er septembre 2017, Ségolène Royal aurait pu assister à plusieurs réunions officielles, dont deux en ce début d'année, en Finlande. Dans les comptes rendus, on observe que la France est chaque fois représentée, mais jamais par son ambassadrice.
"Mme Royal évalue son utilité à ces conseils en fonction de ses autres engagements", expliquent à LCI ses représentants au sein du Quai d'Orsay. Sont également pris en compte le "coût du déplacement et de son bilan carbone". Le siège français ne reste pour autant pas vide lors de ces événements : "Les pays observateurs n’ont pas la parole et par conséquent il est souvent plus utile de bien préparer ces échéances afin de faire connaitre les positions de la France, notamment sur le développement durable et de s’y faire représenter par un membre compétent de la diplomatie française."
Spécialiste de l'Arctique et doctorante en relations internationales à Sciences Po, Camille Escudé ne s'émeut pas vraiment d'un tel choix : au Conseil de l'Arctique, "la France envoie des scientifiques, que ce soit dans le domaine des affaire maritimes ou de la protection de la biodiversité. Le travail des Français est d'ailleurs apprécié car ce sont des spécialistes qui se déplacent, et pas uniquement des diplomates, à l'instar de ce que font d'autres pays".
Un rôle de représentation ?
Non rémunérée pour sa mission d'ambassadrice, Ségolène Royal se déplace davantage pour des événements plus grand public, à l'instar de l'Arctic Circle, des rencontres organisées chaque année en Islande durant lesquelles les participants ont la possibilité de s'exprimer à travers une série de discours. On peut ainsi retrouver en ligne l'intervention filmée de Ségolène Royal, dans laquelle elle insiste notamment sur le besoin de lutter contre le fuel lourd :
Si l'ex-ministre cherche à alerter sur les dangers qu'entraîne le fuel lourd, elle ne dispose pas aujourd'hui des moyens pour conduire à son interdiction. Le Conseil de l'Arctique non plus, d'ailleurs, ce dernier n'ayant pas un pouvoir de décision formel. "Les règles proposées n'ont pas une valeur législative", remarque Camille Escudé, "si les États-Unis ou la Russie ne les mettent pas en œuvre, on ne pourra pas les y forcer." La chercheuse reconnaît toutefois que la France dispose d'autres moyens d'action : "Au sein de l'Organisation maritime internationale, qui dépend des Nations unies, nous avons une représentante qui fait avancer les choses."
Outre ses interventions médiatiques, Ségolène Royal rencontre des scientifiques. Son équipe n'hésite d'ailleurs pas à partager l'agenda de l'ambassadrice, où sont compilées ces entrevues.
Une influence limitée
Alors que Chinois, Russes et Américains se disputent l'Arctique et ses richesses, la France reste à l'écart de ces luttes économiques. "Ségolène Royal s'inscrit dans la lignée de son prédécesseur, Michel Rocard," estime Camille Escudé, qui "voulait sanctuariser l'Arctique. Elle considère que la présence française au Conseil est uniquement environnementale et scientifique."
Au-delà du positionnement stratégique de la France, on peut aussi noter le peu de moyens alloués pour l'Arctique. "Ségolène Royal est entourée d'une équipe de trois collaborateurs", note Camille Escudé, "et elle dispose de tous petits moyens". Difficile dans ces conditions de "valoriser la science, de financer plus de chercheurs ou de faire davantage leur promotion lors des événements liés à l'Arctique".
Avec une marge de manœuvre limitée, l'ancienne ministre de l'Écologie tentera de mobiliser autour de ces enjeux multiples lors d'une "Arctic week", qui se déroulera en décembre à Paris. Le moyen peut-être de mettre en lumière une région du monde qui passe le plus souvent sous les radars.
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