Biden et Harris à la Maison Blanche

Accord de Paris sur le climat : comment Biden espère rattraper le temps perdu par Trump

par Charlotte ANGLADE
Publié le 20 janvier 2021 à 13h01, mis à jour le 20 janvier 2021 à 14h15
Joe Biden annonce les membres de son gouvernement le 8 décembre 2020.

Joe Biden annonce les membres de son gouvernement le 8 décembre 2020.

Source : CHIP SOMODEVILLA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

À REBOURS - Promesse de campagne de Donald Trump, les États-Unis ont quitté l'Accord de Paris le 4 novembre. Tout au long de son mandat, celui-ci n'a cessé de prendre des décisions préjudiciables à l'environnement. Pour que le pays retrouve un rôle de leader de l’action climatique, la tâche de Joe Biden s'annonce conséquente.

L'élection de Joe Biden a été un grand soulagement pour tous les défenseurs de l'environnement. Au cours de sa campagne pour la présidentielle, le démocrate a mis en avant des objectifs ambitieux dans la lutte contre le changement climatique et s'est engagé à réparer les dégâts causés par son prédécesseur. Les États-Unis doivent notamment réintégrer l'Accord de Paris, que Donald Trump avait décidé de quitter. Mais la tâche qui attend Joe Biden s'annonce ardue, sachant que seule la seule de toutes les procédures entamées par l'actuel président ne suffiront pas à rendre le bilan écologique des États-Unis, deuxième émetteur de gaz à effet de serre au monde, plus reluisant. Comment Joe Biden peut-il s'y prendre, alors que le World Resources Institutes plaide pour que les États-Unis se fixent un objectif de réduction des émissions de 50% d'ici 2030 par rapport à 2005.

Réintégrer l'Accord de Paris, un pas de géant

Depuis le mercredi 4 novembre, les États-Unis sont officiellement sortis de l’accord de Paris sur le climat, conformément à la volonté de Donald Trump. Immédiatement, Joe Biden annonçait que sa première décision une fois à la Maison Blanche serait d'y faire revenir son pays, qui pourrait alors endosser un rôle de leader dans l'action climatique. Cela prendra la forme d'une lettre présidentielle adressée à l'Onu, dès sa prise de pouvoir. Les États-Unis sont en effet l'un des principaux participants au budget du secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Ils financent aussi le fonds vert, destiné à soutenir les projets des pays en développement pour réduire leurs émissions et pour s’adapter aux évolutions du climat.

Revenir dans l'Accord de Paris, c'est aussi reprendre la promesse de réduire de 26% à 28% leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025 par rapport à 2005. Un atout considérable pour la limitation du réchauffement climatique, si on rappelle que les Américains sont responsables de 15% de la pollution mondiale. Réintégrer cet accord, avec de nouvelles promesses, apporterait sans conteste une aide précieuse à la planète et permettrait aux États-Unis de poursuivre les efforts déjà engagés, indépendamment des convictions de Donald Trump, par des villes, des États et des entreprises à travers le pays.

En 2018, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, estimait ainsi qu'il y avait "des espoirs" pour que le pays soit en mesure de respecter les engagements pris à Paris. "Nous avons observé dans les villes, et nous avons vu dans beaucoup d’États, un engagement très fort envers l’accord de Paris, si bien que certains indices vont même dans une meilleure direction que ce qui a été le cas récemment", avait-il déclaré. Selon le groupe de recherche indépendant Rhodium group, les émissions de gaz à effet de serre des États-Unis ont même diminué de 2,1% l'an dernier, après une forte hausse en 2018.

Détricoter les décisions de Donald Trump

Au-delà du retrait de l'Accord de Paris, l’administration Trump a réalisé de nombreux changements relatifs aux politiques du pays en matière de climat et d’environnement, signant multitudes de décrets présidentiels. En utilisant les mêmes outils que son prédécesseur, Joe Biden pourrait arriver à détricoter les décisions prises par ce dernier. Le président fraîchement élu pourra notamment compter sur l'aide des chercheurs du Sabin Center for Climate Change Law de la Columbia Law School à New York.

Ceux-ci ont dressé une liste de 159 mesures relatives au climat, décidées par Donald Trump, qui diminuent les protections environnementales. En août dernier, ils ont rédigé un plan de 65 pages, qui expose la manière dont Joe Biden peut rétablir les mesures réduites ou supprimées par Donald Trump. Les chercheurs appellent notamment à rétablir le comité consultatif de la science du climat, un dispositif gouvernemental destiné à aider le pays à se préparer à un changement climatique que le président avait dissout en 2017. Le Sabin Center for Climate change aimerait aussi voir Joe Biden réaffirmer les protections environnementales des océans, des côtes et des Grands Lacs, supprimées par une ordonnance en 2017. Cela avait notamment conduit à l'abolition d'un programme de dépollution des Grands Lacs, qui fournissent de l'eau potable à 40 millions de Canadiens et d'Américains.

Parmi les promesses de Joe Biden figure également la révocation du permis du projet d’oléoduc Keystone XL, évoquée par les chercheurs. En mars 2019, le président américain avait accordé un nouveau permis de construire au projet d'oléoduc géant, qui doit relier les champs pétrolifères du Canada aux Etats-Unis. Fermement combattu par les communautés autochtones des territoires qu'il traverse, inquiètes des dégâts environnementaux qu'il pourrait causer, il avait pourtant été bloqué en novembre par un juge américain. Pour ce faire, Biden devra assumer des crispations avec son voisin, le Premier ministre canadien Justin Trudeau.

Des procédures plus ou moins longues à annuler

Les réglementations fédérales en matière d’environnement prises par Donald Trump pourraient cependant être complexes à modifier, surtout si Joe Biden n'a pas de majorité au Sénat. Pour rectifier le tir, il devra en élaborer de nouvelles, un processus complexe qui nécessite généralement plusieurs années de travail.

De nombreuses procédures sont par ailleurs toujours en attente et les décrets pris par Joe Biden pourraient les rendre nulles, tandis que toutes les nouvelles réglementations non finalisées avant la fin du mandat de Donald Trump seront tout simplement abandonnées.

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Un "Green New Deal" pour relancer la transition écologique

Pour aller plus loin, le duo Biden-Harris veut mettre sur pieds un Green New Deal, un concept datant des années 2000 et hué par les partisans de Donald Trump, repopularisé par la représentante de l'aile gauche du parti démocrate Alexandria Ocasio-Cortez. Il permettrait une révolution écologique et sociale tout en relançant l'économie. Le futur locataire de la Maison Blanche a déjà annoncé vouloir mettre 2000 milliards de dollars sur la table pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 en favorisant les énergies vertes et en aidant l’industrie automobile à faire la transition vers des énergies propres. Des ambitions à contre-pied de celles de Donald Trump, qui a notamment annulé le Clean Power Act mis en place par Barack Obama. Cette loi imposait aux centrales à charbon des réductions d’émissions de CO2, pouvant conduire à la fermeture des installations les plus polluantes.

Le temps précieux dans la lutte contre le réchauffement climatique perdu

Mais malgré tous les efforts que fournira Joe Biden pour inverser la machine, le temps perdu ne se rattrapera guère. "Nous savons qu’il nous reste moins d’une dizaine d’années pour remettre notre économie sur le droit chemin concernant les émissions zéro. Il a gâché quatre années de ce temps précieux", explique à National Geographic Michael Burger, directeur général du Sabin Center. Dans un entretien diffusé jeudi 10 décembre sur la radio publique NPR, le futur émissaire spécial américain pour le climat, John Kerry, a de son côté estimé qu'il ne sera "pas si simple", pour les États-Unis, de "retrouver leur crédibilité" auprès des autres pays engagés pour le climat. La lutte contre le réchauffement climatique ne se contente pas de promesses.

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Charlotte ANGLADE

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