Deux-Sèvres : à quoi servent ces "méga-bassines" agricoles et pourquoi sont-elles contestées ?

Publié le 31 octobre 2022 à 10h55, mis à jour le 31 octobre 2022 à 11h01

Source : JT 20h Semaine

Des milliers de manifestants se sont mobilisés ce week-end à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) pour dénoncer un projet de réserve d'eau.
Pour les agriculteurs, ces "méga-bassines" sont d'un moyen pour avoir de l'eau en période de sécheresse sans que les nappes phréatiques soient trop sollicitées.
Les militants écologistes, eux, dénoncent leur impact environnemental.

Face à la sécheresse, les retenues collinaires et autres méga-bassines sont-elles la solution ? Une partie des agriculteurs le soutiennent alors que les restrictions d'eaux en période de sécheresse les impactent particulièrement. Au point qu'entre 2019 et 2022, la mise en place d'une "soixantaine" de retenues d'eau collinaires a été accélérée par le gouvernement.

Mais depuis, une grande partie de ces projets rencontre une opposition, comme dans les Deux-Sèvres, où plusieurs milliers de manifestants ont affronté les forces de l'ordre ce week-end, bien décidés à empêcher la poursuite des travaux. Les militants écologistes et certains habitants, comme une partie de la communauté scientifique, mettent en avant les impacts environnementaux de telles constructions.

Une solution face à la sécheresse

Alors que les épisodes de sécheresse doivent devenir de plus en plus récurrents et sur une période de plus en plus grande dans les années à venir du fait du réchauffement climatique, les agriculteurs appellent à une meilleure gestion de l'irrigation de leurs terres. Pour ce faire, une partie, soutenue par la FNSEA, le principal syndicat agricole, plaide pour la construction de retenues d'eau.

Celles-ci peuvent être de plusieurs sortes. Ce qui est appelée "retenue collinaire" est alimentée grâce à l'eau de pluie et au ruissellement. Les bassines, ou méga-bassines, consistent, elles, à stocker de l'eau via le pompage dans des nappes phréatiques ou des cours d'eau en hiver, au moment où les précipitations sont importantes.

Des impacts sur l'environnement

Or, ce type de bassines rencontre l'opposition de militants écologistes et d'une partie de la communauté scientifique. Le chercheur Eric Sauquet soulignait ainsi auprès de l'AFP l'impact "certainement pas neutre" de ces retenues sur les milieux naturels. Les militants considèrent que le pompage dans les nappes phréatiques en période hivernal, au moment où ces nappes sont censées être en train de se recharger, conduiraient à les empêcher de se remplir en amont de l'été à venir. 

Par ailleurs, ils pointent les pertes que ce stockage dans des bassines pourrait entrainer, via l'évaporation notamment. Au contraire, les agriculteurs estiment que le pompage en hiver permettrait d'avoir suffisamment d'eau l'été grâce aux bassines, évitant par conséquent de recourir aux nappes phréatiques au moment où elles sont les plus fragiles.

Dans un rapport, l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture, en partenariat avec l’INRA, reconnaissait en 2016 les impacts environnementaux de ces bassines puisqu'elles modifient notamment "le fonctionnement écologique du milieu aquatique". Pour autant, face à la diversité des types de projets, il était difficile pour cet institut de véritablement quantifier ces impacts, notamment sur les recharges des nappes. C'est pourquoi le rapport préconisait des études au cas par cas avant la validation de chaque projet de retenues d'eau afin de mesurer et limiter les impacts.

Par ailleurs, si l'apport de telles retenues est reconnu à court terme, certains scientifiques la définissent comme une solution de "mal-adaptation". Parier sur les retenues collinaires (stockages d'eau) et les bassines de rétention d'eau pour garantir les rendements en agriculture, "c'est donner l'illusion que le système peut perdurer alors qu'il y aura certainement d'autres blocages à un moment ou à un autre", quand "on sait que la taille du gâteau va diminuer", jugeait le chercheur Eric Sauquet. 

Selon lui, face au changement climatique, il s'agit surtout pour les agriculteurs de repenser l'ensemble du système de production, d'abandonner des cultures trop gourmandes en eau pour d'autres plus adaptées à la chaleur, de faire de la polyculture, ou encore de l'agroécologie.


Aurélie LOEK

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