Avec son puits profond de plus de 10 km, la Chine sonde les tréfonds de la Terre

Publié le 10 juin 2023 à 16h42

Source : JT 13h WE

Pékin a lancé, le 30 mai dernier, le forage de l'un des trous les plus profonds du monde.
Une opération qui doit durer un peu moins d'un an et demi.
Et qui doit permettre à la Chine d'explorer les ressources situées dans les grands fonds terrestres.

Une fois terminé, il sera l'un des trous de forage les plus profonds au monde. Lancée dans une course à l'espace face aux grandes puissances mondiales, la Chine s'est lancée dans une autre exploration, à l'opposé de la première : le centre de la Terre. Le 30 mai dernier, Pékin a commencé le forage d'un trou de 11.000 mètres de profondeur - l'équivalent de 33 tours Eiffel, selon Science Alert - dans le désert du bassin du Tarim, dans la région autonome du Xinjiang, au nord-ouest du pays. 

Selon les informations de l'agence de presse étatique chinoise Xinhua, relayée par le Guardian, ce puits étroit va traverser plus de 10 strates continentales pour atteindre le système crétacé de la croûte terrestre. Une fois achevé, d'ici un peu moins d'un an et demi - 457 jours exactement selon les autorités chinoises -, le trou permettra aux scientifiques d'atteindre une série de roches stratifiées datant de 145 millions d'années. Il est présenté par les médias d'État chinois comme un "jalon indispensable dans l'exploration de la Terre profonde par la Chine". 

Un projet scientifique... vraiment ?

Ce puits devrait permettre aux chercheurs d'étudier la structure interne et l'évolution de la Terre, qui permettront de compiler des données pour la recherche géoscientifique. Il pourrait aussi permettre d'identifier des ressources minérales et d'évaluer les risques de catastrophes naturelles comme les tremblements de terre ou les éruptions volcaniques, détaille l'un des scientifiques pilotant le projet auprès du média américain Bloomberg. Des affirmations qui sont toutefois remises en question par certains scientifiques, Christophe Vigny, géophysicien et directeur de recherche au CNRS, estimant dans Le Parisien que "l'intérêt scientifique est assez faible (...) Les tremblements de terre se déclenchent souvent à une profondeur supérieure à 10 km sous la surface" alors que dans la zone explorée "la sismicité comme l'activité volcanique sont assez faibles". 

Au-delà de l'intérêt scientifique, ce puits géant pourrait en réalité être construit avec un objectif bien précis : changer la dépendance énergétique de la Chine pour le gaz et le pétrole, Pékin étant dépendant des importations de pétrole brut pour son économie. D'ailleurs, l'entreprise qui dirige le projet n'est autre que la China Petroleum Corporation, principal producteur étatique de pétrole et de gaz. Avec ce forage, elle répond ainsi à l'appel lancé par Xi Jinping en 2021. Le président avait alors appelé les géants chinois de l'énergie à chercher des ressources naturelles.

Et la région du Xinjiang est justement connue pour être riche en gisements de minéraux et de pétrole. Le mois dernier encore, Sinopec, la plus grande société de raffinage de Chine, a découvert des flux de pétrole et de gaz assez importants dans un puits d'exploration du bassin de Tarim, à plus de 8500 mètres de profondeur. Compléter ces ressources serait un atout important pour l'avenir de Pékin, malgré les recommandations des scientifiques qui appellent à cesser tout développement de nouveaux forages pétroliers ou gaziers pour tenter de limiter le changement climatique dû aux activités humaines.

Un défi fou dans un environnement particulièrement hostile

Reste que, si la Chine mise déjà sur ce projet impressionnant, rien ne garantit qu'il sera mené à bien avec succès. "La difficulté de construction du projet de forage peut être comparée à un gros camion roulant sur deux minces câbles d'acier", a expliqué Sun Jinsheng, scientifique à l'Académie chinoise d'ingénierie, à l'agence de presse Xinhua. L'équipement pour forer le puits - qui pèse plus de 2000 tonnes - va également devoir résister à des températures et des pressions extrêmes. Il est ainsi conçu pour endurer des chaleurs souterraines allant jusqu'à 200 degrés et supporter une pression atmosphérique 1300 fois supérieure à celle de la surface de la Terre. Le défi est d'autant plus fou qu'il se déroule dans le bassin du Tarim, qui abrite le désert le plus chaud et le plus sec de Chine, représentant un environnement de travail particulièrement hostile.

L'immense forage s'inscrit dans le cadre des efforts déployés par Pékin pour explorer de nouvelles frontières, que ce soit dans les airs ou sous terre. S'il est remarquable par sa taille, le puits ne sera toutefois pas le trou le plus profond jamais creusé par l'homme. Ce record est détenu par le forage superprofond de Kola, dans le nord-ouest de la Russie. Construit en 1989 après 20 ans de travaux, il descend à une profondeur de 12.262 mètres sous terre, mais n'est aujourd'hui plus en service. Le Qatar détient également un important puits dans son champ pétrolier offshore d'Al-Shaheen, avec un trou de 12.290 mètres de profondeur.


Annick BERGER

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