Bien qu’interdits depuis des années, des pesticides contaminent toujours l’air

Publié le 18 décembre 2019 à 22h22
Bien qu’interdits depuis des années, des pesticides contaminent toujours l’air
Source : REMY GABALDA / AFP

POLLUTION - Dans une vaste base de données rendue publique ce mercredi 18 décembre, PhytAtmo, les Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air ont mesuré les concentrations de pesticides dans l’air en France. Parmi ces substances, certaines ont été pourtant retirées du marché il y a des années.

Le constat est sans appel. De 2002 à 2017, les Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) ont, avec du matériel spécialisé, mesuré les concentrations de 321 pesticides dans l’atmosphère. Et où que l’on vive, à la campagne comme en ville, dans le nord comme dans le sud, nous respirons certains d'entre eux… dont quelques-uns proscrits en France depuis des années. 

C’est le cas du lindane, interdit dans le milieu agricole depuis 1998 et dans les produits anti-poux depuis 2006. Cet insecticide figure parmi les dix substances les plus retrouvées dans l’air aujourd’hui, et ce dans la plupart des régions. Egalement dans le classement, le chlorothalonil, un fongicide classé comme cancérigène avéré par l’Autorité européenne de sécurité des aliments en 2018 et interdit par l’Union européenne en mars dernier, censé être effectif dès le mois de novembre (avec un délai courant jusqu’en mai). La France n’a pour le moment pas retiré le chlorothalonil du marché. 

Ultra résistant au temps

D’autres pesticides bel et bien interdits figurent parmi les prélèvements des AASQA, en moins grande quantité. Des traces de deux fongicides prohibés ont été décelés dans la commune lilloise : le dyphénylamine, interdit depuis 2011, et le tolyfluanide, banni depuis 2008 et déjà repéré dans l’air du département de la Vienne en 2014, à l’occasion de mesures faites par Atmo Poitou-Charentes. En Ile-de-France, l’atrazine, un herbicide retiré en 2003 et reconnu comme étant un perturbateur endocrinien, a été retrouvé dans l’atmosphère. Celui-là se trouvait aussi en quantité importante dans l’eau du Grand Poitiers en 2014. 

Alors, comment des produits retirés du marché il y a des années de cela peuvent se trouver encore dans l’air que nous respirons ? Cela s’explique par la constitution de ces substances, explique l’Atmo France, qui a diligenté le projet PhytAtmo : "Les molécules des pesticides sont très difficilement dégradables, elles sont très résistantes et peuvent rester longtemps dans le sol." Longtemps, c’est-à-dire jusqu’à 50 ans, bien qu’"au fil des années, ces substances se dégradent peu à peu et baissent en quantité". 

Aucune mesure nationale de surveillance de l'air

Et si ces substances finissent par contaminer l’air, c’est en partie dû aux conditions météorologiques, comme les fortes pluies les faisant ruisseler jusque dans les cours d’eau environnants et se disperser dans la nature, mais aussi les périodes de sécheresse qui, avec le vent, remettent ces molécules en suspension. Le phénomène d’érosion des sols contribue également à remonter les pesticides à la surface.

Des insectes pour remplacer les pesticidesSource : JT 20h WE

Ces plus de 6 000 prélèvements ont été réalisés par les AASQA alors qu’aujourd’hui, les pesticides ne font pas l’objet de surveillance dans l’air par le ministère de la Transition écologique, mais seulement dans l’eau et dans l’alimentation. Problème de budget, selon Atmo France : "Avant de prendre un arrêté, il faut encore savoir quelle substance mesurer. Car cela coute très cher de mesurer 90 substances différentes." Là est l’objectif de cette vaste enquête : cerner les pesticides étant les plus présents dans l’atmosphère puis "pérenniser la surveillance de l’air" par les AASQA, sous l’égide de l’Etat. 


Caroline QUEVRAIN

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