Des banques françaises proposent-elles de spéculer sur la raréfaction de l'eau potable ?

Publié le 5 octobre 2021 à 18h11
Le fonds d'investissement de la BNP vise à soutenir des entreprises qui contribuent à apporter un accès à une eau potable de qualité pour le plus grand nombre.

Le fonds d'investissement de la BNP vise à soutenir des entreprises qui contribuent à apporter un accès à une eau potable de qualité pour le plus grand nombre.

Source : ALBERT GONZALEZ FARRAN / AFP

INVESTISSEMENTS - La banque BNP Paribas a été prise à partie ces derniers jours en ligne, accusée d'encourager la spéculation sur la raréfaction de l'eau. Si des ONG visent régulièrement les banques tricolores pour leur impact environnemental, ici s'agit ici d'une mise en cause abusive.

Dénonçant "le capitalisme dans toute sa splendeur", un message a été relayé sur plusieurs réseaux sociaux ces derniers jours, visant directement la banque BNP Paribas. Alors que "la raréfaction de l'eau va avoir des conséquences désastreuses pour des millions d'humains dans les années à venir", nous dit cette publication, "BNP propose un fond 'AQUA', où c'est vu comme une opportunité d'investissement". Et de mentionner le fait que l'entreprise évoque une "ressource limitée".

Lorsque l'on se penche plus en détails sur ce fonds d'investissement, on constate toutefois qu'il soutient des entreprises dont l'action contribue à faciliter l'accès à l'eau potable ou à organiser sa distribution. Les accusations à l'encontre de la BNP apparaissent donc plus que sévères, bien que les banques françaises soient parfois épinglées pour leur impact négatif sur l'environnement et leur soutien aux énergies fossiles.

BNP Paribas regrette une formulation malencontreuse

Sur Twitter ou Linkedin, le message mettant en cause la banque s'accompagne d'une capture d'écran, sur laquelle on peut lire une brève description du fameux fonds "Aqua". Une formulation en particulier attire l'attention : et en effet mis en avant un "portefeuille d'actions mondiales conçu pour profiter du déséquilibre croissant entre l'offre et la demande de l'eau". L'usage du verbe "profiter" ? Une "traduction regrettable" d'un document dont la version initiale est en anglais, glisse la BNP à LCI. Une telle phrase "peut porter à confusion", confie-t-on du côté de l'entreprise, ajoutant en passant qu'elle est "en cours de modification".

BNP Paribas, en prenant connaissance de cette maladresse, a adressé par la voie d'une de ses représentantes une réponse aux mises en cause qui la visaient. "La stratégie de ce fonds [...] consiste à contribuer à l’accès à une eau potable de qualité pour le plus grand nombre", a tenu à souligner l'entreprise. Ajoutant que "le fonds investit dans des sociétés qui dégagent une partie significative de leurs revenus dans l’un de ces domaines, comme par exemple les technologies de traitement, d’économie et de recyclage de l’eau, installation, entretien et rénovation des réseaux de distribution d’eau, services d’assainissement des eaux usées et le contrôle de la pollution". En cela, il contribuerait "à réduire le déséquilibre entre l’offre et la demande d’eau à travers le monde".

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Notons que ce fonds n'a rien de très nouveau puisqu'il a été mis en place par la banque voilà une dizaine d'années. Il permet d'investir dans un panel de 52 entreprises, parmi lesquelles figure le géant français Véolia. La BNP précise en passant que "les entreprises sélectionnées au sein des portefeuilles respectent les 10 principes du Pacte Mondial des Nations Unies [...] visant à associer les entreprises aux problématiques du développement durable afin qu’elles respectent les droits de l’Homme, le droit du travail, l’environnement, la lutte contre la corruption".

On peut souligner que sur Linkedin, des réponses à la publication incriminant la BNP livraient une vision moins manichéenne d'un tel fonds d'investissement. "Je ne vois pas où est le souci d'investir dans ces boites. Le problème de fond est que ce 'marché' soit privé, c'est tout", estimait notamment un internaute. La vraie question selon lui étant plutôt de savoir "avec quoi est-il acceptable de faire du profit".

Les banques régulièrement épinglées

S'il apparaît abusif de prendre en exemple le fond Aqua de la BNP pour dénoncer une spéculation bancaire sur des pénuries d'eau potable, il convient aussi de rappeler que l'impact environnemental des banques se révèle majeur. Si l'on en croit un rapport de 2019 signé Oxfam et Les amis de la Terre, l'empreinte carbone des banques serait tout bonnement "colossale". Une véritable "affaire d’État" aux yeux de ces associations, qui citaient dans leur introduction des propos d'Emmanuel Macron.

"Sur le plan financier, il nous faut nous mettre en cohérence avec nos actions", déclarait en 2019 le chef de l'État devant les Nations Unies. "Ce souci de cohérence", soulignait-il, "c’est d’arrêter de financer à l’extérieur des projets d’infrastructures

carbonés. On ne peut pas dire ici, on est pour lutter contre le réchauffement climatique, pour la biodiversité, et continuer

à financer dans d’autres pays des infrastructures qui polluent, qui augmentent les émissions de CO2, et qui font exactement

le contraire." Ce message clair, les banques françaises ne l'ont pas entendu, déplore le rapport. Et d'indiquer qu'en 2018, "les émissions de gaz à effet de serre issues des activités de financement et d’investissement des quatre principales banques françaises – BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et BPCE – dans le secteur des énergies fossiles ont atteint plus de 2 milliards de tonnes équivalent CO2, soit 4,5 fois les émissions de la France cette même année". 

Plus récemment, au printemps, c'est un autre rapport qui est venu accabler les établissements bancaires français. Le Monde, qui évoquait cette publication dévoilée par six ONG internationales, mettait en avant qu'entre 2016 et 2020,  en matière de soutien aux énergies fossiles, "les financements de ses principaux établissements" français, à savoir "BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole, Natixis et Crédit mutuel – ont presque doublé sur la période". Les sommes sont considérables puisqu'elles sont passées "de 45 milliards de dollars en 2016 à 86 milliards de dollars en 2020, soit une hausse de 19 % par an en moyenne, selon le rapport, qui agrège les prêts et les émissions d’actions et d’obligations des banques".

La dynamique, surtout, inquiète : "Les banques françaises – à l’exception de Crédit mutuel – ont accru leur soutien de 36 % en 2020, à rebours de la tendance internationale, à la baisse (− 9 %) du fait de la crise économique liée à la pandémie de Covid-19". Dans ce contexte, la BNP apparaît comme un mauvais élève avec "41 milliards de dollars de financements aux énergies fossiles en 2020". Une somme qui fait d'elle "la banque qui a le plus augmenté ses soutiens l’an dernier au niveau international", résumait le quotidien.

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Thomas DESZPOT

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