Boris Herrmann, le skipper écolo qui prend le pouls de l'océan tout en naviguant

Propos recueillis par Caroline Quevrain
Publié le 7 septembre 2020 à 11h59
Boris Herrmann, le skipper écolo qui prend le pouls de l'océan tout en naviguant
Source : DAMIEN MEYER / AFP

INTERVIEW – Boris Herrmann participera au Vendée Globe en novembre prochain. Avant cela, le skipper revient pour nous sur son action pour la protection des fonds marins, et notamment la manière dont il collecte des données sur les océans.

C'est lui qui avait accompagné l’activiste Greta Thunberg jusqu’à New York à l'été 2019. Le skipper Boris Herrmann poursuit depuis plus discrètement son engagement en faveur de la biodiversité. Il a en particulier profité de sa dernière course, le Vendée-Arctique-Les-Sables d’Olonne début juillet, pour aider la recherche sur les fonds marins et le réchauffement des océans. 

Concrètement, il a fourni des données précieuses à trois instituts scientifiques grâce à son laboratoire de bord : des mesures prises à la surface de l'océan, à des endroits éloignés et difficiles d'accès. Avant sa première participation au Vendée Globe, le 8 novembre prochain, le navigateur allemand a accepté de nous parler de cette contribution à la science.

Boris Herrmann et son équipage au départ de sa dernière course en juillet 2020
Boris Herrmann et son équipage au départ de sa dernière course en juillet 2020 - Phototèque Boris Herrmann

LCI : Comment procédez-vous pour collecter des données scientifiques lors de vos voyages en mer ?

Boris Herrmann : Nous avons un laboratoire automatisé à bord, un boîtier d'un mètre de long qui est complètement autonome. Cette machine peut mesurer des données océanographiques, la température de la mer, la salinité, le pH, le CO2 notamment. Nous sommes très fiers d’avoir ce matériel : il ne faut pas sous-estimer l’importance de ces données, qui sont rares. Nous avons aussi pour mission de jeter à l'eau un "flotteur-profileur", qui plonge jusqu'à 10 mètres de profondeur. Ce tube qui mesure 1m50 et pèse 20 kilos dérive et reste pendant 4 ou 5 ans en mer. Complètement autonome, il transmet ses données par satellite. 

LCI : Quel est l'objectif ?

BH : Avoir des données que l’on fournit en temps réel à trois institutions scientifiques, l'Ifremer, Géomar et Max Planck, qu’elles utilisent pour leurs recherches. Nous prenons aussi de l’eau de mer une fois par jour et la donnons à l’Ifremer, à Brest, pour vérifier que les mesures sont correctes. La recherche qui nous tient le plus à cœur est la lutte contre réchauffement climatique, et notamment de voir combien les océans captent de CO2. Cela permet de comprendre précisément les changements de température dans l’océan. 

LCI : D’où vous vient votre sensibilité à la cause environnementale ?

BH : C’est un mélange entre des rencontres et un déclic il y a dix ans, quand je naviguais dans le Pôle Sud. La glace était complètement changée, ça nous a mis en retard et mon coéquipier a perdu 15 kilos. C’est un moment que je ne peux pas oublier. J’ai alors commencé à m’intéresser beaucoup plus précisément à la manière dont les océans et le réchauffement sont liés. Aujourd’hui, c’est une erreur de parler de réchauffement climatique. Ce qui se réchauffe, ce sont les océans : ils captent la plupart du CO2 émis par l’humanité.

Boris Herrmann et Greta Thunberg à leur arrivée à New-York en août 2018
Boris Herrmann et Greta Thunberg à leur arrivée à New-York en août 2018 - Jen Edney

Les océans sont à la fois proches et distants dans notre culture. La plupart des gens vivent sur les côtes mais ne sont pas éduqués, ne comprennent pas bien le rôle de mer, ni l’impact du réchauffement climatique, qui semble lointain. On sait que les océans sont importants, qu’il faut les protéger du plastique. Mais comprendre que sans eux, on ne peut pas vivre sur cette planète, c’est autre chose. 

LCI : Vous voyagez sur un bateau à énergie propre, que vous venez d'ailleurs de rebaptiser "Seaexplorer - Yacht Club de Monaco". Comment ça fonctionne ? 

BH : Nous avons une grande surface de panneaux solaires, ce qui nous permet d’avoir ce laboratoire qui représente une consommation supplémentaire. Pour une indépendance des technologies vulnérables, nous avons des hydro-générateurs à l’arrière du bateau. Résultat, nous avons déjà réalisé quatre transats sans moteur, sans diesel, à zéro émission. Ça nous rend plus indépendants et la vie sur le bateau est beaucoup plus agréable sans bruit de moteur. 

LCI : Il y a un an, vous avez traversé l’Atlantique avec Greta Thunberg. Vous avez des nouvelles ?

BH : Oui, nous sommes en contact, nous échangeons. Elle m’a félicité pour mon bébé l’autre jour. Ce genre d’aventure, ça crée des liens.


Propos recueillis par Caroline Quevrain

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