Qu'est-ce que le prosulfocarbe, cet herbicide parmi les plus vendus en France dans le viseur de l'Anses ?

Publié le 3 octobre 2023 à 20h04

Source : Sujet TF1 Info

L'Agence de sécurité sanitaire a annoncé de nouvelles mesures pour les agriculteurs concernant l'utilisation du prosulfocarbe.
En cause : un risque d'exposition trop élevé des enfants à cet herbicide.
Le produit, autorisé depuis 1990 en France, est notamment utilisé sur les céréales et les pommes de terre.

Les agriculteurs vont devoir modifier leur utilisation du prosulfocarbe. Mardi 3 octobre, l'Agence de sécurité sanitaire (Anses) a annoncé l'obligation, à partir du 1er novembre pour les professionnels utilisant cet herbicide, de respecter une zone tampon d'au moins dix mètres et de diminuer les dosages épandus sur les cultures. En cause : une nouvelle évaluation des risques pour les enfants. 

Dans ses conclusions, l'Anses explique ne pas "exclure, pour une exposition par voie cutanée principalement, le dépassement des seuils de sécurité pour les enfants se trouvant à moins de 10 mètres de distance de la culture lors des traitements". L'Agence avait été saisie après des dépassements de limites maximales de résidus sur des cultures non traitées directement avec le prosulfocarbe, dont des pommes, et après un pic de concentration dans l'air ambiant en Nouvelle-Aquitaine. Dans les deux cas, elle a conclu à l'absence de préoccupation sanitaire. 

Allergies et risques en cas d'ingestion

L'herbicide est autorisé en France depuis 1990 et est homologué jusqu'au 30 octobre 2023. En Europe, son utilisation a été prolongée jusqu'en 2027. Il est principalement présent sur les céréales (près d'un tiers des surfaces cultivées), les pommes de terre (plus des deux tiers) et sur certaines cultures légumières comme les carottes (plus de la moitié). Avec près de 6500 tonnes utilisées en 2021, le prosulfocarbe est la deuxième substance active herbicide la plus vendue dans le pays. Selon l'Inrae, en 2022, les ventes ont augmenté d'environ 14%. 

Tout comme le glyphosate auquel il est souvent comparé, l'herbicide n'est pas classé comme cancérogène, mutagène et reprotoxique. Il peut cependant provoquer des allergies sur la peau et il est nocif en cas d'ingestion. L'Anses reconnaît également qu'il n'existe pour l'heure que peu de travaux sur ses effets sanitaires, car son utilisation est assez récente.

Ce n'est pas la première fois que l'utilisation du produit est restreinte. Les associations de défense de l'environnement réclament depuis plusieurs années son interdiction. Générations Futures,  pointe notamment le côté "très volatil" du prosulfocarbe et sa capacité à se "redéposer sur d'autres cultures non ciblées à de longues distances"

Côte agriculteurs, le syndicat Coordination rurale avait indiqué en septembre dans le magazine France Agricole craindre que la fin de l'utilisation de l'herbicide n'entraîne "une baisse de 20% de production" de blé à l'échelle du pays. Le gouvernement, lui, a pris note de l'évaluation de l'Anses et a indiqué "intensifier" la "recherche d'alternatives au prosulfocarbe et plus généralement à l'emploi des herbicides". Le ministère de l'Agriculture a également précisé qu'un "plan d'action stratégique" a été mis en place pour "mieux se préparer au retrait des substances actives et développer des techniques alternatives de protection des cultures". 

Un plan qui "s'inscrit dans les travaux en cours sur la planification environnementale et dans la nouvelle stratégie nationale sur l'utilisation des produits phytopharmaceutique et la protection des cultures". 

Contrôle strict de l'Anses

Face à ces éléments, les agriculteurs devront donc désormais utiliser du matériel permettant de réduire de 90% la quantité de gouttelettes de prosulfocarbe transportées hors de la zone traitée par l'action de courants d'air pendant l'application. Ils devront également respecter une distance de sécurité de 10 mètres avec les zones d'habitation, contre 5 mètres auparavant. Par ailleurs, si les professionnels ne peuvent pas utiliser de matériel plus performant, la distance de sécurité doit être élargie à 20 mètres. Enfin, les doses maximales d'herbicide autorisées à l'hectare sont réduites d'au moins 40%. 

L'Anses a par ailleurs demandé aux entreprises concernées de faire la preuve de l'efficacité de ces nouvelles conditions d'utilisation sur la sécurité des riverains, avec notamment des études en conditions réelles mesurant les dépôts sur des mannequins. Si l'agence estime que ces études ne sont pas probantes, elle retirera, "sans aucun délai" les autorisations de mise sur le marché.

Des mesures saluées par Génération Futures, qui s'interroge toutefois sur la possibilité de contrôler le respect des règles et si la distance de 20 mètres "suffira à faire diminuer suffisamment l’exposition des riverains". Dans la mesure où les nouvelles études réclamées par l'Anses seront réalisées par les industriels eux-mêmes, l'ONG se demande aussi quelles seront les "garanties de leur impartialité".


Annick BERGER

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