CLIMAT – Six mois après le vote de 149 mesures par la Convention citoyenne pour le climat, une première version du projet de loi climat a été finalisée. Des mesures phares voulues par les 150 citoyens ne figurent pas dans le texte.
Après neuf mois de travaux de la Convention, de nombreuses promesses formulées au sommet de l’État et presque six mois de discussions, le projet de loi climat a droit à une première version. Le texte doit reprendre 40% des 146 propositions votées par les citoyens et retenues in fine par Emmanuel Macron au mois de juin dernier. Quant aux autres mesures, elles figurent dans d’autres textes de loi, sont passées en conseil de défense écologique, telle que la fin des terrasses chauffées, ou bien tout simplement à la trappe, comme c’est le cas du moratoire sur le déploiement de la 5G.
Une version finale au Conseil d'État avant Noël
Chez les "conventionnels", qui ont buché sur des centaines de propositions, vu autant d’experts et de militants du climat, et à qui on a remis ces premiers arbitrages, le sentiment est doux-amer. "Pour lutter contre le réchauffement il faudra être moins tiède", prévient Sylvain Burquier, sur Twitter. "On voudrait plus, en tout cas on nous a laissé rêver qu’on aurait plus. C’est une belle loi climat mais ce n’est pas la loi climat qui va marquer les 50 prochaines années", nous résume Grégoire Fraty. Suite aux débats issus de la contestation des Gilets jaunes, 150 Français tirés au sort ont ainsi eu pour mission de travailler à des mesures concrètes pour réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et ainsi de mettre le pays dans les clous de l’Accord de Paris.
Ce projet de loi, auquel LCI a eu accès, reprend la structure des travaux de la Convention, avec les thèmes suivants : consommer, se loger, se déplacer, se nourrir, travailler et produire. Transmis aux parlementaires et aux citoyens, il doit encore être modifié avant d’être envoyé au Conseil d’État pour avis avant Noël. Les 150, eux, ont rendez-vous avec Emmanuel Macron lundi 14 décembre.
Consommer
L’exécutif a acté l’interdiction des avions publicitaires ou la distribution d’échantillons de produits "sans consentement express du consommateur". Il a également inscrit l’éducation à l’environnement dans la loi et d’en faire un sujet abordé dans différentes matières. Le gouvernement compte rendre obligatoire l’extinction des publicités lumineuses de 1h à 6h du matin. Cela ne concernera que les images fixes et exclure les publicités des transports en commun. Il laissera toutefois la possibilité aux maires d'aller plus loin s’ils le souhaitent.
L’interdiction de la publicité des produits polluants, à laquelle s’était notamment opposé le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, n’a pas été intégrée au texte comme telle. Seule la publicité dédiée aux énergies fossiles a été reprise, visant alors quelques entreprises comme Total. C’est un coup dur pour les 150 citoyens qui voyaient en cette mesure un réel moyen de faire évoluer les consciences. Aussi, le gouvernement dit poursuivre "l’évaluation de la faisabilité juridique d’une interdiction de publicité sur la base du CO2 score". En coulisses, des discussions se poursuivraient sur le financement de la culture et des médias en cas d’interdiction de ces publicités.
Se loger
Parmi les propositions contenues dans le projet de loi, il y a l’interdiction de la location des passoires thermiques, ces logements mal isolés et consommant énormément, à partir de 2028. "C’est une super mesure de justice sociale", se réjouit Grégoire Fraty, qui a travaillé au sein de ce groupe et en particulier sur la rénovation des bâtiments. Figure aussi dans le texte l’interdiction d’artificialisation des sols ou bien de création de nouveaux centres commerciaux sur des espaces naturels, avec toutefois des dérogations possibles en-dessous de 10.000 m² de terrain. "Cela laisse la porte ouverte à un nombre bien trop grand de dérogations", prévient le député Matthieu Orphelin, dans un communiqué.
Pour l’instant, l’obligation de rénovation énergétique des bâtiments pour les propriétaires occupants, considérée comme la mesure phare de cette thématique, n’a pas été intégrée au texte. Grégoire Fraty croit voir ce qui bloque en l’état : "C’est un message politique fort pour les gens de leur dire de devoir rénover leurs maisons, et puis cela coûte cher".
Se déplacer
Beaucoup débattue, contestée par le ministre délégué aux Transports Jean-Baptiste Djebbari, la fin des vols intérieurs a été reprise dans le projet de loi mais revue à la baisse. Tandis que la Convention climat proposait l’interdiction des vols lorsque le même trajet peut se faire en train en moins de 4 heures, le gouvernement s’est entendu sur l’existence d’une contrepartie en train de moins de 2h30. "Seuls 5 vols nationaux sur 108 seront supprimés (un jour)", calcule ainsi Clément Sénéchal, porte-parole de Greenpeace, sur Twitter. Et conclut : "La proposition de la Convention citoyenne pour le climat est quant à elle enterrée".
L’exécutif compte par ailleurs interdire l’accès aux centres-villes aux véhicules les plus polluants avec l’obligation de zones à faibles émissions pour les agglomérations de plus de 150.000 habitants, ainsi que la vente de véhicules neufs émetteurs de plus de 110 gCO2/km. Ces deux mesures sont prévues pour 2025.
Se nourrir
L’exécutif prévoit d'expérimenter la mise en place d'un menu végétarien chaque jour dans les cantines scolaires dès 2022 ou encore de taxer les engrais azotés en 2024 "en cas d’échec des mesures incitatives de réduction des émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote, et si la France ne parvient pas à faire adopter une telle mesure fiscale au niveau européen".
Travailler et produire
Le gouvernement a repris la proposition d'installer des panneaux solaires sur les toits des commerces, mais sur une surface de 500 m² et non de 1000 m², comme demandée par la Convention. Une autre mesure, ne faisant pas partie des propositions de la Convention, fait déjà beaucoup réagir : celle de la réforme du code minier qui, selon le gouvernement, "vise à développer un modèle extractif responsable et exemplaire, et à corriger les dispositions du code minier devenues obsolètes ou insuffisamment précises". Une modification qui a indigné Marine Calmet, l'une des membres de la Convention, qui voit dans cette décision surprise un "tapis rouge aux mines". "Inscrire la réforme du code minier dans le projet de loi climat un sabotage pur et simple des efforts des citoyen.nes et de nos engagements climatiques. Le secteur minier est un des plus émetteurs en GES."
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