Face à l'urgence du réchauffement climatique, certains préfèrent minimiser.Entre ceux qui appellent à s'adapter et ceux qui crient au complot, ce mouvement est très hétéroclite.Plongée chez les "climato-rassuristes".
Fausses preuves, décrédibilisation de la parole scientifique, harcèlement en ligne et accusations infondées. On pourrait penser que l'on parle du mouvement anti-restrictions né avec le Covid-19. Il n'en est rien. Cette fois-ci, "l'épidémie" à laquelle certains Français ne croient pas, c'est celle du réchauffement de la planète. Élus, représentants de la société civile, météorologues "controversés" ou internautes anti-vaccin, les membres de cette nouvelle sphère qui minimise le phénomène du changement climatique sont hétéroclites. Mais ils parlent d'une même voix.
"On va s'adapter"
C'est un "voyage chez les rassuristes du climat" que proposait L'Obs le 28 mai dernier. S'ils ne sont pas climato-sceptiques à proprement parler, le magazine peignait le portrait de "hauts fonctionnaires, experts, leaders d'opinion" qui "refusent de s'inquiéter" face au dérèglement des températures. Eux, pensent que c'est le propre de l'humain que de s'adapter. Qu'une solution finira par être trouvée via l'innovation ou les nouvelles technologiques. Une position qu'on retrouve aussi chez ces chefs d'entreprise qui sauvent la planète à grands coups de greenwashing, sans bousculer leurs habitudes.
Emblème de cette philosophie, le chef du département investissements durables de la HSBC. Le 20 mai dernier, Stuart Kirk a prononcé un discours intitulé "Pourquoi les investisseurs n'ont pas besoin de s'inquiéter du risque climatique". Le ton est donné. Celui dont le rôle est justement de veiller à ce que les investissements de la banque n'aggravent pas l'état de planète estimait qu'il n'y avait pas de problème "si Miami est six mètres sous l'eau dans 100 ans". "Amsterdam est sous l'eau depuis des lustres, et c'est un endroit très agréable. Nous nous adapterons", avait-il lancé au cours de cette prise de parole qui aura fini par lui coûter sa place. Une forme de "rassurisme", comme le disait L'Obs. La géographe Magali Reghezza-Zitt, membre du Haut Conseil pour le climat, analysait quant à elle dans les pages du Monde comment désormais "on ne nie plus le problème, mais on le minimise".
Or, ce nouveau discours se fait de plus en plus fort à mesure que l'urgence climatique se fait pressante. Pour les membres de cette sphère, il est désormais important de répandre leur parole face à l'"alarmisme" voire l'"hystérie" des médias. Les journaux sont accusés de "dramatiser", d'être des "vendeurs de peur". "Arrêtez de semer la panique", lâchait ainsi un internaute en commentaires de l'une de nos publications. D'autres s'en prennent directement aux associations environnementales ou aux élus écologistes. Une tendance d'autant plus décomplexée qu'elle peut exister sur des plateaux de télévision. À l'instar du patron des chasseurs, Willy Schraen, qui insinuait en juin dernier que la canicule était une "manipulation de la Nupes" pour récolter des voix au second tour des législatives.
Un discours qu'on peut très clairement catégoriser comme relevant du complotisme. Et qui ressemble à s'y méprendre avec celui qu'on trouve dans différents milieux contestataires. Si dans la majorité des groupes de Gilets jaunes, l'urgence climatique ne fait aucun doute, et ce sont plutôt les responsables politiques qui sont pointées du doigt, certains membres pensent tout de même qu'il y aurait une manipulation des pouvoirs. En tête de gondole, le chanteur Francis Lalanne. Il a par exemple assuré sur Twitter que les médias faisaient passer "des températures estivales" pour une "canicule" afin de "préparer et manipuler l'opinion" sur cette "escroquerie" que serait le réchauffement climatique. Un discours à l'image de celui d'internautes anonymes. "Les escrolos [contraction d'escrocs et écolo], le gouverne-ment [sic] et les journaleux veulent nous faire croire n'importe quoi pour faire peur et augmenter les taxes", assure un membre d'un groupe de Gilets jaune, quand d'autres voient déjà arriver un "pass climatique" pour gérer les émissions de CO2.
Mais comment expliquer un tel discours ? Comment le justifier quand il existe un réel consensus des chercheurs selon lequel le changement climatique est un fait et qu'il est attribuable à l'activité humaine ? La réponse est assez courte : car la réalité scientifique ne convainc plus. Avec le Covid-19, une faille s'est opérée. Le témoignage individuel pèse désormais aussi lourd que le discours d'expertise. C'est ainsi que, face à la force des faits scientifiques, certains n'opposent que leur propre récit. À savoir qu'il a "toujours fait chaud en été". Pour l'appuyer, des cartes bidonnées, comme celles que nous avions vérifiées (ici et ici), ou des articles qui racontent un épisode caniculaire en 1947 ou 1987. Tout ça en oubliant que le problème n'est pas la chaleur en été, mais l'intensité des vagues caniculaires et l'augmentation inquiétante de leur nombre.
Cet aveuglement face à la réalité scientifique est en tout point semblable à celui observé lors des différentes vagues de Covid-19. D'ailleurs, les "climato-rassuristes" eux-mêmes font le lien. "La canicule, c'est comme le Covid-19, on nous mène en bateau", écrit un internaute, quand une autre ironise sur les craintes de la population. "Aujourd'hui, les gens ont peur de la chaleur en été, des virus en hiver." Enfin, certains pensent même savoir qu'il y aurait un accord des médias pour parler d'une même voix. "Bizarre : le mot "vague", popularisé par les médias pendant covid, est repris pour agiter la peur avec la chaleur."
Des météorologues harcelés
Autre similitude avec les "rassuristes" de l'épidémie : les internautes ne s'arrêtent plus aux seuls commentaires farfelus. "Depuis deux mois, je suis harcelé, insulté par des hordes de climato-sceptiques anonymes", témoignait ainsi ce mercredi 3 août Serge Zaka, un docteur en agroclimatologie qui étudie l'impact du changement climatique sur l'agriculture. À partir de l'analyse de 357 comptes, il affirme que les plus virulents sont majoritairement des membres issus du milieu "anti-vaccin" ou se décrivant comme "patriotes".
Même constat de l'autre côté de la Manche. Au Royaume-Uni, les météorologues de la BBC, ont témoigné avoir été confronté à des niveaux sans précédent de "trolling". "C'est le ton plus injurieux" auquel le météorologue Matt Taylor dit avoir dû faire face en "25 ans". Un autre se demande quant à lui combien de temps il faudra attendre avant que cette sphère sceptique se "réveille". "Combien faudra-t-il de preuves ?" Seul l'avenir le dira. Mais si l'on en croit l'expérience du Covid-19 et l'impunité dans laquelle la désinformation s'est diffusée, il y a peu de raisons d'être optimistes.

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