Changement climatique : comment la France veut mener la bataille pour la protection des océans

Publié le 30 juin 2022 à 22h54

Source : JT 20h Semaine

La France est candidate à l'organisation de la prochaine conférence des Nations-unies sur les océans en 2025.
Une annonce faite, jeudi, par le président Emmanuel Macron.
L'Hexagone est détenteur du deuxième domaine maritime mondial, mais garde des positions ambigües sur des sujets clés.

"Nous devons nous fixer, comme lors des accords de Paris en 2015, des objectifs ambitieux pour la biodiversité et singulièrement pour les océans." Voilà ce qu'a déclaré, jeudi, le président Français Emmanuel Macron lors de la deuxième conférence sur les Océans organisée cette semaine à Lisbonne, après celle de 2017 à New York. Une volonté affichée de protéger ces étendues bleues cruciales pour l'être humain et la lutte contre le changement climatique alors que l'Hexagone est détenteur du deuxième domaine maritime mondial.

Le chef de l'État a également profité de ce sommet pour annoncer que la France était candidate à l'organisation de la prochaine conférence des Nations unies sur les "paradis bleus" en 2025, aux côtés du Costa Rica. "Nous devons, dans les années qui viennent, rassembler la communauté internationale" autour de ces enjeux, a ajouté Emmanuel Macron, qui aime à se présenter comme un fervent défenseur des océans.

Les avancées du sommet de Brest

Lors du sommet de Brest, en février dernier, le chef de l'État avait ainsi plaidé pour la conclusion, à l'Organisation mondiale du commerce, d'un accord contre les aides publiques allouées au secteur de la pêche. Des sommes versées pour compenser les pertes financières des grands chalutiers qui exploitent les ressources marines, mais qui sont accusées de favoriser la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN). Un accord qui s'est depuis concrétisé et représente un engagement fort pour la protection des océans. 

Quelque 500 acteurs avaient alors rejoint "l'engagement mondial pour lutter contre la pollution plastique" promu par le Programme des Nations unies pour l'environnement et la Fondation Ellen McArthur. Un enjeu important pour la France qui compte plus de 10,2 millions de km² d'eaux salées et une initiative qui pourrait être la pierre angulaire d'un traité qui devrait être finalisé lors du sommet de l'ONU sur la biodiversité en décembre à Montréal. Le texte est soutenu par les États-Unis, les pays de l'Union européenne, le Mexique, le Canada, le Japon et l'Inde, mais la Chine, la Russie, l'Indonésie et le Brésil ne l'ont pas encore rejoint.

Des avancées d'autant plus cruciales que la France est particulièrement exposée au réchauffement et à l'acidification des océans. Selon le dernier rapport du Haut Conseil pour le climat (HCC), publié mercredi, la dégradation des coraux, capteurs de CO2 est particulièrement avancée sur près de 60.000 km de récifs et atolls situés dans les trois océans où la France est présente.

L'exploitation minière : une épine dans le pied

Mais au-delà de ces avancées notables en matière de protection des océans, des sujets plus encombrants pour Emmanuel Macron ont refait surface lors du sommet de Lisbonne. C'est notamment le cas de l'extraction minière en eaux profondes. Un dossier brûlant pour les associations de défense des océans et sur lequel le président français avait toujours entretenu une certaine ambigüité. Mais face à la pression internationale dans la capitale portugaise, le chef de l'État semble avoir fait un pas en avant, se déclarant favorable à un cadre juridique pour empêcher l'exploitation de continuer. 

"Nous devons créer un cadre juridique pour mettre fin à l'exploitation minière en eaux profondes et empêcher que de nouvelles activités ne mettent en danger ces écosystèmes", a déclaré Emmanuel Macron lors d'un événement organisé en marge de la Conférence de Lisbonne.

Cette technique - qui n'en est encore qu'au stade de l'exploration - permettrait d'aller miner des métaux hautement stratégiques - comme le nickel, le cobalt ou le manganèse - présents en quantité dans les hauts-fonds marins entre 4 et 5 kilomètres de profondeur. Elle est dénoncée depuis des années comme hautement destructrice pour les océans et qui déséquilibrerait des écosystèmes cruciaux. Et si la Commission européenne s'est déjà prononcée pour une pause dans le développement de cette industrie afin de mieux étudier ses effets sur les grands fonds, la France avait refusé de rejoindre le mouvement.

L'enjeu des aires marines protégées

Enfin, le discours de l'Hexagone sur les aires marines protégées cache une double réalité. S'il a dépassé son objectif de 30% d'aires marines protégées sur son territoire - qui représentent 33% des mers françaises - le pays est en réalité loin du tiers de "protection forte" qu'il souhaitait mettre en place d'ici 2022, selon une étude publiée par le CNRS en février 2021. Seul 1,6% - loin des 10% ambitionnés pour 2030 - sont ainsi totalement protégés, permettant de réduire au mieux les impacts humains sur la biodiversité. Par ailleurs, 80% de cette protection forte est concentrée sur un territoire : les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) où l'activité humaine est déjà, de fait, déjà fortement réduite.

Le reste des aires marines protégées autorisent en réalité des pratiques dénoncées comme extrêmement néfastes pour les océans, comme le chalutage de fonds. Cette pratique de pêche, qualifiée par de nombreuses associations comme la "pire technique de pêche au monde", consiste à racler les fonds marins, détruisant ainsi tout ce qui se trouve sur son passage. 

Des ambigüités qui pourraient coûter cher alors que l'océan permet de mitiger les effets du changement climatique et que les mers de la planète sont devenues, ces dernières années, plus acides. Des changements qui déstabilisent les chaînes alimentaires aquatiques et réduisent la capacité des "paradis bleus" à capter toujours plus de gaz carbonique.


Annick BERGER

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