Les supermarchés français freinent-ils la transition écologique ?

par Annick BERGER avec AFP
Publié le 2 février 2023 à 11h52, mis à jour le 2 février 2023 à 14h11

Source : JT 13h Semaine

La fédération d'associations Réseau action climat accuse, ce jeudi, la grande distribution de constituer "un frein" à la transition écologique.
Elle a passé au microscope les politiques menées par les huit plus grandes enseignes du secteur.
Avec un constat : aucune n'est à la hauteur.

La grande distribution entrave-t-elle la transition écologique ? La réponse est oui pour la fédération d'associations Réseau action climat (RAC), qui rassemble, entre autres, Greenpeace, France Nature Environnement ou le WWF. Dans une étude publiée jeudi 2 février, elle pointe les pratiques des supermarchés français qui freinent la transition "vers une alimentation durable", notamment en "incitant à la surconsommation de viande et de produits laitiers". Un rapport qui pointe les fausses promesses du secteur quand il affirme vouloir réduire ses émissions de gaz à effet de serre en proposant une alimentation plus durable. 

Pour en arriver à ce constat, Réseau action climat a étudié pendant un an les actions menées sur la nourriture et le climat par les huit principales chaînes de supermarchés français. Bilan : "Si certaines enseignes font mieux que d'autres (...) aucune n'a une note supérieure à 10 sur 20". Dans le détail, la mieux notée est Carrefour (9/20) devant Monoprix (8,3/20), Casino (7,5/20), Lidl (7,4/20) et Système U (7/20). Suivent, à égalité, Auchan et Intermarché (6,9/20) alors que E.Leclerc termine en dernière position du classement avec une moyenne de 5,8/20.

Un consommateur pas "libre de ses choix" ?

"Les enseignes sont aujourd'hui davantage un frein qu'un moteur à la transition alimentaire et à la lutte contre le changement climatique", regrette le RAC dans son rapport, alors que la grande distribution représente 70% des achats alimentaires en France. "Via leurs politiques en termes de publicité et de marketing, en mettant en avant certains produits plutôt que d'autres, les enseignes ont un pouvoir important", détaille de son côté, auprès de l'AFP, Benoît Granier, responsable alimentation du réseau. "On a l'idée que le consommateur est souverain et libre de ses choix, mais outre les contraintes économiques de son pouvoir d'achat, il est aussi contraint par la nature de l'offre qui lui est proposée et par les stratégies de la distribution."

Le RAC demande notamment aux enseignes de cesser de promouvoir les produits d'origine animale ou à base de viande comme les nuggets, les burgers ou les pizzas et de mieux promouvoir une alimentation plus végétale, pointant que 92% des plats préparés vendus contiennent de la viande ou du poisson. Il demande également de mettre plus en avant les produits biologiques et Label Rouge, alors que moins de 10% des steaks hachés et des morceaux de poulet vendus dans les rayons sont issus du bio.

Le réseau les exhorte aussi à "arrêter de déprécier la valeur de l'alimentation et de véhiculer l'idée que l'alimentation est un poste de dépenses à compresser au maximum pour consommer davantage d'autres types de produits". "La grande distribution assène le message que le juste prix est le prix le plus bas, mais cela entraîne une dépréciation de la valeur de l'alimentation", observe Benoît Granier. 

Réduire la TVA sur les "bons" produits ?

Suite à ce rapport, le groupe Carrefour a reconnu auprès de l'AFP que son action n'était pas suffisante, assurant que "c'est la raison pour laquelle" il a "renforcé ses engagements pour le climat" lors du plan fixant sa stratégie pour les quatre années à venir. Du côté de System U, classé 8e dans l'étude, l'enseigne dit comprendre "que certains trouvent que nous pourrions aller plus loin, plus vite" mais assure être "mobilisée". "C'est indispensable aujourd'hui face à al situation environnementale et climatique", a réagi un porte-parole du groupe qui rappelle toutefois que "le problème, c'est que l'alimentation est une variable d'ajustement possible du budget. On ne peut pas arbitrer sur le carburant, ou très peu, pas sur l'électricité, peu sur le péage..."

Le secteur privé n'est toutefois pas le seul mis en cause : le RAC demande aussi aux pouvoirs publics d'encourager davantage la transition vers une alimentation durable, notamment en rendant "plus accessibles financièrement les produits issus de modèles agricoles durables, dont l'agriculture biologique". Cela passe, estime-t-il, par l'augmentation des minimas sociaux pour renforcer les capacités financières des ménages, ou par une réduction de la TVA sur les fruits et légumes et les produits "biologiques et équitables". 

Par ailleurs, le Réseau appelle à la mise en place d'un "Éco-Score" ou "Planète-Score" dans les rayons pour permettre d'évaluer l'impact environnemental des produits achetés sur le même modèle que le Nutri-Score. Des propositions qui permettront peut-être de refonder un modèle économique et un modèle de production qui a depuis longtemps montré ses limites dans la lutte contre le changement climatique, alors que l'alimentation représente 24% des émissions de gaz à effet de serre des Français et que 65% de ces émissions est due à la consommation de produits d'origine animale.


Annick BERGER avec AFP

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