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Les océans en surchauffe : zoom sur les canicules marines, de plus en plus nombreuses et ravageuses

Publié le 14 juin 2023 à 12h59

Source : JT 20h WE

Alors que l'océan est en surchauffe à travers le globe, les vagues de chaleur marines sont appelées à se multiplier.
Des canicules intenses, à l'image de celle qui a touché la Méditerranée durant l'été 2022.
Avec des conséquences désastreuses sur l'économie, la biodiversité ou encore la météo.

L'été s'installe à peine dans l'hémisphère nord, mais plusieurs signaux font craindre une période estivale particulièrement difficile pour la planète. Le 9 juin, la température moyenne mondiale a atteint +16,77°C, une température jamais atteinte au mois de juin depuis le début des relevés. Une situation à laquelle vient s'ajouter une autre donnée dont même les scientifiques ont du mal à évaluer l'incidence : l'océan n'a jamais été aussi chaud sur Terre. Dans l'Atlantique, en juin, la température de la surface a atteint les +1,2°C par rapport à la moyenne 1980-2022 alors que l'eau en Méditerranée a affiché des 25°C localement, des températures dignes d'un mois d'août... en juin. 

C'est dans ce contexte que les scientifiques tirent la sonnette d'alarme, estimant que la Terre est désormais entrée en "terrain inconnu", selon l'agroclimatologue Serge Zaka. D'autant qu'un autre phénomène pourrait venir aggraver la situation cet été : les vagues de chaleur marines, à l'image de celle qui a touché la Méditerranée durant 70 jours en 2022.

Qu'est-ce qu'une vague de chaleur marine ?

À l'image des continents, les océans du globe peuvent subir de véritables canicules. Des événements au cours desquels la température à la surface de l'eau franchit un seuil extrême par rapport à la moyenne des années 1980 à 2010 durant plus de cinq jours. À l'inverse des vagues de chaleur terrestres capables d'apparaître et de disparaître en quelques jours, ces canicules marines mettent plus de temps à s'installer, mais durent bien plus longtemps - de plusieurs semaines à plusieurs mois, voire plusieurs années dans les cas les plus extrêmes - l'eau nécessitant plus d'énergie pour se réchauffer que l'air, mais aussi plus de temps pour se refroidir.

Ces vagues de chaleur marines peuvent se produire en été comme en hiver et ont des effets sur toute la colonne d'eau. Selon leur durée, la hausse de températures peut non seulement concerner la surface de la mer, mais aussi des eaux plus profondes, avec des impacts sur la biodiversité plus ou moins graves. L'une des plus emblématiques de ces dernières années est celle surnommée le "Blob" débutée en 2013 et qui a duré trois ans au large de l'Alaska. Pendant cette période, l'eau excessivement chaude a stoppé la croissance du phytoplancton, à la baise de la chaîne alimentaire. 

Pourquoi sont-elles de plus en plus fréquentes ?

Selon le rapport spécial du Giec sur l'océan et la cryosphère, entre 2006 et 2016, plus de huit épisodes de canicule marine sur dix peuvent être attribués au changement climatique dû aux activités humaines. Avec la hausse des températures, ces vagues de chaleur marines sont appelées à se multiplier, d'autant que l'océan absorbe 90% du surplus de chaleur dû à nos émissions de gaz à effet de serre. Or, comme le pointe l'Organisation météorologique mondiale, "les couches superficielles de l'océan se sont réchauffées plus rapidement que l'intérieur, ce qui se reflète dans l'augmentation de la température moyenne mondiale de la surface de la mer et dans l'incidence accrue des vagues de chaleur marines".

Dans une étude publiée dans la revue scientifique Nature Climate Change, des chercheurs ont mis en avant que le nombre de jours de canicule marine chaque année dans le monde a augmenté de 50% entre 1925 et 2016. Selon les experts du climat de l'ONU, leur intensité sera dix fois plus importante en 2100 qu'au début du XXe siècle si les pays ne baissent pas drastiquement et rapidement leurs émissions de gaz à effet de serre.

Selon une étude du CNRS, en Méditerranée, avec un réchauffement de +5°C - pire scénario envisagé par les scientifiques - les canicules marines seront quatre mois plus longues et quatre fois plus intensives, la mer se réchauffant à un taux 20% plus rapide que la moyenne mondiale. Les scientifiques ajoutent que seul le scénario d’un réchauffement limité à +1.5°C par rapport à 1990 permettrait d’endiguer l’aggravation de ces canicules.

Pourquoi sont-elles dangereuses ?

Ces vagues de chaleur marines ont un impact important sur la biodiversité, notamment les coraux, les forêts de kelp, les algues, mais aussi les poissons et les mammifères. Elles entraînent des épisodes de blanchissement des coraux à une fréquence de plus en plus élevée. En Méditerranée, "suite aux épisodes de canicules océaniques de 1999, 2003 et 2006, on a observé de nombreux cas de mortalité massive d’espèces, telles les gorgones ou les posidonies", pointe le CNRS dans une étude.

Ces canicules marines peuvent également modifier profondément la faune et la flore, entraînant "des migrations d'espèces" vers des eaux moins chaudes ou une "diminution" de certaines et "l'apparition de nouvelles", détaille à l'AFP Karina Von Schuckmann qui fait aussi partie du groupe d'auteurs des rapports du Giec. Avec des effets socio-économiques en cascade, notamment sur la pêche, souligne-t-elle. Enfin, les canicules marines peuvent entraîner une hausse de l'intensité des phénomènes climatiques violents comme les orages et engendrer des proliférations d'algues toxiques.


Annick BERGER

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