VIDÉO - Changement climatique : portrait-robot d'une France à +4 degrés

Publié le 22 mai 2023 à 14h43, mis à jour le 23 mai 2023 à 8h56

Source : TF1 Info

Le gouvernement lance, mardi 23 mai, sa consultation pour définir une nouvelle stratégie pour adapter la France aux enjeux du changement climatique.
Le réchauffement pourrait atteindre les +4 degrés d'ici 2100 dans certains territoires de la métropole.
Sécheresses, maladies et perte de biodiversité... TF1info dresse le portrait-robot de ce à quoi pourrait alors ressembler l'Hexagone.

Si le monde se dirige vers un réchauffement de +3,2 degrés d'ici 2100 si rien n'est fait pour lutter contre le changement climatique dû aux activités humaines, la France, elle, pourrait subir une augmentation des températures 4 degrés. Un scénario "lucide" selon le Conseil national de la transition écologique, le continent européen subissant une hausse bien plus rapide que la moyenne mondiale. Un réchauffement qui changerait radicalement le visage de l'Hexagone. TF1info décrypte ce qui pourrait alors être le quotidien des Français résidant en métropole.

Climat toujours plus extrême

"Un climat à +4 degrés, c'est entrer dans un territoire totalement inconnu", avertit Camille Parmesan, chercheuse du CNRS à la Station d'écologie théorique et expérimentale. Les scientifiques interrogés par TF1info dressent ainsi un portrait inquiétant : une France sous un climat extrême avec des canicules pouvant durer jusqu'à deux mois et jusqu'à 90 nuits tropicales par an. L'été 2022 pourrait ainsi devenir un exemple d'été "moyen" à l'avenir, voire "un peu froid"

D'autant que le +4 degrés n'est qu'une moyenne. "Vous avez des zones qui vont connaître un réchauffement de plus de sept degrés", avance Camille Parmesan. Un constat confirmé par Davide Farranda, chercheur au CNRS au Laboratoire LSCE : "On aura des vagues de chaleur plus intenses et beaucoup plus intenses que ces quatre degrés qui sont une moyenne. On l'a vu en 2022, quand on a battu des records de température avec des anomalies de l'ordre de 12/15 degrés au-delà des normales. Un réchauffement de +4 degrés ne va pas se traduire par des vagues de chaleur de +4 degrés, mais par des températures pouvant monter jusqu’à +15 degrés au-dessus des normales qui seront supérieures à celles d'aujourd'hui".

Les événements climatiques extrêmes vont se multiplier. "Si on prend les villes côtières de la Méditerranée, Nice, Marseille ou Montpellier, on peut s'attendre à vivre ce que l'on a observé l'été dernier, avec des sécheresses prolongées et très peu de pluie", décrit Davide Farranda qui alerte également sur la multiplication des "événements extrêmes composés". "On risque d'avoir une sécheresse puis des vagues de chaleur. Des vagues de chaleur puis des orages" qui vont eux-mêmes provoquer d'importantes inondations. "Des phénomènes qui vont nous coûter cher en termes d'adaptation et pour lesquels on ne pourra d'ailleurs pas forcément s'adapter", décrypte-t-il. 

Des événements violents qui pourraient devenir récurrents, d'autant que "si on a plus d’orages, on risque d’avoir des orages plus intenses et donc plus de grêle, plus de tornades, plus de coups de vent", explique encore le spécialiste. "Cela fonctionne comme un puzzle. On a des pièces, et malheureusement, quand on les met ensemble, au lieu de faire quelque chose de sympa, on fait des monstres", indique le chercheur. 

Avis de recherche sur l'eau

Une France à +4 degrés est également une France à court d'eau. Pour comprendre ce à quoi va ressembler l'Hexagone, "il faut tenir compte de l'évolution des précipitations, des pluies et des chutes de neige", détaille Camille Parmesan. "Selon les modèles, le nord de la France pourrait connaître une légère augmentation des précipitations, de l'ordre de 10%. Tout le long de la Méditerranée, on observe un assèchement de 10 à 20 %. Mais avec une hausse de 4 degrés, si l'on considère l'humidité du sol, même si les précipitations augmentent dans le nord, le sol est plus sec", détaille la scientifique. "Il y a plus de pluie, mais le sol est plus sec parce qu'il y a suffisamment de chaleur pour qu'une grande partie de cette pluie s'évapore".

Les conditions particulièrement sèches que connaît l'Hexagone depuis deux ans pourraient devenir la norme dans un climat à +4 degrés, avec "de temps en temps ce qu'on appelle une méga-sécheresse, ce qui signifie que presque aucune des plantes qui existent actuellement ne pourra survivre", affirme la chercheuse. Des conditions dans lesquelles les pénuries d'eau seront courantes. "Avec un réchauffement de +4 degrés, il n'y aura pas de neige permanente dans les Pyrénées ou les Alpes. Il y aura probablement encore des chutes de neige au milieu de l'hiver sur les sommets, mais plus de glaciers qui sont les garants d'une bonne ressource en eau, et qui alimentent les cours d'eau en fondant tout au long de l'été".

Maladies toujours plus nombreuses

Le réchauffement des températures fera également peser un risque sanitaire sur les populations. "Nous avons déjà des maladies que nous connaissons, liées au changement climatique, qui se sont installées en France comme Zika, la dengue et le chikungunya" au développement du moustique tigre, explique Camille Parmesan qui anticipe également une propagation de la leishmaniose. Une maladie transportée par "la mouche des sables", de tout petits insectes appelés phlébotomies. À l'heure actuelle, dans l'Hexagone, un seul spécimen est connu pour être un vecteur de la maladie qui provoque des lésions cutanées, principalement des ulcères, sur les parties exposées du corps.

"Avec un réchauffement de quatre degrés, et même à trois degrés, cinq espèces supplémentaires en provenance d'Afrique du Nord pourront s'installer et transporter cette maladie en France". Un exemple parmi d'autres des virus qui pourraient se développer dans le pays, à l'image de ce qu'il se passe actuellement dans la partie la plus au nord du globe. "Si vous allez dans le nord de l'Alaska, dans le nord de la Finlande, de la Suède et de la Norvège, ces régions se sont déjà réchauffées de quatre degrés. Le nombre de maladies n'y diminue pas. Il augmente", illustre Camille Parmentier.

Les pénuries d'eau poseront aussi un important problème sanitaire. "Le manque d'eau rend l'hygiène très difficile à maintenir" explique-t-elle. "Les problèmes d'assainissement sont l'une des principales raisons pour lesquelles les maladies sont si fréquentes dans de grandes parties de l'Afrique et de l'Asie (...) Les maladies s'accumulent quand on n'a pas beaucoup d'eau propre pour tout nettoyer, pour laver la vaisselle, et si vous ne pouvez pas rester propre ou si vous buvez de l'eau contaminée, il est très difficile de se débarrasser de ces maladies".

Disparition d'animaux et d'insectes emblématiques

La biodiversité sera quant à elle totalement chamboulée. "Un réchauffement de +4 degrés engendrera une énorme désorganisation des écosystèmes", alerte Philippe Grandcolas. D'autant que tout survient très vite, "trop vite" pointe le scientifique. "Les recompositions ne vont pas se passer de manière tranquille. Ça veut dire qu'on aura des pans entiers de forêts qui vont mourir", frappés par la hausse des températures, mais aussi les phénomènes climatiques extrêmes. Et l'adaptation de la nature prendra, 100, 200 ou 300 ans, selon le chercheur qui affirme que cette transition "va être brutale" avec des animaux comme les cerfs, les biches ou les sangliers incapables de survivre.

"Des sangliers ou des cerfs, dans une forêt tempérée océanique qui est en train de mourir à cause des sécheresses, des aléas et du changement du climat, n’auront plus de quoi se nourrir", illustre-t-il. "On va se trouver avec des forêts mortes sur pied, des cultures désertées, des espèces errant sans trouver leur nourriture, qui vont mourir d'une saison à l'autre". Une situation qui pourra également favoriser l'arrivée d'espèces néfastes pour nos écosystèmes. "On le voit déjà en Amérique du Nord, avec les modifications climatiques, on a des petits insectes qui arrivent, pullulent et envahissent certaines forêts et endommagent les arbres".  

Les forêts mortes faciliteront la survenue d'importants incendies, à l'image de ceux qui ont ravagé les Landes (Gironde) en 2022. "Mais là, il faut s'imaginer un monde à +4 degrés, c’est une différence colossale, et tout ce qui va dépérir va être parcouru par des feux extrêmement impressionnants, des méga-feux... C’est quasiment inéluctable", alerte Philippe Grandcolas. Une perte de biodiversité qui touchera aussi la mer méditerranée avec la multiplication des vagues de chaleur marines, à l'image de celle survenue en 2022 et qui a provoqué la mort de plusieurs espèces, comme les fameuses gorgones de Méditerranée, ou qui entraîneront le remplacement de certaines espèces endémiques par des espèces envahissantes plus adaptées.

De grandes villes menacées par la montée des eaux

Une situation dans les eaux du globe qui va provoquer également une montée des eaux dangereuse pour le littoral français. Avec une trajectoire à +4 degrés de réchauffement, le Giec estime la montée du niveau marin à environ 80 cm d’ici la fin du siècle, grignotant les littoraux français. Outre le pourtour méditerranéen, les départements avec de longues plages de sable, comme la Gironde, la Manche et la Charente-Maritime, observeront un net recul de leur trait de côte.

Une situation globale "assez cauchemardesque", admet Philippe Grandcolas qui assure ne pas avoir envie "d'émettre ce type de scénarios". "Mais là, force est de constater qu'à +4 degrés, c'est absolument terrifiant". "On ne sait pas si les démarches d'adaptation menées actuellement vont fonctionner à +4 degrés, abonde Davide Farranda quand Camille Parmentier l'assure : "La seule chose qui est sûre, c'est que la vie telle que nous la connaissons aujourd'hui ne pourra pas perdurer. Ce sera tellement différent que nous ne pourrons pas continuer à vivre normalement en France". Et Philippe Grandcolas de résumer le sentiment des scientifiques : "+4 degrés, c'est vraiment un monde qu'on n'a pas envie de voir". 


Annick BERGER

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