Le gouvernement a autorisé deux formes traditionnelles de chasse de l'alouette des champs ce vendredi.Des pratiques qui ont été jugées illégales par le passé.Et qui vont à l'encontre de la directive "oiseaux" de l'Union européenne.
Ce sont des pratiques particulièrement décriées. Dans deux décrets publiés ce vendredi 7 octobre, le gouvernement vient d'autoriser la chasse aux pantes - qui se pratique à l'aide de filets horizontaux - et la chasse aux matoles - à l'aide de cages tombantes - pour les alouettes des champs. Les deux textes, publiés au Journal officiel (JO), autorisent ainsi l'abattage de 106.500 animaux dans quatre départements : les Landes, la Gironde, le Lot-et-Garonne et les Pyrénées-Atlantiques pour la saison 2022/2023.
Une décision qui a provoqué la colère de la Ligue pour la protection des oiseaux qui dénonce, dans un communiqué publié vendredi, un "cadeau inacceptable" et des "arrêtés qui visent une nouvelle fois une espèce dont le statut de conservation est défavorable aux niveaux européens et français", alors que les populations d'Alouette des champs a diminué de moitié depuis les années 1980.
Comment et Pourquoi @EmmanuelMacron vient d’autoriser la chasse de plus de 100.000 individus d’une espèce en déclin, déjà jugée illégale à plusieurs reprises par le @Conseil_Etat et @UEFrance ? 😡 THREAD 🔽 1/9 https://t.co/K1NCIqra07 — LPO France (@LPOFrance) October 7, 2022
Le premier texte publié au JO détaille que la chasse aux pantes est autorisée du "1er octobre au 20 novembre dans les départements de la Gironde, des Landes, du Lot-et-Garonne et des Pyrénées-Atlantiques" quand un deuxième texte précise le nombre de captures autorisées via cette méthode dans chacun des quatre départements. Le troisième arrêté porte sur la chasse aux matoles, "autorisée dans les départements des Landes et du Lot-et-Garonne du 1er octobre au 20 novembre" quand le quatrième décret vient préciser le nombre d'animaux pouvant être tués avec cette pratique pour la saison de chasse.
"Un doute sérieux sur leur légalité"
Quatre textes qui "méprisent la biodiversité" fustige la LPO dans son communiqué qui annonce qu'elle va attaquer les arrêtés ministériels devant le Conseil d'État. "Le gouvernement fait le choix de la récidive en reprenant des arrêtés qu'il sait illégaux", dénonce encore l'association.
Ces mesures vont à l'encontre de la directive "oiseaux" prise par l'Union européenne en 2009 et qui interdit les techniques de captures massives sans distinction d'espèces. Une dérogation est possible "à condition d’être dûment motivée et dès lors 'qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante' pour capturer certains oiseaux" et que ces animaux "se trouvent dans un bon état de conservation", détaille le texte, ce qui n'est pas le cas de l'alouette des champs. Ce non-respect de la réglementation européenne a d'ailleurs valu à la France de faire l'objet, en 2019, d'une procédure d'infraction de la part de la Commission européenne qui estimait que Paris autorisait la chasse d'oiseaux "en mauvais état de conservation".
Par la suite, en août 2021, le Conseil d'État avait annulé plusieurs autorisations de chasses comme celle des grives, des merles noirs, des vanneaux, des pluviers dorés, mais aussi des alouettes des champs avec des filets ou cages. En octobre 2021, la plus haute juridiction administrative du pays avait pris une décision similaire et avait suspendu plusieurs arrêtés gouvernementaux, dont celui autorisant les chasses à l'alouette des champs, après la saisie du juge des référés en urgence par plusieurs associations. Si le Conseil d'État doit encore se prononcer sur le fond, il avait alors estimé qu'avec ces arrêtés, le gouvernement risquait de contrevenir au droit européen, et qu'il existait ainsi "un doute sérieux quant à leur légalité".
"Irresponsable"
Fin septembre, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, avait d'ailleurs déclaré qu'il attendrait la décision définitive de l'instance avant d'autoriser de nouveau certaines chasses traditionnelles. "Je n'ai pas la maîtrise du calendrier du Conseil d’État, mais je pense que cette façon de procéder est respectueuse de tout le monde", avait justifié le ministre devant des parlementaires. Il semble que le gouvernement ait donc fait marche arrière sur cette question.
Un changement de cap qu'a fustigé Allain Bougrain Dubourg, président de la LPO, qui a frontalement critiqué vendredi le président Emmanuel Macron. "Sa décision de rétablir des pratiques moyenâgeuses affectant une espèce fragile va à l’encontre de ses prétentions et désavoue son propre ministre qui avait garanti attendre le jugement du Conseil d’État avant toute décision", estime le responsable.
"En outre, il invite à la manipulation d’oiseaux sauvages en pleine période de grippe aviaire, ce qui est irresponsable", juge-t-il. Les associations dénoncent également la méthode utilisée par le gouvernement pour autoriser ces chasses : "Comme à son habitude, il les publie la veille de leur application afin de laisser tuer des milliers d’oiseaux le temps que le Conseil d’État se prononce sur le recours en référé que la LPO va déposer immédiatement pour demander la suspension de ces arrêtés", fustige l'association dans son communiqué.