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Sécheresse : des chemtrails au "rééquilibrage", les théories climatosceptiques refont surface

Publié le 12 mai 2023 à 18h32, mis à jour le 15 mai 2023 à 11h19
JT Perso

Source : JT 20h WE

La sécheresse historique en Espagne a remis au goût du jour la thèse d'avions anti-pluie.
Cette rumeur n'est pas la seule à refaire surface à l'heure où la sécheresse touche l'Europe.
Retour sur ces théories abondamment relayées dans les sphères climato-sceptiques.

La vague de sécheresse s'accompagne d'une déferlante de théories pour l'expliquer. Non-contents des preuves scientifiques qui lient le manque d'eau au réchauffement climatique, les internautes multiplient les thèses pour justifier ce phénomène qui touche actuellement le pourtour méditerranéen. Des avions qui arrêteraient la pluie à la pénurie orchestrée en passant pas des barrages détruits, on fait le point sur les théories des climato-sceptiques.

Des avions anti-pluie et des barrages détruits

C'est un député espagnol qui a mis cette problématique sur le devant de la scène. Le 1er mai, l'élu Pablo Cambronero a interrogé son gouvernement à propos d'une prétendue "manipulation de la météo" par les avions. Selon lui, la sécheresse historique qui touche le "potager de l'Europe" serait liée aux "chemtrails", ces traînées blanches laissées par les avions sur leur passage. Il estime qu'il ne s'agirait pas de simples traces de condensations, mais d'un épandage de produits chimiques pour supprimer les nuages. Une question sans aucune validité scientifique, chimique ou logistique, comme nous vous l'expliquions ici, mais qui fait ressurgir cette vieille théorie des "chemtrails". Relayée depuis les années 90, elle n'a cessé de s'adapter en fonction de l'actualité. À ses débuts, elle a été la prétendue preuve que l'armée essaye d'empoisonner la population. Les défenseurs des "chemtrails" ont ensuite affirmé qu'ils permettaient de "réguler la population", avant d'assurer en 2022 qu'il s'agit de "poussières intelligentes qui activent le Covid-19". 

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Désormais, cette théorie est recyclée pour justifier la sécheresse actuelle. Ici, les prétendus objectifs de cette opération sont nombreux. Certains y voient la main d'un puissant lobbying du tourisme, qui préfère que les pluies se déversent ailleurs. D'autres imaginent qu'un rationnement de l'eau permettrait de contrôler la population. C'est ainsi qu'en Espagne, une autre hypothèse a émergé. Celle d'un "pillage" de l'eau. Selon certains internautes, le gouvernement aurait "détruit" des barrages et des digues pour orchestrer la pénurie. Pour preuve, ils utilisent le nombre record d'infrastructures démolies en 2021. En réalité, la plupart d'entre elles étaient désaffectées, comme l'explique l'AFP. Leur démolition n'a rien de nouveau, puisqu'elle s'inscrit dans la stratégie de l’Union européenne visant à rétablir l'écoulement libre d'au moins 25.000 kilomètres de cours d'eau d'ici 2030.

C'est aussi cette idée d'une fausse pénurie qui permet à certains de craindre "la fin de l'eau gratuite". Pour preuve, en France,
une rumeur annonce l'arrivée de "l'obligation d'installer des compteurs d'eau sur les puits". En fait, cette mesure n'a rien de nouveau. Un particulier est tenu d'installer ce dispositif depuis 2006. Le Code de l'environnement dispose en effet que "les installations (...) permettant d'effectuer à des fins non domestiques des prélèvements en eau superficielle ou des déversements, ainsi que toute installation de pompage des eaux souterraines, doivent être pourvues des moyens de mesure ou d'évaluation appropriés". L'article précise ensuite que "lorsque le prélèvement d'eau est réalisé par pompage, la mesure est effectuée au moyen d'un compteur d'eau." 

C'est des anti-tout qui se reconvertissent pour garder de la visibilité

Serge Zaka, ingénieur agronome

Enfin, certains nient purement et simplement le phénomène. Après les alertes du mois dernier, ces rassuristes pensent qu'un "rééquilibrage naturel" va s'opérer, notamment grâce aux intempéries du mois de mai. Il n'y aurait donc aucune raison de s'inquiéter. Une idée reçue qui s'appuie sur une méconnaissance des phénomènes météorologiques et climatiques, comme l'écrit l'AFP. Le mois de mai étant habituellement "le mois le plus pluvieux du printemps, à l'échelle de la France", selon Méteo-France, les pluies actuelles n'ont rien de surprenant.

D'autant que si ces pluies "permettent d'humidifier les sols", elles ne "compensent pas complètement le déficit d'eau des nappes souterraines", explique l'AFP. Avec une "sécheresse météorologique préoccupante cet hiver", pour reprendre l'expression de l'agence officielle de la météorologie, "la pluie est faiblement tombée à travers le territoire" depuis le début d'année. "Sur la saison de recharge 2022-2023, la pluviométrie à l'échelle de la France présente un déficit de l'ordre de 10%." Résultat, selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), chargé du suivi des niveaux des nappes phréatiques, début avril, "75% des niveaux des nappes phréatiques restent sous les normales mensuelles", contre "58% en mars 2022".

REPORTAGE - Face à la sécheresse, les Pyrénées-Orientales se préparent au pireSource : JT 20h Semaine

Des chiffres qui ne satisfont pas les sphères complotistes, ces "anti-tout qui se reconvertissent pour garder de la visibilité", comme les décrit l'ingénieur agronome Serge Zaka. En quête d'une nouvelle audience après le Covid-19, la vaccination et la crise énergétique, ils multiplient les publications pour accuser les autorités d'être derrière la sécheresse. D'autant qu'à l'heure de la défiance, le "plan de sobriété" sur l'eau annoncé par Emmanuel Macron est perçu comme une nouvelle restriction. 

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Felicia SIDERIS

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