Climat : Suède, Danemark, Maroc... ces (presque) bons élèves de l'accord de Paris

par Charlotte ANGLADE
Publié le 11 décembre 2020 à 14h57, mis à jour le 11 décembre 2020 à 17h50
Climat : Suède, Danemark, Maroc... ces (presque) bons élèves de l'accord de Paris

CLASSEMENT - Il y a 5 ans, 195 pays s'engageaient lors de l'Accord de Paris à prendre des mesures permettant de limiter le réchauffement climatique. Alors que beaucoup sont loin de les atteindre, qui sont les pays les plus exemplaires ?

Il y a cinq ans on pensait le monde sauvé. Il y a cinq ans, 195 pays se sont engagés, lors de l'Accord de Paris, à prendre des mesures pour tenter de limiter le réchauffement climatique, après treize jours de négociations acharnées. Pourtant, si de nombreuses actions ont été entamées, les résultats sont encore loin d'être satisfaisants. Malgré l'engagement signé à Paris de limiter le réchauffement sous 2°C, et si possible 1,5°C, par rapport à l'ère pré-industrielle, le monde file toujours vers 3 degrés de réchauffement, a averti mercredi l'ONU. Ce vendredi, la militante suédoise Greta Thunberg a d'ailleurs critiqué les "objectifs hypothétiques et lointains" et les "promesses vides", appelant à nouveau à l'action immédiate à l'occasion d'une journée d'actions de son mouvement Fridays for Future. Cinq ans après, et alors que les pays signataires doivent présenter des objectifs plus ambitieux que ceux annoncés en 2015, qui sont les bons élèves ? 

Les trois premières places restent... vides

Selon l’Indice de Performance Climatique (IPC) 2020 dévoilé lundi par le Germanwatch, le Climate Action Network et le NewClimate Institute, l'atteinte des objectifs de l'Accord de Paris est pour le moment irréalisable. Chaque année depuis 2005, ces institutions rendent public cet outil de surveillance indépendant grâce à l'appui de 350 experts du climat et de l’énergie. Il permet de suivre les performances des pays en matière de protection du climat grâce à quatre critères : les émissions, la consommation énergétique, le recours aux énergies renouvelables et la politique climatique. Pour les auteurs du rapport, aucun des pays étudiés ne réussit suffisamment bien dans toutes les catégories de l’indice pour obtenir une très bonne note globale. "Par conséquent, encore une fois, les trois premiers rangs du classement général restent vides", notent-ils. 

La Suède, sans concessions pour les pollueurs

A la quatrième place, et pour la deuxième année consécutive, se trouve la Suède. Comme tous les Etats membres de l'Union européenne, elle s'est engagée en amont de la COP21 sur une réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990, une réduction de 50% d'ici à 2050 et une neutralité carbone d'ici à 2100. Cependant, le pays avait déjà pris un peu d'avance. En 2009, il avait déjà annoncé vouloir atteindre la neutralité carbone en 2050. Il y a 3 ans, il  s'est finalement engagé à remplir cet objectif dès 2045, ce qui implique de la réduction d'au moins 85% de ses rejets carbonés entre 1990 et 2045. Un effort salué par les experts. Pour y arriver, le pays se concentre notamment sur la réduction des émissions du secteur des transports, en favorisant l’utilisation des biocarburants et des véhicules électriques. Hors aviation, le pays s'est fixé une réduction des émissions du secteur de 70% entre 2010 et 2030. D'ici-là, tous les avions effectuant des vols domestiques devront par exemple être propulsés par des biocarburants.

Le rapport salue également l'objectif de 100% d'énergies renouvelables d'ici 2040, tandis que les pays de l'Union européenne se sont accordés pour atteindre au moins 27% d’énergies renouvelables dans leur consommation énergétique à horizon 2030. En tête du dernier classement réalisé par le Forum économique mondial, troisième de celui proposé par le groupe Edmond de Rothschild, la Suède possède déjà un mix énergétique équilibré où les énergies renouvelables comptent pour plus de la moitié de la consommation finale. Les énergies fossiles, elles, ne représentent plus que 27%. Pour poursuivre ses efforts, le pays compte abandonner l'énergie nucléaire, qui intervient encore à hauteur de 40 % dans le mix énergétique du pays.

Enfin, la bonne note de la Suède est également le résultat de l'instauration de la taxe sur le carbone la plus élevée au monde, la Koldioxidskatt. Depuis près de 20 ans, la quasi-totalité des industriels (à l’exception de celles qui participent au système d’échange de droits d’émission européen), les collectivités, les entreprises, les agriculteurs et les particuliers doivent s'en acquitter. Depuis 2018, année lors de laquelle la taxe a considérablement été relevée, elle équivaut à environ 120 euros par tonne de CO2 émise.

Seule ombre au tableau, la Suède affiche une consommation d’énergie par habitant trop élevée. Selon les derniers chiffres du Global Carbon Project, une organisation qui cherche à quantifier les émissions mondiales de gaz à effet de serre, le pays a consommé en 2018 l'équivalent de 71 millions de tonnes équivalent de CO2, soit 7 millions de tonnes par habitant. En France, déjà mauvaise élève en la matière, chaque habitant a consommé la même année 6,6 millions de tonnes. "Les experts nationaux critiquent l’absence d’objectif en matière de consommation d’énergie en Suède et le manque d’incitations à l’efficacité énergétique qui ont un impact limité", peut-on lire dans le rapport. Pour parvenir à respecter l'Accord de Paris, et donc à limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C, les experts estiment que la Suède devrait plutôt atteindre le zéro net d’ici 2030. Ils préconisent pour cela une réduction des émissions basées sur la consommation.

Le Danemark, exemplaire sur les énergies renouvelables

Gagnant 10 places au classement en un an, le Danemark se place juste derrière la Suède. "Le pays a enregistré de légères améliorations dans les catégories d'émissions de gaz à effet de serre et d'énergies renouvelables, (...) ainsi que dans

la catégorie de consommation d'énergie", écrivent les experts. Selon les derniers chiffres du Global Carbon Project,  la consommation d'énergie fossile du pays a baissé de 44 millions de tonnes équivalent CO2 en 10 ans, passant de 67 MtCO2 en 2008 à 51 MtCO2 en 2018. Le Danemark a d'autre part émis 32 millions de tonnes équivalent CO2 en 2019, contre 35 MtCO2 en 2018 et 2015.

Ces bons résultats s'expliquent notamment par un développement croissant des énergies renouvelables. En 2019, la part de celles-ci dans son mix électrique a atteint les 50%, alors qu'elle était en 2009 inférieure à 20%. Le secteur éolien ayant compté pour pour 47%. La production issue du secteur solaire a complété les 3% restants. Fort de ces chiffres et de son ambition d'atteindre 100% d'énergies renouvelables, le Danemark a notamment sortir du charbon d'ici 2030. 

"La plus grande amélioration réside toutefois dans la note bien attribuée par les experts nationaux dans la catégorie de politique climatique, le Danemark ayant gravi 24 rangs pour se classer au 9e rang", note le rapport, qui salue les actions du gouvernement nouvellement élu (depuis juin 2019). Les experts mentionnent en particulier la nouvelle loi sur le climat, qui prévoit un objectif de réduction des émissions de 70% d'ici 2030 (par rapport aux niveaux de 1990). Un objectif bien plus ambitieux que celui signé lors de l'Accord de Paris.

Le Maroc, des objectifs ambitieux pour se débarrasser des énergies fossiles

Si son apparition dans le haut du classement peut étonner, le Maroc mérite bien sa sixième place, derrière le Danemark. "Le pays se classe parmi les dix premiers dans les catégories des émissions, de consommation énergétique et de politique climatique, qui sont toutes notées relativement bien", font remarquer les auteurs du rapport. En 2018, le pays a consommé 67 MtCO2 et émis en 2019 21 MtCO2. Lors de la COP21, il avait promis de réduire ses émissions de 13% entre 2010 et 2030. Si celles-ci sont pour le moment nettement à la hausse et que la neutralité carbone est encore loin, les experts applaudissent ces objectifs ambitieux. Pour les atteindre, le Maroc compte notamment s'appuyer sur les énergies renouvelables, et plus particulièrement sur le solaire et l'éolien. Il souhaite se procurer 45% de son électricité grâce à elles d'ici fin 2020, un palier déjà atteint. Lors de l'Accord de Paris, il a fait savoir qu'il voulait porter cet objectif à 52% d'ici 2030, grâce, notamment, à l'investissement de 5 milliards de dollars (environ 4 milliards d'euros) dans le secteur.

En 2015, le Royaume a d'autre part éliminé en partie des subventions aux combustibles fossiles dans les transports et l’électricité, un dispositif mis en place dans les années 40 qui encourageait fortement la consommation de ces ressources, importées à 90%. En contrepartie, des aides ont été accordées pour palier une partie du surcoût, mais surtout pour permettre aux professionnels de s'équiper de véhicules plus propres et moins énergivores. Pour les agriculteurs, des programmes de substitution par des équipements photovoltaïques ont été lancés.

Les experts s’inquiètent néanmoins "d’un manque de conversation avec les communautés locales dans le cadre de projets d’énergie renouvelable centralisés à grande échelle et dirigés par le gouvernement". De plus, ils critiquent une politique climatique "moins efficace dans des domaines autres que l’approvisionnement en énergie".

Le Royaume-Uni, la Lituanie, l'Inde et la Finlande complètent le podium des 10 premières places du classement.

La France, cette mauvaise élève saisie par le Conseil d'État

Organisatrice de la COP21, la France fait partie des mauvais élèves. Elle n'arrive que dix-huitième au classement, derrière la Suisse et l'Ukraine. Les engagements pris étant loin d'être respectés, le Conseil d’Etat a pris, le 19 novembre, une décision inédite. Saisi d'un recours pour "inaction climatique" par plusieurs villes et associations, il a donné un délai de 3 mois à l’exécutif pour "justifier que la trajectoire de réduction à horizon 2030 pourra être respectée". Il relève que si la France s’est engagée à réduire ses émissions de 40 % d’ici à 2030, "elle a, au cours des dernières années, régulièrement dépassé les plafonds d’émissions qu’elle s’était fixés et que le décret du 21 avril 2020 a reporté l’essentiel des efforts de réduction après 2020".

Les experts lui reprochent effectivement des émissions de gaz à effet de serre encore trop importantes. En 2019, elle a émis 324 MtCO2, contre 339 en 2015. Un progrès, mais pas suffisant pour respecter les engagements de l'Accord de Paris. La France écope également d'une mauvaise note concernant les énergies renouvelables, entre trop peu présentes. En 2015, la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) avait fixé pour objectif d'atteindre 23% d'énergies renouvelables en 2020 et 32% en 2030. D'après les chiffres publiés en avril par le ministère de la transition énergétique, elles représentaient 17,2% de la consommation finale brute d’énergie en 2019. "Les experts nationaux soulignent qu'il est hautement improbable que la France atteigne son objectif d'énergies renouvelables de 2020 et critiquent l'absence d'objectif au-delà de 2030", indique le rapport.

Les experts félicitent néanmoins l'objectif de réduction de la consommation d'énergie de 50 % entre 2012 et 2050. Il s'agit selon eux de "l'un des objectifs d'efficacité énergétique les plus ambitieux au monde". Le lancement d'un label bas carbone, destiné à encourager les projets allant dans le sens de la transition écologique, leur semble également un point encourageant.


Charlotte ANGLADE

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