Comment la finance verte peut-elle influencer les entreprises ?

Publié le 8 mars 2021 à 8h30, mis à jour le 11 mars 2021 à 11h59
Comment la finance verte peut-elle influencer les entreprises ?
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(R)ÉVOLUTION - Partenaire du Prix Jeunes pour l’Environnement avec EpE, LCI vous éclaire pendant un mois autour de la thématique "La finance, accélérateur de la transition écologique" - Les entreprises mettent du temps à basculer vers des stratégies durables. Pourtant, la finance verte semble au moins aussi rentable que les énergies fossiles, améliore leur réputation et pourrait permettre de les désengager progressivement des investissements polluants.

Les entreprises se mettent au vert. De leur propre initiative ou poussées par les législations qui restreignent notamment la consommation de plastique, petites et grandes sociétés opèrent leur mue. Accélération du télétravail, économie progressive des ressources naturelles ou lent développement des circuits courts, autant de projets plus ou moins aboutis. Le monde professionnel évolue néanmoins souvent pour des raisons financières et non en premier lieu pour préserver la planète.

Le défi de la finance verte consiste donc à conjuguer la protection de l’environnement avec la réalisation d’économies budgétaires. Celles-ci devront se révéler suffisantes pour que les investissements verts valent le coup et que les entreprises transforment de fond en comble leur stratégie bas carbone. Avec un euphémisme non dissimulé, tous les spécialistes de la finance verte concordent : pour l’instant, le compte n’y est pas. Anne-Claire Roux, directrice de Finance for tomorrow le regrette : "Beaucoup de financeurs continuent à subventionner énormément de projets polluants qui ne répondent pas aux enjeux. Maintenant que l’Accord de Paris sur le changement climatique a été fixé, nous devons petit à petit atteindre des paliers. Chaque bataille gagnée a son importance."

Réchauffement climatique, risque impossible à assurer

En réalité, si les entreprises ne font pas d’économie à court terme en verdissant leur stratégie, elles y gagneront forcément à moyen ou long terme. Elles en pâtiront probablement en dépensant beaucoup d’argent dans des produits dont on ne connaît pas encore vraiment la rentabilité, en se désinvestissant par exemple des puits de pétrole qui leur apportent toujours une rémunération non-négligeable, ou en contractant du matériel moins énergivore. Mais elles ne peuvent plus compter sur un statu quo et une augmentation des températures de plus de 2°, avec une prolifération substantielle des risques climatiques : incendies, inondations, tornades, etc. "Les risques climatiques deviennent des périls financiers importants", assure Anne-Claire Roux. Les catastrophes naturelles coûteront tellement d’argent qu’elles ne pourront plus être gérées par les assureurs. "Planifier un business modèle sur un tel risque n’est pas viable du tout", ajoute la responsable de la plateforme Finance for tomorrow. Anne-Catherine Husson-Traore, responsable de Novethic, renchérit : "En 2020, les 5 premières compagnies pétrolières ont perdu beaucoup d’argent. Au bout d’un moment, ces entreprises n’auront plus les moyens de réaliser leur transition écologique."

Réputation en sursis

Sur les marchés financiers d’abord et pour l’opinion ensuite, la réputation accorde aux entreprises une estime fondamentale. Celles qui élaborent une stratégie bas carbone sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) exigeants partent avec un avantage certain, constate Anne-Claire Roux : "Les consommateurs et ONG restent attentifs et se mobilisent pour dénoncer les comportements qui détériorent l’environnement. Des scandales aux répercussions désastreuses peuvent rapidement bousculer les entreprises polluantes." Une étude européenne, menée par l’institut YouGov dans 10 pays en 2019, montre que 37 % des personnes interrogées ont déjà temporairement ou définitivement arrêté d’utiliser une marque suite à un scandale. Les appels au boycott de Nutella, après les révélations liées à la surconsommation d’huile de palme avec la déforestation qui en découle, ont fait chuter les ventes de la marque de pâte à tartiner de 10 % en France entre 2014 et 2019.

Rentabilité du vert en question

Pour consolider leur réputation, les entreprises doivent investir dans des obligations labéllisées vertes. S’il nous est impossible d’affirmer aujourd’hui que ces produits financiers atteignent de meilleurs rendements que des fonds polluants, on ne peut pas non plus prétendre le contraire. Anne-Catherine Husson-Traore précise que la demande de fonds verts s’accroît sur les marchés. Lorsque la demande surpassera l’offre, les taux devraient s’envoler. D’autant que la plupart des entreprises du CAC40 se sont engagées à sortir du charbon dans les prochains mois et devront trouver de nouveaux débouchés verts. L’économiste Maxime Combes, circonspect, redoute que les projets environnementaux financés manquent de poids. "On parle de fonds minuscules et de projets trop petits. On doit financer des projets plus importants sans se préoccuper de leur rentabilité."

Bilan carbone impossible à calculer

Moralité, qui sont les bons et les mauvais élèves des émissions carbones ? Encore une fois, nous manquons d’éléments pour répondre. Anne-Catherine Husson-Traore reproche aux entreprises de ne pas jouer le jeu de la transparence : "Elles produisent énormément de données qui ne correspondent pas à la réalité et à la pertinence en question. Il devient difficile d’évaluer l’impact de ce qu’elles financent. Elles déclarent souvent l’énergie qu’elles consomment, parfois les émissions carbones qu’elles émettent directement, mais omettent les émissions indirectes qu’elles financent ou que les produits qu’elles commercialisent finissent par consommer par la suite. Il faudrait raisonner en budget carbone global : produire une voiture électrique en dépensant énormément de carbone dans les usines ou en allant chercher de grosses quantités de lithium pour les batteries n’a pas de sens." Anne-Claire Roux complète : "Il faut aussi accompagner les entreprises qui se détournent du charbon. On ne peut pas du jour au lendemain s’en désinvestir. Si une autre entreprise rachète une centrale à charbon, on aura juste déplacé le problème."

Comme chaque année depuis 16 ans, Entreprises pour l’Environnement (EpE), LCI (anciennement Metronews) et les sponsors du Prix lancent leur appel à projets pour le Prix Jeunes pour l’Environnement doté de plus de 15 000 €. Cette année, les moins de 30 ans sont invités à formuler des idées concrètes et inédites en répondant à la problématique suivante : "La finance, accélérateur de la transition écologique" ou comment les acteurs financiers peuvent-ils influencer leurs parties prenantes pour accélérer la transition écologique ? Les propositions (innovations dans les produits, services, épargne, sensibilisation des clients particuliers, dialogue actionnarial pour les entreprises…) pourraient stimuler la transition conjointe des acteurs financiers et de leurs parties prenantes. Dépôt des dossiers jusqu’au 15 mars 2021.

Pour plus de précisions, rendez-vous sur le site dédié ou la page Facebook.


Geoffrey LOPES

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