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Convention climat : la France, championne de la reprise des initiatives populaires ?

Publié le 14 septembre 2022 à 18h39

Source : JT 20h Semaine

Selon Olivier Véran, les propositions de la Convention pour le climat sont plus nombreuses à avoir été appliquées en France qu’ailleurs.
Si le résultat est mitigé chez nos voisins européens, cela ne signifie pas que la France est particulièrement performante sur le sujet.
L’objectif de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 n’est d'ailleurs pas garanti.

Emmanuel Macron souhaite que le sujet de la fin de vie soit discuté dans le cadre d’une convention citoyenne, exercice auquel le Président semble avoir pris gout. Mais celle-ci ne devrait pas prendre la forme de celle qui s'était tenue pour le climat, qui a débouché sur des déceptions, a concédé le chef de l'État en personne. Les membres du gouvernement sont cependant nombreux à vanter les succès de l’expérience qui avait réuni 150 Français à la fin de l'année 2019, pour arriver à des propositions concrètes sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Des mesures totalement écartées en France

Lundi 12 septembre, Olivier Véran a ainsi expliqué que "85% des propositions ont été retenues et appliquées" et qu’à l’étranger, "le pourcentage de propositions issues des conventions citoyennes" n’était pas si haut. D’après plusieurs médias qui ont depuis fait les comptes, le nombre de mesures finalement adoptées est bien en deçà de ce qu’avance Olivier Véran : seules 15 propositions ont été retenues telles quelles, selon Reporterre, soit 10% des 150 mesures. C'est aussi le constat fait par William Aucant, l'un des membres de la Convention citoyenne, qui évoque 90% de perte dans leurs travaux, en réponse à Olivier Véran. 

Ainsi, les 150 citoyens avaient jugé durement la prise en compte de leurs propositions par le gouvernement, lui accordant la moyenne générale de 3,3 sur 10. Et parmi la trentaine de propositions totalement écartées, certaines sont des "mesures très concernantes", juge Théo Verdier, coprésident de l’Observatoire Europe de la Fondation Jean Jaurès, comme la réduction de la vitesse sur l’autoroute. D’autres ont été détricotées, telle que la fin des vols intérieurs les plus courts.

Si l’on regarde à l’étranger, l’idée d’une assemblée de citoyens a germé très tôt au Royaume-Uni ou en Espagne. Chez les Britanniques, qui ont été les premiers à suivre l’exemple français, un rapport a été rendu en septembre 2020 par 108 citoyens, pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Quelques résultats sont notables, comme la reprise des conclusions par le Comité sur le changement climatique (CCC), organisme conseillant le gouvernement, "pour éclairer son rapport sur la relance du Covid-19 et son sixième budget carbone".

Reste que son succès n’a pas été flagrant, selon plusieurs observateurs. "Bien que l'Assemblée britannique sur le climat soit considérée comme un succès par les comités restreints et qu'un certain nombre d'entre eux aient lancé des enquêtes faisant référence aux recommandations, il a eu au mieux une influence sur l'établissement de l'ordre du jour", évalue l'organisme Westminster Foundation for Democracy. Un autre rapport sur l’avenir de ces propositions est tout aussi sévère. Publié par des chercheurs de Newcastle University, il explique notamment ces blocages par le calendrier des élections générales, tombé en décembre 2019, ou par "le manque de sensibilisation au processus" démocratique.

La mission de l'assemblée espagnole inscrite dans la loi climat

Et comme le développe Théo Verdier, qui a travaillé sur la naissance des conventions citoyennes pour la Fondation Jean Jaurès, la communication qui en est faite est cruciale pour que ces assemblées réussissent. Prenant exemple sur la Convention sur l'avenir de l'Europe, passée quasiment inaperçue, il explique : "La communication n’est pas un facteur de succès, en revanche, c'est une condition sans laquelle le succès de l’exercice ne peut se faire. Le défaut de notoriété fait que l’on n’est pas challengé sur les conclusions." 

C’est ce qui est arrivé en partie au Danemark, selon le spécialiste. "Il y a le constat d’un succès mitigé. D'abord parce que l’enjeu était énorme, de -70% d’émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Mais aussi parce que le peu de notoriété de l’initiative a amené le peu de dynamique." Pour autant, sur 73 recommandations formulées début 2022 par ces 99 citoyens, le ministre de l’Énergie danois a décidé d’en "impliquer" 48 dans "la mise en œuvre de la politique gouvernementale" et d’en rejeter 18, d’après son évaluation rendue publique.

L’Espagne, elle, a découvert cet été les 170 propositions des citoyens pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Le recul manque ici pour juger d’une quelconque réussite de cette assemblée dédiée au climat. Mais sa mission a été inscrite dans la loi climat de 2021, souligne Théo Verdier, rendant ainsi son "mandat plus formel et plus intéressant". À cette heure, nul ne sait combien de recommandations seront conservées par le gouvernement.

Mais ce qui importerait surtout, en France comme ailleurs, n’est pas tant le nombre de mesures retenues que l'efficacité de celles qui ont été gardées. "Parviendrons-nous à tenir nos objectifs climatiques ? Est-ce que les 40% seront respectés ?", s'interroge Théo Verdier. Sur ce point, les spécialistes français ne sont pas optimistes. Dans un rapport publié en juin dernier, le Haut Conseil pour le Climat juge que les efforts demeurent insuffisants en l'état pour parvenir aux objectifs fixés pour 2030. 

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Caroline QUEVRAIN

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