DÉVASTATEUR - Les pesticides néoncotinoïdes, nocifs pour les abeilles, ont des effets néfastes sur l'environnement même de longues années après l'arrêt de leur utilisation, selon une étude française à paraître jeudi et dont Le Monde dévoile les principales conclusions.
Leur potentiel retrait du marché ne serait qu'un premier pas vers une lente guérison. Les pesticides néonicotinoïdes, réputés être de véritables "tueurs d’abeilles", continueraient d'avoir des effets catastrophiques sur l'environnement durant de longues années après l'arrêt de leur utilisation.
Selon les résultats d'une étude française qui paraîtra jeudi 28 novembre dans la revue Science of the Total Environment, et dont Le Monde dévoile les principales conclusions, leurs principales molécules persistent dans les cultures qui ne sont plus traitées à des niveaux "demeurant dangereux" pour les abeilles et les pollinisateurs sauvages, et parfois même à des concentrations plusieurs dizaines de fois supérieures à celles relevées dans des cultures encore traitées par des pesticides.
Les auteurs de l'étude, conduite par Dimitry Wintermantel et Vincent Bretagnolle, tous deux chercheurs du CNRS au Centre d’études biologiques de Chizé, ont analysé du nectar et du pollen prélevés dans des cultures de colza. Ils ont prélevé leurs échantillons sur quelque 300 parcelles de la zone atelier Plaine et Val de Sèvre, une vaste plaine céréalière de 450 km carrés utilisée pour la recherche sur les conséquences des pratiques agricoles sur les écosystèmes.
Les scientifiques ont récolté des centaines d’échantillons sur ces champs entre 2014 et 2018. Des parcelles choisies car elles sont visées depuis 2013 par un moratoire interdisant l’utilisation des trois principales molécules de néonicotinoïdes sur les cultures de colza, de tournesol et de maïs, principalement visitées par les abeilles.
Les molécules encore présentes 5 ans après leur interdiction
Malgré ces interdictions, les auteurs de l'étude ont trouvé des traces de ces pesticides particuliers dans 43% des échantillons de colza analysés. Pire : aucune tendance à la baisse n’a pu être observée. Les taux de présence des néoncotinoïdes ont en fait varié de façon aléatoire, avec 70% des parcelles contaminées en 2014, seulement 5% en 2015, puis 90% en 2016, 30% en 2017 et enfin 55% en 2018.
Il est plausible que ces substances, qui sont solubles dans l’eau, sont remobilisées en cas de fortes pluies
Vincent Bretagnolle, l'un des auteurs de l'étude
En cherchant des éléments de réponse à cette énigme, les chercheurs français ont constaté que les années pluvieuses coïncidaient avec l’étendue de la contamination des parcelles. "Il est plausible que ces substances, qui sont solubles dans l’eau, sont remobilisées en cas de fortes pluies, et redistribuées sur des parcelles n’ayant pas nécessairement été traitées l’année précédente", explique notamment Vincent Bretagnolle, auteur de l'étude. Les néonicotinoïdes étant des molécules dites "systémiques", qui imprègnent tous les tissus de la plante, elles sont réabsorbées par la nouvelle végétation poussant sur des sols anciennement contaminés.
Un constat étayé par plusieurs études, montrant notamment que des abeilles ont été contaminées en butinant le nectar et le pollen des fleurs sauvages poussant aux marges des parcelles traitées, ou encore en butinant dans des parcelles bio et non traitées dans les environs de zones contaminées.
Jusqu'à 50% des abeilles tuées
Mais que démontrent ces mesures ? Les conséquences, selon les chercheurs, pourraient être dramatiques sur les populations d'abeilles. "Après avoir utilisé un modèle simulant le risque de mortalité pour trois types d’abeilles (domestiques, bourdons et abeilles solitaires), ils estiment qu’au cours des deux pires années - 2014 et 2016 - 12% des parcelles étaient assez contaminées pour tuer 50% des abeilles domestiques s’y aventurant", explique Le Monde. Ces mêmes années 10% des parcelles étaient assez contaminées pour tuer la moitié des abeilles solitaires et 20% ont probablement conduit à la mort de la moitié des bourdons les butinant.

Plus inquiétant encore, le modèle de calcul des risques utilisés par les chercheurs - celui de l’Autorité européenne de sécurité des aliments - ne tient compte que de "la mortalité induite par le produit pur". Selon Vincent Bretagnolle, les simulations ne n'envisagent donc pas d'éventuelles circonstances aggravantes, comme "des effets de synergies possibles avec des pathogènes naturels ou d’autres pesticides présents sur la parcelle. Il n’évalue pas non plus les effets sublétaux." Ces effets pas directement mortels, étudiés chez certains pollinisateurs dès la consommation régulière de nectar ou de pollen contaminés, peuvent affecter leur fertilité ou leurs capacités d’orientation, et ainsi diminuer leur nombre année après année.
Une pétition a été lancée au niveau européen
Devant la multiplication d'études allant dans le même sens, une pétition visant à interdire les pesticides de synthèse dans l'Union européenne d'ici 15 ans a été lancée ce lundi 25 novembre. Cette "Initiative citoyenne européenne" - un outil de participation citoyenne qui permet de saisir la Commission sur des sujets d'initiative populaire - espère récolter plus d'un million de signatures pour contraindre l'institution à ouvrir le débat. Mais il leur faudra en récolter au moins 55.000 rien qu'en France pour aller au bout de la procédure.
Présentée par l'ONG française Générations futures, cette initiative a été lancée par sept citoyens de l'Union européenne, vivant en Italie, en Roumanie, en France, en Autriche, en Allemagne, en Belgique et en Grèce. Les ONG soutenant cette démarche demandent précisément "l’interdiction progressive des pesticides de synthèse dans l’agriculture européenne à hauteur de 80% d’ici 2030, en priorisant les pesticides les plus toxiques, afin de devenir un territoire "zéro-pesticide" au plus tard en 2035", selon le dossier de presse.
Elles préconisent ainsi de "donner priorité aux exploitations agricoles de petite taille, diversifiées et ayant des pratiques durables" et de "restaurer la biodiversité" dans les zones agricoles, alors que l'Europe observe une disparition massive des insectes et de leurs prédateurs (oiseaux, hérissons, lézards, amphibiens).
"Obtenir que les pays se mettent d'accord pour l'interdiction des pesticides en 15 ans, c'est plutôt ambitieux", reconnaît Nadine Lauverjat, coordinatrice de Générations Futures, qui milite néanmoins pour la nécessité de "sortir d'un système agricole à bout".
De son côté Eugenia Pommaret, la directrice de l'UIPP qui représente les industriels producteurs de produits phytosanitaires, a déclaré à l'AFP ne pas penser "que cette initiative avec cette focalisation sur les pesticides de synthèse apporte quoi que ce soit comme solution". "Avoir un débat sur l'amélioration du profil des produits, sur l'amélioration des évaluations, c'est déjà en cours au niveau européen et c'est tout à fait légitime. Mais on ne peut pas faire une distinction entre pesticides de synthèse ou naturels, a priori", a-t-elle assuré.
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