MASTODONTES - Plus lourds, plus polluants... L'explosion des ventes de SUV empêche la diminution des émissions de CO2 du parc automobile. En France, un député souhaite intégrer le poids des véhicules dans le calcul du bonus/malus. Leur dangerosité est aussi pointée du doigt. En Allemagne, après un grave accident, le chef adjoint des députés écolos a appelé à ce que chaque ville puisse imposer des limites de taille et de poids à ces véhicules.
De plus en plus plébiscités... et de plus en plus contestés. Les SUV - ou "sport utility vehicules" - ces nouveaux 4x4 urbains polyvalents, ont un succès commercial indéniable mais aussi un nombre croissant de détracteurs qui les accusent d'émettre plus de gaz à effet de serre, d'occuper trop d'espace voire, en cas d'accident, d'être plus dangereux.
En Allemagne, le débat relancé après un dramatique accident
En Allemagne, le débat sur ces véhicules a été relancé après un dramatique accident à Berlin, au cours duquel un conducteur roulant en Porsche Macan a tué quatre piétons, dont un enfant de 3 ans et sa grand mère. Veillées spontanées, hommages : le terrible accident a ému de nombreux Berlinois, comme le raconte le Guardian. Puis l'émotion a laissé place à la controverse.
Ce mardi, un sondage publié dans le Tagesspiel indique qu'une majorité d'Allemands de moins de 30 ans ou vivant en zone urbaine souhaitent des restrictions sur l'usage des SUV en centre-ville. Un maire de district berlinois a même affirmé que ces "tanks" n'étaient pas les bienvenus en ville, tandis que le chef adjoint des députés écolos allemands appelle à ce que chaque ville puisse imposer des limites de taille et de poids à ces "monstres" sur roues.
A cause des SUV, les émissions de CO2 ne diminuent plus
En France, les voix se multiplient depuis plusieurs mois pour légiférer sur les SUV à l'échelle nationale. Ce mardi, un rapport de Greenpeace rappelle à quel point leur développement a été fulgurant. "Les ventes de véhicules tout-terrains de loisir (SUV) ont été multipliées par plus de quatre au cours des 10 dernières années, passant de 8 % en 2008 à 32 % en 2018 en Europe. Aux États-Unis, ils ont atteint 69 % des parts de marché", précise le rapport, qui affirme que "les SUV rendent impossible une transition déjà difficile". Notamment en raison de leurs émissions de gaz à effet de serre.
"Plus lourds et moins aérodynamiques, ils consomment davantage. D'ailleurs après de longues années de baisse, les émissions de CO2/km des voitures neuves ont cessé de diminuer depuis 2 ans : les voitures neuves achetées en France émettaient en moyenne 109 gCO2/km en 2016, 111 gCO2/km en 2017 et 112gCO2/km en 2018", rappelait en janvier 2019 l'ingénieur de l'Ademe Mathieu Chassignet, sur son blog d'Alternatives économiques. Et de préciser que cet embonpoint des voitures provoque aussi des collisions plus mortelles, selon plusieurs études, à l'image de celle de Berlin.
"Depuis 20 ans, les émissions de CO2 des voitures neuves en conditions de conduite réelle n'ont quasiment pas baissé", constate pour sa part Nicolas Meilhan, conseiller scientifique à France Stratégie, un organisme rattaché à Matignon, dans un rapport intitulé "Comment faire enfin baisser les émissions de CO2 des voitures". Ce dernier chiffre même l'augmentation moyenne du poids des voitures à "10 kg par an en 50 ans en France". Soit 500 kg.
"Ces véhicules ne sont pas adaptés à la ville", tranche Christophe Najdovski, maire-adjoint de Paris chargé des transports. Émissions de polluants, sécurité : il assure que la ville prend la question des SUV "très au sérieux" et que "l'étude publiée aujourd'hui par l'ONG ICCT en partenariat avec les villes de Paris et de Londres va dans ce sens". Et l'adjoint d'Anne Hidalgo d'ajouter que "les SUV pèsent 100 à 300 kg de plus qu’une berline classique pour, dans la plupart des cas, ne transporter qu’une seule personne".
Taxer les voitures en fonction de leur poids ?
Comment enrayer cette tendance ? Pour Nicolas Meilhan, il faut d'abord juger de l'impact environnemental d'une voiture sur l'ensemble de son cycle de vie. L'expert, également membre du collectif "Les Éconoclastes", rappelle à ce titre qu'aujourd'hui, "un gros SUV électrique peut émettre plus de CO2 sur son cycle de vie qu’une petite essence". Sa préconisation : indexer le système de bonus/malus sur le poids des voitures. "Un dispositif déjà appliqué par la Norvège qui peut se targuer d'avoir atteint dès 2016 l'objectif européen des 95 g/km", ajoute-t-il. Pour cela, Oslo a mis en place une taxe qui prend également en compte la puissance et les rejets de plusieurs polluants par le véhicule.
En Norvège, il existe une taxe à l'immatriculation en fonction de : ➡️La masse ➡️La puissance ➡️Le CO2 ➡️Les NOx Par exemple une Audi Q8 fera l'objet d'une taxe totale d'environ 50 000€ (!) contre 3 000€ pour une Smart https://t.co/HzSTzyikEH via @NicolasMeilhan pic.twitter.com/UjqMPMyeJb — Mathieu Chassignet (@M_Chassignet) February 12, 2019
Je me souviens quand nous manifestions déguisés en buffles pour protester contre les pare-buffles des 4x4
Julien Bayou
Taxer les voitures trop lourdes, c'est ce que souhaite le député Mathieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot et ex-LaREM depuis février. Début septembre, il a confirmé son intention de déposer un amendement à la loi d'orientation des mobilités, en cours d'examen à l'Assemblée, pour intégrer une taxation du poids au bonus/malus. L'élu du Maine-et-Loire cherche également depuis des semaines à réguler la publicité sur les voitures les plus polluantes, et a annoncé ce mardi sur Sud Radio qu'il tentera de nouveau de faire adopter un amendement dans ce sens, après avoir été retoqué une première fois par la majorité.
[ #InvitéPolitique ] " Je reporterai, cette semaine, devant l' #Assemblée mon amendement sur la publicité des voitures polluantes. Il faut se réorienter vers les modèles les moins consommateurs. " @M_Orphelin #SudRadioMatin #SUV ➡️ https://t.co/2tFdU6goLR pic.twitter.com/YOU4gHU7Yl — Sud Radio (@SudRadio) September 10, 2019
C’est une question nationale et non locale
Christophe Najdovski, adjoint aux transports à la ville de Paris
Le poids des véhicules fait désormais figure d'enjeu national en France, après avoir été longtemps cantonné à la question des "4x4 en ville". "Je me souviens quand nous manifestions déguisés en buffles pour protester contre les pare-buffles des 4x4", raconte Julien Bayou, élu francilien et porte-parole d'EELV. Aujourd'hui, le conseiller régional approuve la proposition de Mathieu Orphelin de taxer le poids des véhicules, et juge que l'industrie automobile a "raté le coche pour réduire la consommation, ce qui en plus d'être bénéfique à l'environnement, favorise aussi les automobilistes qui paient moins d'essence".
Est-ce désormais à l'État de s'emparer du problème du poids des véhicules ? Christophe Najdovski juge que "les outils mis à notre disposition aujourd'hui ne suffisent pas" et que la régulation des SUV est "une question nationale et non locale". Aujourd'hui, Paris dispose des vignettes Crit'Air, qui permettent d'interdire de circulation les voitures en fonction de leur année de fabrication et de leur motorisation, mais pas de leur poids ni de leurs émissions de polluants. "Le ministère doit prendre connaissance des études de Greenpeace et ICCT et en tirer toutes les conclusions", dit-il à LCI.
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