Droit de polluer et prix du carbone pour les ménages : l'Europe vote une réforme importante pour le climat

Annick Berger avec AFP
Publié le 18 décembre 2022 à 11h51

Source : JT 20h WE

L'UE a trouvé, dimanche, un accord sur une vaste réforme de son marché carbone.
Ce texte est la pièce maîtresse du plan climat européen.
Il prévoit notamment la fin des "droits de polluer" gratuits pour les industriels.

Alors que la consommation de charbon - le plus polluant de tous les combustibles fossiles - devrait atteindre un record en 2022, l'Union européenne lance la grande réforme de son marché carbone. Un texte au centre du plan climat européen et qui a été approuvé à l'issue d'âpres pourparlers entre les négociateurs du Parlement européen et ceux des États membres de l'UE. 

Proposé en 2021 par la Commission européenne, le dispositif prévoit de relever les ambitions des Vingt-Sept pour lutter contre le changement climatique et de concrétiser les objectifs de réduction des gaz à effet de serre du plan climat européen. Il comprend plusieurs mesures importantes. Tour d'horizon. 

Un "prix du carbone" pour les ménages

C'est l'un des points qui ont fait le plus débat entre le Parlement et la Commission européenne. Cette dernière proposait de créer un second marché du carbone (ETS2) pour le chauffage et les carburants routiers. Effarés par l'impact social d'un tel surcoût, les eurodéputés, eux, plaidaient pour réserver d'abord cette mesure aux immeubles de bureaux et poids lourds. Au final, les ménages paieront bien un prix du carbone sur les carburants et sur le chauffage au gaz ou au fioul à partir de 2027. Le prix sera toutefois plafonné à 45 euros jusqu'à 2030 et son application pourra être repoussée d'un an si la flambée des prix de l'énergie venait à se poursuivre.

Le fonds de ce nouveau marché doit servir à financer la transition écologique en alimentant notamment un "Fonds social pour le climat", doté de 86,7 milliards d'euros et créé pour aider les ménages et les entreprises vulnérables. Il pourra servir à débloquer des subventions pour l'isolation des logements ou encore la mise en place de transports plus écologiques. Le "Fonds d'innovation" qui accompagne les entreprises gonflera, lui, à 50 millions d'euros. 

Réduire ses émissions ou payer très cher

C'est l'une des grandes mesures de cette réforme. Pour le moment, pour couvrir leurs émissions de CO2, les producteurs d'électricité et les industries énergivores (sidérurgie ou ciment) dans l'Union européenne doivent acheter des "permis de polluer" sur le marché européen des quotas d'émissions (ETS). Un système créé en 2005 et qui s'applique à 40% des émissions du continent. Le total des quotas créé par les États baisse au fil du temps pour inciter l'industrie à émettre moins. L'accord prévoit désormais d'accélérer ce rythme de réduction avec une baisse de 62% d'ici 2030 par rapport à 2005, contre 43% auparavant. Ce qui signifie de facto que les industriels concernés devront obligatoirement diminuer leurs émissions de 62%.

"Le prix du carbone s'établira autour de 100 euros/tonne pour ces industries (polluantes, ndlr). Aucun autre continent n'a un prix du carbone aussi ambitieux", s'est réjoui Pascal Canfin (Renew, libéraux), président de la commission Environnement au Parlement. "Il existe jusqu'en 2026 une marge de manœuvre pour investir dans des énergies décarbonées et gagner en efficacité énergétique. Après, c'est l'heure de vérité : il faudra réduire ses émissions d'ici là, ou payer très cher ensuite", a résumé l'eurodéputé Peter Liese (PPE, droite).

La fin des "droits de polluer" gratuits

Par ailleurs, à mesure que montera en puissance une "taxe carbone" aux frontières, l'Union européenne supprimera progressivement les quotas d'émission gratuits alloués jusqu'ici aux industriels de l'UE pour leur permettre d'affronter la concurrence extra-européenne. Alors que, selon l'ONG WWF, l'équivalent de 98,5 milliards d'euros leur ont été distribués entre 2013 et 2021, au moins 2,5% de ces "droits à polluer" gratuits seront supprimés en 2026, puis 10% en 2028, quelque 48,5% d'ici 2030, avant de disparaître totalement en 2034.

La fin de ces quotas gratuits devrait être compensée par un nouveau mécanisme, qui entrera en vigueur d'ici 2025 pour soutenir les industriels européens exportant vers des pays hors UE sans tarification carbone comparable. Des mesures décriées par les ONG. L'organisation CAN estime ainsi que l'accord "permettra aux gros pollueurs de continuer à recevoir des milliards d'euros de quotas gratuits" pendant près de 10 ans, tandis que "les ménages recevront en comparaison des miettes"


Annick Berger avec AFP

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