ÉDUCATION - Malgré une "demande forte" des étudiants à être éduqués aux enjeux environnementaux et énergétiques, une grande partie des formations dans l'enseignement supérieur n'aborde pas cette thématique, selon un rapport du think tank The Shift Project, qui a étudié plus de 2.000 cursus représentant 11% des étudiants.
"Il est indispensable que tous les étudiants soient formés aux enjeux environnementaux. Les étudiants qui arrivent n'ont pas été informés du tout. Au début, l'atterrissage est assez dur : les fossiles, le pic pétrolier… il faut arriver à être lucide sans être désespéré", témoigne cet enseignant en école de commerce dans un rapport qui documente le manque de formations sur les enjeux environnementaux et énergétiques dans l'enseignement supérieur.
Publié lundi par le think tank The Shift Project, le rapport "Mobiliser l'enseignement supérieur pour le climat" a passé en revue 34 établissements, représentant "un peu plus de 11% des 2,68 millions d'étudiants du pays". Il a mesuré que 76% des 2.450 formations qui y sont proposées n'abordent pas les "enjeux climat-énergie", définis comme "tous les enjeux liés aux problématiques climatiques, énergétiques, épuisement des ressources, et de manière globales les questions liées à la notion d'anthropocène". Surtout il rappelle que l'utilisation de l'énergie est au centre du problème de réchauffement climatique, et que cette énergie est toujours, aujourd'hui, d'origine fossile à 80%.
Les enjeux énergie-climat obligatoirement abordés dans seulement 11% des formations
"J'ai été marqué par le manque de sens des cours proposés : absolument rien sur les enjeux sociaux et environnementaux alors que l'on parle des défis majeurs de ce siècle. (...) C'est comme si les écoles de commerce vivaient encore au siècle dernier, comme si les chocs pétroliers, la bulle Internet, la crise de 2008, la crise de la dette n'avaient rien changé alors que tout tend à nous montrer qu'il faut repenser notre système", s'alarme pour sa part un jeune diplômé, interrogé également dans ce rapport.
Parmi les 34 établissements examinés, on compte 12 écoles d'ingénieurs, 4 universités, 6 écoles de commerce, 6 écoles de hauts fonctionnaires et 6 établissements divers (Sciences Po, journalisme, communication, architecture...). Seulement 11% des formations proposées dans ces établissements abordent de manière obligatoire ces enjeux climat-énergie, et 24% les abordent soit de manière obligatoire, soit de manière facultative, malgré une "demande forte des étudiants".
3 sujets sur 60 au concours de l'ENA
Le rapport s'arrête par exemple sur l'une des formations les plus emblématiques : l'Ecole nationale d'administration (ENA). En analysant les concours d'entrée de la célèbre école des hauts fonctionnaires depuis 2015, le rapport mesure que sur les 60 sujets proposés, 16 auraient pu aborder les enjeux climat-énergie, mais 13 ne l'ont pas fait. Les 3 sujets sur 60 qui ont abordé ces enjeux datent d'ailleurs de 2018. Preuve d'un changement de logiciel dans l'enseignement supérieur ?
"Chacun a le droit d’être informé et formé aux enjeux climatiques et énergétiques, grands défis de notre siècle. De nombreux étudiants et jeunes actifs, pris entre leur inquiétude profonde en matière climatique et l’absence d’enseignements sérieux dans leur formation intellectuelle et professionnelle, se retrouvent désemparés", constatent les co-autrices de l'étude, Clémence Vorreux et Marion Berthault, qui estiment que "la demande exprimée par le milieu de l’enseignement supérieur, et avant tout par les étudiants, contraste fortement avec le silence de la puissance publique". Le président du Shift Project Jean-Marc Jancovici ajoute qu'"en matière de climat et d'énergie, tout citoyen doit être capable de comprendre ce que dit l’expert, et cela demande au moins 5 à 10 heures de formation".
Si le rapport fait le constat d'une offre croissante de formations spécialisées, il appelle les dirigeants d'établissements à l'action, et l'État à "définir une stratégie nationale de l'enseignement supérieure pour le climat", ainsi qu'à "soutenir les établissements dans sa mise en œuvre et mettre en place un observatoire national pour suivre le processus".
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