"Greenwashing", "hold-up"... Le label "vert" de Bruxelles pour le gaz et le nucléaire fait polémique

Publié le 2 février 2022 à 17h15
La Commission européenne accorde un label "vert" au gaz et au nucléaire.
La Commission européenne accorde un label "vert" au gaz et au nucléaire. - Source : JOEL ROBINE / AFP

La Commission européenne a approuvé un label "vert" au nucléaire et au gaz, mercredi 2 février.
Le texte, critiqué par de nombreuses ONG écologistes, divise les 27 États membres de l'UE.
Il doit aider à mobiliser des fonds privés vers des activités réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

Un label qui les rend "vert" de rage. La Commission européenne a provoqué, mercredi 2 février, la colère d'organisations écologistes avec la création d'un label "vert" pour les centrales nucléaires et au gaz. Le projet, qui divise les 27 États membres de l'Union européenne, reconnaît, sous certaines conditions, leur contribution à la lutte contre le changement climatique. Cette liste de critères, approuvée par les commissaires européens, doit permettre de classer comme "durables" ces investissements pour la production d'électricité. Un privilège jusqu'ici réservé aux énergies renouvelables.

Opposée à l'atome, comme l'Allemagne, l'Autriche a aussitôt annoncé qu'elle attaquerait devant la justice européenne cette initiative contestée dans le monde de la finance. "Nous allons préparer le terrain juridiquement dans les prochaines semaines et si cette taxonomie prend effet, alors nous lancerons une procédure devant la Cour de justice de l'UE", a déclaré à la presse la ministre autrichienne de l'Environnement, Leonore Gewessler. Une plainte à laquelle le Luxembourg s'est dit prêt à se joindre.

Le texte doit aider à mobiliser des fonds privés vers des activités réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Il s'inscrit dans l'objectif de neutralité carbone de l'Union européenne en 2050. Pour l'atteindre, Bruxelles juge indispensable une contribution du nucléaire, qui n'émet pas de CO2, et des centrales au gaz, moins émettrices que celles au pétrole ou au charbon. "Nous devons utiliser tous les outils à notre disposition, car nous avons moins de 30 ans pour y parvenir", a expliqué la commissaire européenne aux Services financiers, Mairead McGuinness, lors d'une conférence de presse.

L'exécutif européen estime que les énergies renouvelables, déjà labellisées par Bruxelles et qui restent une priorité, ne pourront pas, à elles seules, répondre à la demande croissante d'électricité, en raison de leur production intermittente. D'où le besoin, à titre transitoire, de favoriser aussi l'investissement dans des moyens stables et pilotables. La France, qui veut relancer sa filière nucléaire - source d'électricité décarbonée -, et des pays d'Europe centrale, comme la Pologne ou la République tchèque, qui doivent remplacer leurs centrales à charbon très polluantes, ont soutenu l'initiative.

"Le plus grand exercice de greenwashing"

À l'inverse, les écologistes rejettent le gaz, énergie fossile émettrice de CO2, et le nucléaire, en raison de ses déchets radioactifs et du risque d'accident. "La Commission mine considérablement la crédibilité de l'UE", a réagi l'eurodéputé vert Damien Carême. Greenpeace a dénoncé "le plus grand exercice de greenwashing de tous les temps" et "une tentative de hold-up". "On essaie de détourner des milliards d'euros qui étaient destinés aux renouvelables", a affirmé Ariadna Rodrigo. 

"Le gouvernement allemand rejette une telle classification. Nous sommes opposés à ce que l'énergie nucléaire soit qualifiée de durable", a répété un porte-parole à Berlin. L'Allemagne, qui opère toujours des centrales à charbon, mise sur l'essor des éoliennes et du solaire, ainsi que sur de nouvelles centrales au gaz pour assurer son approvisionnement, en dépit des critiques sur sa dépendance à la Russie. L'Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède ont de leur côté contesté l'inclusion du gaz.

Relancer le nucléaire : une décision qui diviseSource : JT 20h Semaine

En réponse à ces attaques, la commissaire européenne McGuinness a assuré que le texte apportait de la "transparence". Il oblige en effet les entreprises à déclarer l'ensemble de leurs activités gazières et nucléaires, permettant aux investisseurs qui le souhaitent de les exclure de leur portefeuille. Il impose des conditions strictes à la labellisation du nucléaire et du gaz, notamment une limitation dans le temps et l'obligation de recours aux meilleures technologies disponibles. Pour la construction de nouvelles centrales atomiques, les projets devront avoir obtenu un permis de construire avant 2045. Les travaux permettant de prolonger la durée de vie des centrales existantes devront avoir été autorisés avant 2040.

Concernant le gaz, la Commission impose un plafond d'émissions de CO2 : moins de 100g par kWh, un seuil inatteignable, selon des experts. Une période de transition est toutefois prévue, et les centrales obtenant leur permis de construire avant le 31 décembre 2030, verront ce seuil relevé à 270g, à condition de remplacer des infrastructures beaucoup plus polluantes.

Durant une période de quatre mois, le Parlement européen pourra rejeter le texte par un vote à la majorité simple. Le Conseil européen pourrait aussi, théoriquement, s'y opposer, à condition de réunir 20 États membres, ce qui paraît hors de portée.


La rédaction de TF1info

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