Biodiversité : y a-t-il un COPilote dans l’arche ?

par Fabrice BONNIFET Fabrice Bonnifet
Publié le 12 décembre 2022 à 12h56
Biodiversité : y a-t-il un COPilote dans l’arche ?
Source : istock

Le sommet de l'ONU sur la biodiversité se tient en ce moment à Montréal avec un défi éléphantesque : protéger les espèces menacées d’extinction et leurs écosystèmes exsangues.
Comment sortir des discours et engager une dynamique salvatrice ?
Découvrez le nouvel édito de Fabrice Bonnifet, du groupe Bouygues, président du C3D, le Collège des directeurs du développement durable.

Les COP (Conference of the Parties) sont des réunions qui rassemblent des diplomates censés défendre l’intérêt général, mais dont le seul objectif en réalité est de défendre les intérêts particuliers des États qui les mandatent. À partir de là, ne nous étonnons pas que les années passent et que rien ne change véritablement. Après celle sur le climat se tient en ce moment à Montréal la quinzième COP sur la biodiversité. L’enjeu principal de cette édition est de parvenir à un accord qui permettrait la protection d’au moins 30 % des terres et des océans de la planète d'ici à 2030 - on peut légitimement néanmoins se demander ce qui va advenir des 70% non protégés...

Parions en tout cas qu’il va être difficile pour l’ensemble du vivant d’aller de son plein gré tranquillement se réfugier dans les zones sanctuarisées, tel Noé dans son arche. L’ambition reste louable. Ces grandes manifestations permettent au moins de partager des constats et de mettre furtivement l’essentiel à l’ordre du jour des États et des médias, généralement plus appétents pour l’insignifiant. Comme souvent, on peut prévoir que lors de la conférence de clôture, le 15 décembre, un accord sera arraché de justesse. Et du dit accord, on peut prédire, sans trop de risques, que les clauses seront bafouées ou oubliées... jusqu’à la prochaine COP.  

Acceptons enfin de déployer le plus vite possible un système comptable mondial qui obligera les acteurs économiques à préserver le capital naturel auquel ils doivent tout de leur prospérité.
Fabrice Bonnifet

 

Alors, que faire pour réellement protéger les millions d’espèces menacées d’extinction à court terme et leurs écosystèmes exsangues, et enfin admettre que c’est bien de la diversité du vivant que dépend notre propre survie ? Rappelons que nous ne nous nourrissons que du vivant : lécher une carte de crédit, même Infinite, n’apporte aucune calorie. Ni même aucun plaisir, n'en déplaise aux pourfendeurs de l’écologie prétendument punitive. Car au final, qui subira quelle punition ?  

Il n’y a qu’une issue pour défendre la valeur créée par la nature et par les services écosystémiques, dont nous ne pouvons pas nous passer. Reconnaissons humblement qu’une grève des tradeurs de Wall Street ou des vendeurs d’inutiles (la liste est infinie) aurait moins de conséquences sur nos vies qu’une grève (ou d’une disparition hélas plus probable) des abeilles et des autres pollinisateurs, ou encore l’absence d’un climat compatible avec le besoin en eau de tout ce qui pousse. En conséquence, acceptons enfin de déployer le plus vite possible un système comptable mondial qui obligera les acteurs économiques à préserver le capital naturel auquel ils doivent tout de leur prospérité. Autrement dit, une comptabilité qui permettrait de provisionner dans les comptes des entreprises, les sommes nécessaires pour préserver, protéger et restaurer les conditions de tout ce qui vit sur la planète, à la mesure des dommages environnementaux générés, pour créer la valeur économique. 

Sans doute ceux que nous vénérons aujourd’hui comme les champions de la création de valeur financière se montreraient plus modestes lorsqu’ils comprendront que produire en ne comptant uniquement ce que l’on gagne est plus facile que produire en comptant aussi ce que l’on doit... à la nature. Et peut-être les entreprises et organisations qui gèrent mieux les ressources verraient soudain la prime au vice des uns s’annuler, leur laissant la chance de déployer des offres plus vertueuses pour aujourd’hui et pour demain. Voilà qui est de nature à inspirer tous ceux qui pensent que l’économie devrait être service du vivant, alors qu’aujourd’hui nous mettons encore le vivant au service de l’économie !


Fabrice BONNIFET Fabrice Bonnifet

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