Énergie : les dessous de l’ivresse soudaine de la sobriété

par Fabrice BONNIFET Fabrice Bonnifet
Publié le 19 juillet 2022 à 18h28
Énergie : les dessous de l’ivresse soudaine de la sobriété

Source : istock

Les appels à la sobriété énergétique se multiplient.
Mais entre ceux lancés par le gouvernement ou des patrons d'Engie, EDF et TotalEnergies d'une part, et ceux des ONG ou des scientifiques du GIEC de l'autre, les motivations diffèrent.
Fabrice Bonnifet, président du C3D, le Collège des directeurs du développement durable, nous livre son nouvel édito.

Les appels à la sobriété se multiplient pour de bonnes et de moins bonnes raisons, car l'évidence porte souvent un cruel mensonge et la logique une pitoyable contradiction. Commençons par les majors de l’énergie qui nous implorent soudainement d’économiser l’énergie. Restons lucides, ce n’est pas pour que nous émettions moins de CO2, mais parce qu’ils ne pourront pas nous vendre du gaz et du pétrole qu’ils n’auront pas ! C’est une nuance importante, car n’oublions pas que tant que l’énergie sera facturée au volume sans vraiment pénaliser le CO2 émis, il est aussi improbable que les énergéticiens nous poussent à moins consommer qu’un crocodile se présente spontanément dans une maroquinerie ! 

Lire aussi

En ce qui concerne les incantations de l’État sur ce même thème, les motivations sont surtout d’anticiper à l’automne des réactions sociales dites du gilet de couleur. Il s’agit de nous sensibiliser au fait que comme il n’y aura pas assez d’énergie pour tout le monde, il est prudent de commencer à s’habituer à réduire les besoins superflus pour assurer a minima les besoins essentiels. En réalité, les Français et les Européens dans leur ensemble n’ont d’ailleurs pas attendu ce message de sagesse, le signal prix ayant déjà largement contribué à faire évoluer les usages, mais c’est une chose d’encore pouvoir acheter un peu d’énergie et une autre de ne plus pouvoir acheter du tout, faute d’approvisionnement. 

Sûr que le jour ou les robinets du gaz et du pétrole Russe vont se rouvrir, les appels à la sobriété vont s’envoler instantanément dans le nuage des cendres des incendies de nos forêts

Fabrice Bonnifet

Les derniers à appeler à la sobriété sont les ONG environnementales et les scientifiques du GIEC. La différence en ce qui les concerne, c’est qu’ils sont sur ce registre depuis 50 ans et pas depuis 15 jours, avec une efficacité dans le message proche du néant absolu. Pour eux, le sujet n’est pas la disponibilité de l’énergie, mais la non-augmentation de la concentration dans l’atmosphère des gaz à effet de serre. Ils sont bien naïfs ces empêcheurs de polluer en rond, comme si la peur de la fin d’un climat stable allait empêcher une vache de voler. Métaphore simpliste pour illustrer en même temps les externalités négatives de l’agriculture carnée et du tourisme de masse. 

Bien entendu, les sources d’émissions de CO2 concernent en réalité tous les secteurs d’activité, car nous le savons, CO2 = énergie = carburant pour machines qui soutiennent l’économie du dérisoire autant que celle de l’indispensable. Sûr que le jour ou les robinets du gaz et du pétrole Russe vont se rouvrir, les appels à la sobriété vont s’envoler instantanément dans le nuage des cendres des incendies de nos forêts, qui au rythme du réchauffement climatique auront toutes entièrement brûlées bien avant la fin de la décennie en cours. Et tant pis pour notre avenir déjà condamné par tant d’inconséquences et d’irresponsabilités, nous ne voulons pas de la sobriété choisie, les dérèglements climatiques qui s’exacerbent vont bientôt nous contraindre à la sobriété subie !


Fabrice BONNIFET Fabrice Bonnifet

Tout
TF1 Info