Face au changement climatique, l’État et les collectivités locales en première ligne

Publié le 14 février 2023 à 10h30, mis à jour le 14 février 2023 à 14h51

Source : JT 13h Semaine

Partout en France, les villes et les régions subissent directement le réchauffement climatique. De son côté, l’État porte la responsabilité de s’adapter.
Entre les deux, un labyrinthe de normes et des tempêtes viennent semer le trouble. Difficile d’anticiper les catastrophes environnementales et de prévoir les hausses de températures modélisées par les chercheurs.
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"Les écarts se creusent entre les mesures d'adaptation nécessaires et celles qui sont réellement mises en œuvre", déplorait la climatologue Valérie Masson-Delmotte, en septembre. Devant l’ensemble du gouvernement, la coprésidente du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) tirait la sonnette d'alarme. Inondations, sècheresse, éboulements, tornades… Au moins 12 millions de Français restent soumis aux aléas climatiques. Le temps presse, renchérissent plusieurs experts du réchauffement climatique, qui pointent les lenteurs de la France à s’adapter. Dans son dernier rapport, l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) soutient que la France n’est pas prête à faire face au changement climatique. I4CE regrette par exemple qu’environ 50 milliards d’investissement public, dans tous les domaines, ne se posent toujours pas la question de l’adaptation.

Certes, l’ensemble des acteurs publics reconnaissent que le climat se réchauffe. Mais il faut désormais passer à la pratique. L’I4CE se réjouit que les initiatives se multiplient : recul du trait de côte en Aquitaine, travail prospectif de la région Occitanie sur les infrastructures, tourisme vert, etc. Objectif : limiter les impacts du réchauffement climatique, préserver la biodiversité, gérer les eaux pluviales à la parcelle, développer l’économie circulaire… Pascal Terrasse, directeur général adjoint du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) enjoint État et collectivités locales à travailler pour un monde plus acceptable. L’organisme sert de pont entre l’État et les collectivités et conseille ces dernières.

De son côté, l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC) formule des recommandations au gouvernement depuis plus de 20 ans. Marie Carrega, adjointe du Secrétaire général de l'ONERC, donne le ton : "Nous intégrons l’adaptation en amont, surtout pas après avoir imaginé le projet. Dans cent ans, les projets que nous construisons aujourd’hui seront encore là. Avec des degrés supplémentaires et 7 % de vapeur d’eau en plus, nous devons disposer d’infrastructures capables d’absorber 20 % de pluie de plus qu’elles n’en supportent aujourd’hui." L’État joue un rôle central pour accompagner les collectivités locales : "Nous mettons à disposition des projections climatiques et nous expliquons les impacts auxquels les territoires sont exposés", assure la responsable.

Changement climatique : l’État incite sans contraindre

Depuis 2011, une "stratégie nationale d’adaptation au changement climatique" fixe les mesures "concrètes et opérationnelles". Ce plan ambitionne de "préparer la France à faire face et à tirer parti des nouvelles conditions climatiques". Il vise à protéger les personnes et les biens, éviter les inégalités devant les risques, limiter les coûts et préserver le patrimoine naturel. À partir du premier janvier, l’État déploie le fonds vert : les collectivités locales disposent de 2 milliards d’euros par an pour renforcer la performance énergétique des bâtiments publics locaux, prévenir les territoires des risques naturels (incendies de forêt par exemple) et améliorer le cadre de vie (covoiturage ou qualité de l’air). "Les préfets gardent la main en toute autonomie, les projets peuvent obtenir des financements très rapidement", s’enthousiasme Pascal Terrasse.

Plus réservé, le sénateur de la Loire-Atlantique Ronan Dantec, vice-président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, plaide pour une mutualisation obligatoire : "L’État réinvente en permanence des dispositifs financements qui ne correspondent pas au cadre." Sébastien Leroy, maire de Mandelieu-la-Napoule dans les Alpes-Maritimes, critique le "labyrinthe des normes" qui l’empêche d’adapter son territoire : "Il nous faut davantage de souplesse et de simplicité. Nous nous retrouvons confrontés à un système réglementaire pas adapté." L’élu aimerait avancer à marches forcées pour rendre son territoire résilient au plus vite. "90 % des initiatives restent bloquées ou paralysées à long terme. Nous manquons d’une vraie stratégie. Il faut réformer pour être capable d’agir sur le terrain", implore le maire victime de nombreuses inondations. 

Pascal Terrasse admet que l’État aide des projets sans se montrer contraignant : "Nous savons bien que nous serons amenés à prendre des décisions plus coercitives. Aujourd’hui ça reste très compliqué de faire des arbitrages : moins d’étalement urbain tout en protégeant nos zones de production agricole, besoin de zones industrielles." En conséquence, l’État s’adapte en réaction à des crises. Les pouvoirs publics évitent de reconstruire à l’identique sans s’attacher suffisamment à prévenir les risques, regrette notamment France Stratégie.

Pascal Terrasse suggère, à l’instar d’I4CE, de mettre en place un reflex adaptation pour toutes les politiques publiques, à tous les niveaux hiérarchiques. Il faudrait systématiquement se poser la question des conséquences du climat futur sur les investissements. "Au moment où je dépose mon certificat d’urbanisme, je dois avoir la certitude que ça n’aura pas ou peu d’impact sur le climat. Il faudrait un cahier des charges précis à ce sujet", défend le directeur général du CEREMA. "Intégrer maintenant l’adaptation au réchauffement climatique à nos politiques publiques nous coûte moins cher que si nous devons revenir là-dessus dans quelques années. Cette stratégie permettrait à l’État d’adopter une transition juste. Elle aiderait les populations les plus vulnérables et lutterait davantage contre l’anxiété climatique", abonde le rapport de l’I4CE.

Comment les assurances vont réagir face aux conséquences du changement climatique ?

Les questions d’adaptation demeurent nombreuses. La principale concerne peut-être la manière d’assurer les catastrophes naturelles. Pascal Terrasse confesse manquer de réponses : "Lorsqu’ils font leurs calculs, les assurances étudient les risques. Elles vont certainement arrêter d’en couvrir certains devenus trop coûteux. Comment l’État pourra jouer son rôle d’assurance public ? Que dire à des propriétaires de maisons englouties par des vagues-submersion ?" En d’autres termes, faut-il leur laisser prendre le risque et les prévenir que l’État ne les assurera pas ou leur interdire de bâtir ou d’acheter pour des raisons privées ou économiques ? Les débats devraient susciter beaucoup de réactions dans les prochains mois. Une chose est sûre, confirme Pascal Terrasse, "le fonds Barnier des préventions des risques naturels n’a d’ores et déjà plus assez d’argent pour les assumer tous".

Les collectivités locales démunies face au changement climatique

L’ONERC rappelle que l’État ne peut pas tout. Marie Carrega en appelle aux collectivités locales : "L’adaptation, c’est beaucoup de choix locaux à faire. Faut-il protéger une route qui risque la submersion ou la déclasser ? Ce n’est pas à l’État de décider." Pascal Terrasse ajoute que sans relais locaux, l’État ne peut rien faire. "Paris peut prendre les meilleures orientations, les territoires restent les laboratoires de l’adaptation au changement climatique. Transports collectifs, bio dans les cantines scolaires, zones à faible émission, etc. Or, les collectivités ne disposent pas toutes des mêmes moyens". Le groupe de réflexion de l’I4CE relève que "les plus petites ont besoin de s'appuyer sur des moyens nationaux, notamment en ingénierie technique. Pour l'instant, l'existence de standards et de points de comparaison manque alors qu'ils sont nécessaires pour progresser". L’Institut demande à l’État de soutenir davantage : "Il peut être difficile pour un maire de justifier le choix de ne plus construire, voire de déplacer des activités, s'il est isolé dans sa décision", reprend l’I4CE.

États et collectivités doivent encore régler leur horloge sur le fuseau horaire de l’adaptation au réchauffement climatique. Valérie Masson-Delmotte leur martèle que c'est le moment d'agir : "chaque décision compte".

Appel à projets !

Comme chaque année, Entreprises pour l’Environnement (EpE), TF1/LCI et les sponsors du Prix lancent leur appel à projets pour le Prix Jeunes pour l’Environnement doté de 19 000 €. Cette année, les moins de 30 ans sont invités à formuler des idées concrètes et inédites en répondant à la problématique suivante : "Relever le défi de l’adaptation au changement climatique : quelles solutions sobres et durables". Visant à limiter les impacts du changement climatique et les dommages associés, l’adaptation doit être sobre et durable, afin de répondre aux enjeux climat, ressources et biodiversité. Entre l’autonomie ou la transformation d’un système, les avis de toutes les parties prenantes sont nombreux et diversifiés. Et vous, qu’en pensez-vous ? Envoyez vos idées inédites ou solutions concrètes pour concilier transition écologique et technologies : prix.epe-lci@epe-asso.org. Dépôt des dossiers jusqu’au 20 mars 2022. 

Pour plus de précisions, rendez-vous sur le site dédié.


Geoffrey LOPES

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