INTERVIEW - Après une douceur exceptionnelle pour la saison, une intense vague de froid s'est abattue sur la France, mettant en péril les cultures et notamment les vignes. Un phénomène qui pourrait s'intensifier ces prochaines années, prévient Serge Zaka, docteur en agrométéorologie.
Il a été l'un des premiers à alerter sur la vague de froid qui était sur le point de s'abattre en France après une période particulièrement douce pour la saison. Pour Serge Zaka, scientifique engagé sein de l'entreprise ITK (Intelligence Technology Knowledge), qui propose des services connectés pour l'agriculture, ce type de phénomènes est amené à se répéter dans les années à venir. Ce docteur en agrométéorologie appelle le gouvernement à développer des outils pour les prévoir et limiter leurs impacts sur la production agricole.
C’est un épisode de gel inédit et il se chiffrera en milliards d'euros
Serge Zaka
Un tel passage du chaud au froid a-t-il déjà été observé auparavant ?
Ça fait partie de la variabilité de notre climat. Au printemps comme sur l’ensemble des saisons, dans notre climat tempéré, on observe toujours des hauts et des bas. Mais là, on est passé d’un record mensuel de chaleur en mars à un record mensuel de froid en avril, le tout sur cinq jours. C’est la baisse la plus brutale qu’on a observé au printemps depuis 1991. Mais ce qui s’est passé en 2021 dépasse 1991. On est sur un évènement de baisse de température inédit au printemps.
📈 🌡️15.64°C ➡️📉🥶5.06°C 🧐Nous avons exploré nos archives climatologiques... Un changement aussi soudain de T°C Moy, à l'échelle de la France, au mois d'avril, avec une telle amplitude (>10°C) est inédit depuis au moins 1947. ➡️Épisode mi-avril 1991 : 13.97°C à 5.83°C en 2j. https://t.co/HuP2XUkU5i pic.twitter.com/nqc522X1Za — Météo-France (@meteofrance) April 8, 2021
L’impact de cette vague de froid sur les cultures peut-il déjà se quantifier ?
À l’époque, en 1991, on avait chiffré à -30% de production sur l’ensemble du pays. -30%, c’est des milliards d’euros de chiffre d'affaires, c’est très conséquent. Cette année, puisque ça a concerné toute la France, on peut tabler sur des pertes de -30% à -50% au niveau national. Donc, là aussi, ce sont des dizaines de milliards d’euros qui sont en jeu. C’est un épisode de gel inédit et il se chiffrera en milliards.
C’est un épisode de gel inédit et il se chiffrera en milliards
Serge Zaka, docteur en agro-météorologie
Comment expliquez-vous ce phénomène ?
Certaines recherches ont montré que c'est la déformation du jet stream qui provoque ces écarts de température. Le jet stream, c'est un courant d'air en altitude qui tourne autour du globe, situé entre le Pôle Nord et l'Équateur. Il est circulaire autour de la Terre et, surtout, rectiligne. Le fait que le courant soit bien droit est dû à la différence de température entre le Pôle Nord et l'Équateur. Au Pôle Nord, il fait très froid, et à l'Équateur, il fait plus chaud. Mais avec le changement climatique, le Pôle Nord se réchauffe plus vite que l'Équateur. Par conséquent, la différence de température entre les deux zones devient plus faible, et donc la force produite par cet écart de température, qui permettait de maintenir le jet stream rectiligne, devient plus faible elle aussi. Au lieu que le jet stream soit bien rectiligne autour de la planète, il commence à former de petites vagues, c'est-à-dire des vagues de chaleur et de froid, d'où ces écarts de température assez importants. Problème, ces théories sont encore en cours d'étude, avec des technologies récentes. Quand on aura suffisamment de recul, on pourra vraiment dire si cette théorie est valable pour expliquer ces différences de température.
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Ces périodes vont-elles se répéter dans les années à venir ?
Les simulations agroclimatiques montrent qu'on a une probabilité de plus en plus importante d’avoir des phénomènes comme 2021 dans les années à venir. Il fera de plus en plus doux en hiver tout en ayant quelques pics de froid en avril. Sauf que ces pics de froid arrivent pile aux mauvais moments parce que la végétation a eu le temps de se développer tout le temps du mois de mars. Les végétaux débourrent plus tôt, c'est-à-dire que le bourgeon éclot plus tôt. Tout ce qui est dans le bourgeon se retrouve à l’air libre et dès qu’il y a une gelée au printemps, il se passe ce qu’il s’est passé cette semaine, tout brûle. C’est une tendance qui est inquiétante, décrite par les scientifiques - les agroclimatologues - depuis plus de 10 ans. Et maintenant, on n'est plus du tout dans la tendance mais dans la constatation.
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Devant l’urgence climatique, la crise démocratique, une société aux inégalités croissantes, certains ont décidé de ne pas rester les bras croisés, ils ont un coup d’avance, l’audace de croire qu’ils peuvent apporter leur pierre à l’édifice. Ils sont ce que l’on appelle des Changemakers.