Comment pousser les entreprises à véritablement oeuvrer pour un monde décarboné ?Fabrice Bonnifet, président du C3D, le Collège des directeurs du développement durable, plaide pour que le respect d'objectifs environnementaux devienne un critère essentiel dans la rémunération des grands dirigeants.Il nous livre son nouvel édito.
La performance globale en entreprise est souvent le reflet de son système de récompense. Avec les enjeux environnementaux qui s’exacerbent, de plus en plus de collaborateurs plus ou moins éco-anxieux recherchent un sens à leur travail, si possible avec un salaire décent et dans une entreprise qui contribue au bien commun. En revanche, pour nombre de dirigeants et mandataires sociaux de multinationales, la quête de sens s’assimile plus à une course folle vers des niveaux de rémunérations qui confèrent parfois à l’indécence, et au "quoi qu’il en coûte" pour le climat.
Au regard des urgences environnementales auxquelles nous faisons face et compte tenu de l’importance (affichée) des stratégies climat aux yeux des parties prenantes, la tendance est à la fixation de critères extra-financiers, pour motiver les "CEO" dans l’atteinte des objectifs de décroissance des émissions de gaz à effet de serre de leur entreprise. Le hic, c’est qu’en 2030, l'Institut de l'environnement de Stockholm (SEI) estime que les 1% les plus riches de la planète auront une empreinte carbone par habitant 30 fois supérieure à celle compatible pour limiter le réchauffement à 1,5°C, soit environ 69 tCO2/an.
Osons proposer l’attribution d’un "golden climat" aux dirigeants les plus efficaces pour maintenir les conditions de la vie sur Terre, qui pourrait représenter jusqu’à 30% du salaire fixe et 70% de la part variable
Fabrice Bonnifet
Inciter avec toujours plus d’argent à polluer toujours moins va vite devenir anachronique. Mais admettons, si cette pratique permet vraiment de faire baisser en continu les émissions de GES, la décarbonation d’une entreprise est indéniablement préférable à un excès de CO2 individuel. Cependant, tant que cette incitation à la dépollution ne représentera qu’un maigre pourcentage de la part variable (de 5 à 25% en moyenne) de la rémunération, les CEO les moins responsables auront beau jeu de maximiser les critères financiers pour compenser ce qu’ils ne pourront pas ou plus obtenir avec l’extra-financier.
Pour retrouver un peu de cohérence et de sincérité, il serait peut être temps de changer la façon de récompenser la performance de la création de valeur décarbonée. Osons proposer l’attribution d’un "golden climat" aux dirigeants les plus efficaces pour maintenir les conditions de la vie sur Terre, qui pourrait représenter jusqu’à 30% du salaire fixe et 70% de la part variable. Ce "golden climat" serait attribué, si et seulement si, le résultat financier progresse ou reste stable, tout en étant strictement corrélée à une baisse d’au moins 5% en absolu de l’empreinte carbone de l’entreprise sur les 3 scopes (1,2, 3a), par rapport à l’année de référence choisie.
Avec cette approche, les dirigeants réfléchiront à deux fois avant de se lancer dans une activité profitable à haute intensité écocide, ou alors ils vérifieront bien qu’ils disposent de la technologie ou du modèle économique adéquat pour garantir un découplage. Après l’ère de la démesure des "golden hello & parachute", formulons le vœu que les actionnaires qui actuellement apprécient les résultats de leurs "champions" lors des Assemblées Générales finissent par promouvoir les
"golden climat", qui sont les seuls à pouvoir concilier durabilité du business et décarbonation, quitte à sacrifier un peu de lucrativité à court terme.
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