Notre planète

Incendies au Canada et en Russie : la forêt boréale, "bombe à retardement" du climat

par Annick BERGER avec AFP
Publié le 9 mai 2023 à 15h05, mis à jour le 9 mai 2023 à 15h21
JT Perso

Source : JT 20h WE

Le Canada et la Russie sont touchés par d'importants incendies en ce début du mois de mai.
Des feux qui touchent notamment la forêt boréale dans le nord des deux pays.
Et qui pourraient transformer ce puits de carbone en véritable bombe climatique.

Des dizaines de milliers d'évacués, près de 400.000 hectares brûlés et des installations pétrolières à l'arrêt dans l'ouest du Canada ; un mort et l'état d'urgence décrété dans la région sibérienne en Russie. Depuis plusieurs semaines, des incendies "sans précédent" ravagent les deux pays, touchant notamment la forêt boréale, un anneau de verdure qui encercle l'Arctique et particulièrement vulnérable au changement climatique dû à l'activité humaine.

Puits de carbone en danger

Depuis 20 ans, les incendies dans ce puits de carbone vital pour la planète sont en hausse, mettant à mal son rôle dans la réduction des gaz à effet de serre dans l'atmosphère. En 2021, une année particulièrement exceptionnelle dans la forêt, une quantité record de dioxyde de carbone a été relâchée lors d'importants feux, selon une étude publiée en mars dernier dans la revue Science

Des feux qui, comme cette année, ont été alimentés par des conditions plus sèches et chaudes et qui ont conduit la forêt boréale à relâcher du gaz à effet de serre dans l'atmosphère, contribuant ainsi au réchauffement de la planète, alimentant alors les incendies dans l'anneau de verdure en un cercle vicieux inquiétant.

Lire aussi

Une situation qui met en danger les efforts concernant le changement climatique, alertent d'ailleurs les scientifiques, car la Taïga, et qui s'étend sur le Canada, la Scandinavie, la Russie et l'Alaska, stocke deux fois plus de carbone que l'ensemble des forêts tropicales du monde. En général, environ 80% du carbone relâché par les feux est ensuite ré-absorbé par la végétation qui repousse la saison suivante. Mais 20% reste dans l'atmosphère, contribuant à l'accumulation de CO2. Et avec la multiplication des incendies, cette part pourrait augmenter : les plantes n'ayant plus le temps de se régénérer, la forêt pourrait ne plus absorber ce CO2. 

Une éventualité qui serait catastrophique pour la planète : en 2021, les incendies boréaux ont émis pas moins de 480 millions de tonnes de carbone, soit l'équivalent de 1,76 milliard de tonnes de CO2. Un record. À titre d'exemple, cela représente approximativement le double des émissions liées à l'aviation en 2021 ou encore les émissions aux combustibles fossiles du Japon, le cinquième pays le plus émetteur au monde.

Des effets sur le permafrost et les bactéries

D'autant qu'avec le changement climatique, les incendies ne sont pas les seules menaces pour la forêt boréale et son rôle de puits de carbone. Les vagues de chaleur extrême, désormais cinq fois plus probables qu'il y a un siècle et demi, frappent particulièrement les régions septentrionales, dont la zone boréale, les températures y augmentant deux à trois fois plus vite que sur l'ensemble de la planète. Et si les incendies sont l'une des manifestations extrêmes de la hausse des températures, ses conséquences sont plus vastes encore. 

Outre le dégel du permafrost qui entraîne des émissions de dioxyde de carbone et de méthane - des gaz à effet de serre qui accélèrent le réchauffement climatique - la forêt s'assèche depuis des années, faisant craindre aux scientifiques un "phénomène d'emballement" qui pourrait faire perdre à cet anneau de verdure son statut de puits de carbone.

À ce stade, la question de savoir si la forêt boréale peut atteindre un "point de basculement", seuil climatique au-delà duquel la libération de CO2 et de méthane est inéluctable et le changement de l'écosystème irréversible. Si la question n'est pas tranchée dans les milieux scientifiques, les chercheurs espèrent que cet écosystème pourra, une fois de plus, s'adapter, pour éviter de se transformer en bombe climatique.


Annick BERGER avec AFP

Tout
TF1 Info