Ressources naturelles : la France dépasse les bornes du bon sens

par Fabrice BONNIFET
Publié le 9 mai 2023 à 18h25, mis à jour le 9 mai 2023 à 18h37

Source : Sujet TF1 Info

La France a déjà atteint son "jour du dépassement" en ce début mai.
Fabrice Bonnifet, président du C3D, le Collège des directeurs du développement durable, nous livre son nouvel édito.

Triste jour pour la France que le 5 mai 2023, qui correspond à la date à laquelle tomberait le #jourdudépassement de la Terre, si toute l'humanité consommait comme nous. Plus concrètement, en supposant que les citoyens du monde puissent adopter notre mode de vie, c’est l’équivalent de 2,9 Terres en ressources qui seraient nécessaires pour approvisionner la world economy. Malgré la taille conséquente de la biocapacité de notre pays, il faudrait 1,9 France pour régénérer ce que la population française consomme actuellement. Nous savons que les 11 millions de Français qui peinent à boucler leur fin de mois ont bien du mal à se projeter sur l’enjeu de la fin du monde, mais c’est aussi pour cela qu’il convient de remettre en question notre modèle de développement encore basé sur le toujours plus, pour le flécher sur le toujours mieux. 

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La France, pas plus que les autres pays dit développés, doit cesser de considérer qu’il est moralement possible de vivre près de deux fois au-dessus de son capital naturel, et donc à crédit de la biosphère. En attendant que l’ami Elon Musk colonise Mars pour y ponctionner ses réserves et que l’Intelligence Artificielle remplisse notre réfrigérateur, il va nous falloir apprendre urgemment à diminuer les pressions que nous exerçons sur l’environnement.

Le projet de loi sur l’industrie verte va-t-il nous remettre sur le chemin du bon sens ? On peut en douter lorsqu’on découvre un article visant à favoriser l’utilisation des matières premières recyclées entre les entreprises et au sein de plateformes industrielles. Attention à l’application de cette idée qui semble vouloir faire perdurer, via le recyclage, une économie circulaire de flux très énergivore, alors que nous avons surtout besoin d’une économie circulaire basée sur l’intensité d’usage des produits et donc sur le réemploi, seule génératrice de sobriété dans l’extraction des matières premières primaires. 

Également oubliée de la loi en l’état, la préservation de la biodiversité au service de l’agriculture pourrait se traduire par bannir l’importation et l’exportation de produits non issus d’un mode de production régénératif pour les écosystèmes naturels, parce que gagner de l’argent en polluant n’est plus acceptable. Dans le dernier documentaire Sur le Front de Hugo Clément, un agriculteur adepte de l’agroécologie résume crument, mais de manière lucide, la situation actuelle : "En France, on exporte de la qualité et on importe de la merde". Ces postulats apparaîtront comme naïfs aux économistes, mais c’est exactement ce que réclament les scientifiques à l’origine du Jour du dépassement. 

 

Alors que les conflits d’usage de l’eau, des sols, des ressources minérales se multiplient partout dans le monde, quand comprendrons-nous que nous devons ralentir le non-essentiel pour garantir l’essentiel ? Comme le bon sens est un don peu distribué, les nations se sont accordées à établir des règles économiques écocidaires, érigées en religion de l’illusion, pour suppléer leur manque de raison !


Fabrice BONNIFET

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