L'AFFAIRE DU SIÈCLE - Lasses d'attendre un sursaut écologique de la part du gouvernement, quatre ONG entament une procédure de recours en justice contre l'Etat. Elles lui reprochent son inaction face au changement climatique et le non-respect de ses obligations en la matière. Cécile Duflot, directrice d'Oxfam France, nous explique la démarche.
Ils l'ont appelé "l'affaire du siècle" : quatre associations françaises ont décidé de mettre l'Etat sur le banc des accusés pour son inaction face au changement climatique. La première étape de ce recours en justice s'est déroulé ce mardi 18 décembre avec le dépôt d'une demande préalable au Premier ministre ainsi qu'à 12 ministres dont François de Rugy et Bruno Le Maire. Les quatre ONG - Oxfam France, la Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France et Notre Affaire à Tous espèrent ainsi contraindre le gouvernement français à agir vite et à protéger ces citoyens.
Ailleurs dans le monde, des citoyens d'une quinzaine de pays ont déjà attaqué leur propre Etat pour les contraindre à prendre des mesures environnementales. En France, Damien Carême, le maire écologiste de Grande-Synthe a été le premier, au nom de sa collectivité territoriale - a porté plainte. Cette fois, c'est la société civile française qui s'empare du sujet. Au-delà des associations, de nombreuses personnalités comme Marion Cotillard, CYR!L ou Juliette Binoche, ont affiché leur soutien à ce recours en carence fautive, notamment par le biais d'une vidéo (à voir ci-dessous).
Après réception de la demande préalable indemnitaire, l'Etat a maintenant deux mois pour répondre et prouver qu'il répond à ses obligations de lutte contre le changement climatique. "Cette demande fait partie du processus obligatoire afin de déposer le recours. Elle dit : ‘voilà les fautes de l’Etat que nous avons constaté, nous vous demandons action et réparation’", détaille Cécile Duflot, directrice d'Oxfam France. "En l’absence de réponses concrètes de l'Etat sur ces manquements, dans deux mois, nous porterons l’affaire devant le tribunal administratif."
LCI - Quelles sont ces fautes de l'Etat, concrètement que lui reprochez-vous ?
Cécile Duflot - L’Etat français a pris des engagements pour limiter ses émissions de gaz à effet de serre, pour développer les énergies renouvelables, pour faire en sorte qu’on change de modèle. Il s'est engagé à différents niveaux, au niveau international (avec l'accord de Paris par exemple), au niveau européen (avec le Paquet énergie-climat) et au niveau national (avec le Grenelle de l'environnement). Mais, pour l’instant, les politiques menées ne permettent pas d’atteindre ses objectifs.
La France est très loin de respecter les engagements qu’elle s’est elle-même fixée. On peut parler de l’engagement en matière de financement pour le climat dans le cadre du fonds vert (les montants promis en 2011 n'ont jamais été atteints, ndlr). En termes de gaz à effet de serre, la réalité est encore plus terrible, les émissions ne diminuent pas, au contraire. Elles ont augmenté en 2016 et en 2017. Ce n’est plus acceptable, on s’est engagé et on sait qu’on doit les réduire si on veut essayer de limiter le dérèglement climatique à plus de 2 degrés.
Ce procès peut-il vraiment changer les choses ou est-ce surtout symbolique ?
Cécile Duflot - Ce n'est pas du tout symbolique, le but c’est l’action. On a pour ambition de gagner. Aujourd’hui les mobilisations citoyennes, les manifestations, les pétitions ou encore la participation aux négociations lors des conférences internationales ont montré leur limite puisque les Etats n’agissent pas. Cette action est un nouveau mode de mobilisation pour les citoyens. La France ne tient pas ses engagements, donc il faut la contraindre à le faire. Quand un citoyen fait une faute, il peut être puni, et bien de la même façon, nous souhaitons que l’Etat français soit contraint à agir par cette décision juridique, par tout le travail que nous avons fait pour que ce recours soit solide et prouve qu’il faut passer à l’acte.
Concrètement, si la France est condamnée, qu'est-ce qui pourrait changer ?
Cécile Duflot - On peut obtenir des dispositions juridiques contraignantes, c’est-à-dire des lois, des règlements, des décisions de politique fiscale qui engagent la transition écologique. On peut imaginer une obligation de changement de mode de production d’énergie et espérer avoir vraiment 23% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique d’ici 2020 – un engagement qui n’est actuellement pas du tout tenu, on n’est même pas à 15% fin 2018.
On voit bien qu’il y a des choses à faire et des choses possibles. Et ça n'a que des avantages. Si on décide de lutter résolument contre le dérèglement climatique, c’est moins coûteux que le "laisser faire", c’est socialement plus juste parce que ceux qui souffrent le plus du dérèglement climatique, ce sont les plus vulnérables - dans le monde mais aussi en France. Et c’est techniquement possible. Il n’y a rien qui s’y oppose, à part la volonté politique. Et comme cette volonté politique n’existe pas, on espère que c’est le juge qui contraindra les politiques.
Ces initiatives venaient de citoyens, ont-il aussi un rôle à jouer dans votre démarche ?
Cécile Duflot - Pour des raisons juridiques et administratives, il fallait que ce soit des ONG comme les nôtres qui formalisent les termes du recours mais nous le faisons au nom des citoyens, c’est d’ailleurs l’objet social de nos organisations. C’est pour cela que nous l’avons appelé "l’Affaire du siècle". Nous invitons tous les citoyens à soutenir ce recours à l'aide d'un formulaire disponible en ligne. Nous espérons qu’il y ait des centaines de milliers voire même des millions de citoyens qui signeront. Cela permettra de porter le recours de façon très large.
Comme Jean-François, soutenez #LaffaireDuSiecle . Parce qu' #IlestEncoreTemps , parce que le temps presse. ➡ https://t.co/7wYXV7jnen pic.twitter.com/aK3mXyEyjv — Greenpeace France (@greenpeacefr) 18 décembre 2018
Des réussites au-delà de la France
La France n'est pas la première puissance à voir son Etat être attaqué par des membres de la société civile. Ainsi, aux Pays-Bas, la fondation Urgenda, soutenue par près de 900 citoyens, ont attaqué l'Etat en 2015 "pour que ce dernier revoie à la hausse ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 17 à 25%", a expliqué le collectif d'ONG en conférence de presse. "Le tribunal de La Haye leur a donné raison", une décision qui a entraîné derrière elle l'adhésion de plusieurs partis politiques. "Ils ont planché ensemble sur la loi la plus ambitieuse des pays développés en imposant 95% de réduction d'ici 2050.
Beaucoup plus loin de nous, au Pakistan, l’action en justice d’un fils d’agriculteurs a amené la justice à mettre en place "un Conseil climatique - composé de représentants de ministères clés , d'ONG et d'experts techniques - chargé de veiller à la mise en œuvre des objectifs climatiques." Et de l'autre côté de l'Atlantique, 25 jeunes Colombiens "ont fait reconnaître par la Cour suprême la nécessité d’agir contre la déforestation en Amazonie et pour la protection du climat."
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