La lutte pour la biodiversité, un marathon qui doit se courir à la vitesse d’un 100 mètres

par Fabrice BONNIFET Fabrice Bonnifet
Publié le 13 septembre 2021 à 14h45
La lutte pour la biodiversité, un marathon qui doit se courir à la vitesse d’un 100 mètres

ÉDITO - Si vous lisez cet article, c’est que vous connaissez l’existence de la crise écologique. Mais sommes-nous vraiment conscient de sa gravité ? Fabrice Bonnifet, président du C3D, le Collège des directeurs du développement durable, nous livre son analyse et appelle à l'action.

Le Congrès mondial de la nature (UICN) qui vient juste de s’achever nous a douloureusement rappelé que chaque jour, la nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l’histoire. Alors que la population humaine a doublé en 50 ans, on déplore trois fois moins d'animaux sur terre. 

Les chiffres sont effrayants, les populations de mammifères, d’oiseaux, d’amphibiens, de reptiles et de poissons se sont effondrées de 68% au niveau mondial... Sur la liste rouge de l'UICN, pas moins de 35.843 espèces animales sont aujourd'hui vulnérables ou en danger critique de disparition à travers le monde. Les tendances montrent que nous sommes de 100 à 1000 fois au-dessus des taux normaux d'extinction. Si l'augmentation de l’anéantissement se poursuit à cette vitesse, l’espèce humaine deviendra de plus en plus vulnérable au fur et à mesure de son omnipotence, l’absence de biodiversité étant une des premières causes des zoonoses. 

C’est bien sûr notre addiction aux énergies fossiles et au modèle économique prédateur du vivant qui en a découlé qui a provoqué cet effondrement. Nous n’arriverons pas à le stopper sans résoudre en même temps la crise climatique et les inégalités sociales associées. Des mesures complémentaires, pour sauver le climat et le vivant, doivent être prises immédiatement et simultanément, car les deux enjeux se combinent tout en requérant des actions spécifiques. Tant pour le climat que pour la biodiversité, il est vital d’arrêter de faire semblant d’agir, puis de faire ce qui est nécessaire. C’est-à-dire ce que dicte la science et pas seulement ce qui semble possible aux yeux des partisans d’un hypothétique équilibre des enjeux de la finance et de l’environnement. 

Nous savons que cette chimère est déséquilibrée, car lorsque les prix du tangible et la valeur de l’immatérielle sont mis en perspective, la rationalité cupide du court terme l’emporte toujours sur l’émotionnel du long terme. Et pourtant, comme le GIEC l’a rappelé récemment dans son dernier rapport paru le 9 août, la fenêtre d’action climatique est désormais très étroite. À la cadence actuelle des émissions de GES, l’humanité aura épuisé dans le courant des dix prochaines années son budget carbone prévu pour l’horizon de la fin du siècle. Dès 2030, nous risquons donc fort d’entrer dans des phénomènes dramatiques d’emballement climatique associés à des seuils d’irréversibilité qui pour certains ont déjà été atteints. Rappelons que si l’espèce humaine partage avec quelques rares espèces une forte capacité d’adaptation qui a aussi ses limites, il n’en est pas de même pour l’essentiel des autres espèces qui n’auront pas le temps de s’adapter au changement climatique en si peu de temps.   

Heureusement il existe des solutions concrètes dans presque tous les domaines pour créer de la valeur autrement, c’est-à-dire en prenant en compte l’indispensable respect de ce qui n’apparait pas (encore) dans le bilan des entreprises : le capital naturel !

Fabrice Bonnifet

Alors que faire pour agir vraiment ? Embrasser les vieilles lunes d’un développement faussement durable déconnecté de l’amour de la vie, de toutes les formes de vie ? Non, nous avons besoin d’une RSE au service d’un développement véritablement durable parce que cohérent avec les 9 limites planétaires. La RSE ne permettra pas aux entreprises de concilier durabilité tout en apportant toujours plus de rentabilité. Cela peut arriver mais ne soyons pas naïf, la durabilité a un coût, mais continuer d’ignorer l’urgence coûtera bien plus cher encore. Un développement durable lucide n’est pas une garantie de sur-profitabilité, c’est avant tout une assurance vie, tout simplement. La RSE ne favorise pas non plus la "croissance verte". Bien entendu certaines ruptures technologiques provoquent des découplages ponctuels entre la création de richesse matérielle et les émissions de CO2, mais sans volonté d’extrême sobriété, les effets rebond auront vite fait de compenser en volume ce que nous gagnerons en intensité. Enfin non la RSE n’est pas qu’un sujet de reporting aussi pertinent soit-il, c’est une boussole pour aligner les modèles d’affaires avec la préservation des écosystèmes, tout le reste est anecdotique.

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Toutes les activités humaines ont un impact indéniable sur l’environnement en général, sur les consommations de matières premières et d’énergies, et elles participent à l’artificialisation des sols et à la déforestation en particulier. Le nier serait irresponsable. Mais heureusement il existe des solutions concrètes dans presque tous les domaines pour créer de la valeur autrement, c’est-à-dire en prenant en compte l’indispensable respect de ce qui n’apparait pas (encore) dans le bilan des entreprises : le capital naturel ! 

Et ces solutions, les entreprises du réseau C3D, qui vient d’accueillir son 218ème membre, sont en train de les mettre en œuvre concrètement. À nous désormais d’amplifier encore la pédagogie de la responsabilité auprès des parties prenantes, afin qu’elles comprennent que le mieux disant du point de vue de la RSE n’est plus une option, car le moins disant égoïste qui domine encore nous conduit dans une impasse écocide. Restons vigilant avec les engagements et les belles paroles prononcées à la tribune du Congrès de l’UICN qui ne doivent plus nous endormir, car les mauvaises habitudes de l’économie de la prédation reviennent toutes seules, alors que les bonnes n’arrivent que lorsqu’on s’en occupe vraiment et durablement. Soyons donc persévérant dans notre effort de transition, car le combat en faveur du climat et de la biodiversité est un marathon qui doit se courir à la vitesse d’un 100 mètres !


Fabrice BONNIFET Fabrice Bonnifet

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