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La Norvège est-elle le plus grand chasseur de baleines au monde ?

Publié le 15 août 2022 à 15h24

Source : JT 20h WE

Après l’euthanasie du morse Freya, la Norvège est attaquée par les associations de défense des animaux.
Selon l’ONG Sea Shepherd, le pays est celui qui chasse le plus de baleines chaque année.
C’est vrai : en 40 ans, plus de 15.000 mammifères marins ont été capturés et tués dans le pays.

La mort de Freya, la femelle morse vedette du port d’Oslo, a ému l'Europe. L’euthanasie du mammifère, décidée dimanche 14 août par les autorités norvégienne, a valu au pays scandinave d'être interpellé à propos d'une autre tradition locale décriée : la chasse à la baleine. "La honte absolue pour la Norvège qui en plus d’être le pays qui tue le plus de baleines au monde, n’hésite pas à tuer un animal protégé au lieu de faire respecter les distances par les curieux", a ainsi dénoncé l’association Sea Shepherd, peu de temps après que l’information a été rendue publique.

La Norvège tuerait donc plus de ces cétacés que le Japon par exemple, et ce malgré l’interdiction mondiale de leur capture. C’est ce qu’a révélé un rapport de trois ONG, Animal Welfare Institute, OceanCare et Pro Wildlife, et intitulé "Comment la Norvège moderne s’accroche à son passé baleinier". Publié en 2016, le rapport explique que "la Norvège est discrètement devenue la principale nation baleinière du monde, tuant plus de baleines au cours des deux dernières années que le Japon et l'Islande réunis". Concrètement, entre avril et août/septembre, les baleiniers commerciaux s’en prennent aux petits rorquals, espèce très répandue dans les eaux norvégiennes, au large de l'archipel du Svalbard et de l'île de Jan Mayen. 

Au total, entre 2006 et 2015, "un total de 5617 baleines ont été tuées en Norvège, contre 1199 baleines en Islande et 5436 au Japon, ce qui fait de la Norvège la première nation baleinière". Le pays a repris la chasse à la baleine à visée commerciale en 1993 et s'était opposé avant cela au moratoire de la Commission baleinière internationale (CBI), interdisant la pratique en 1985. Aujourd'hui, il est d’ailleurs le seul à y déroger avec l’Islande et le Japon. Depuis, plus de 15.000 de ces animaux ont été chassés et tués par les baleiniers norvégiens. Et le pays fixe lui-même ses quotas. Entre 2006 et 2015, ils ont d’ailleurs explosé, passant largement la barre des 1000 baleines capturées chaque année, selon le tableau situé en cinquième page du rapport.

2021, année record après 2016

Le gouvernement mise donc toujours financièrement sur les baleines, qu’il continue à exporter, et le justifie par le fait que leur chasse est "soigneusement réglementée", "ne menace pas la population" et implique "une mise à mort rapide et douce". Or, la presse norvégienne rejette la rhétorique en démontrant que la capture est loin d'être indolore pour ces mammifères marins. Autre argument avancé par les autorités : chasser des baleines permettrait de garantir la survie d’autres espèces et donc de préserver l’écosystème des océans. Là aussi, associations et institutions réfutent l'hypothèse. La CBI le développe par exemple dans un récent rapport : ces espèces capturent du CO2 au cours de leur vie et en mourant naturellement, elles coulent au fond de l’océan, ce qui a pour effet de ne pas libérer ce réservoir de carbone.

Depuis les années 2014 et 2015, rien n’a véritablement changé en Norvège. Le pays scandinave reste le pays qui chasse le plus de baleines au monde, alors que le mouvement inverse s’opère en Islande. Après trois ans sans chasse, le ministre de la pêche islandais a émis l’hypothèse d’une fin définitive de la pratique, n’en tirant pas d’importants bénéfices économiques. Au mois d’avril, le dernier baleinier en activité dans le pays ramenait son premier animal de la saison, le seul depuis près de quatre ans. Le Japon, lui, a repris officiellement la chasse commerciale à la baleine en 2019. Cette année-là, il tuera 331 cétacés.

En Norvège, les quotas ont certes été abaissés par les autorités. En 2022, le gouvernement a de nouveau donné son feu vert pour tuer un maximum de 917 mammifères marins pour la saison. Soit 361 de moins que la limite fixée en 2021, selon le communiqué. Mais d’après l’ONG britannique Whale and Dolphin Conservation (WDC), "la réduction du nombre de quotas est en grande partie dénuée de sens. Les quotas complets n'ont pas été atteints ces dernières années, mais des centaines de baleines sont encore abattues, mettant souvent beaucoup de temps à mourir".

L’année dernière, le record de 2016 a même été battu, avec 575 baleines chassées et tuées, d’après les chiffres de l’Organisation norvégienne de vente des pêcheurs relayés par WDC. Une véritable hérésie pour les ONG, tandis que la demande n’a jamais été aussi faible. Du moins dans le pays : seuls 2% des Norvégiens déclarent désormais manger souvent de la viande de baleine, contre 4% en 2019. 

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Caroline QUEVRAIN

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