ENVIRONNEMENT - La sécheresse a durement frappé la France l'été dernier. Le ministre de l'Agriculture s'était alors engagé sur des "retenues d'eau". Un sujet qui oppose agriculteurs et défenseurs de l'environnement.
En prison pour de l'eau ? Plusieurs mois de détention ont en tout cas été requis, vendredi 3 juillet à Agen, contre deux dirigeants de la Chambre d'agriculture du Lot-et-Garonne, jugés pour la construction illégale d'une "retenue d'eau à fin d'irrigation", un ouvrage que des associations de défense de l'environnement contestent depuis deux ans. Le parquet a plus exactement demandé neuf mois d'emprisonnement pour Serge Bousquet-Cassagne, président de la Chambre d'agriculture départementale, et huit pour Patrick Franken, son vice-président et ex-président de la Coordination rurale (CR, majoritaire).
Les "retenues d'eau" ? En fait un prélèvement dans les nappes phréatiques, visant à offrir des bassins de rétention, dits "bassines", aux agriculteurs frappés par les sécheresses, que les écologistes jugent inacceptables... On rembobine. "On ne va pas regarder la pluie tomber du ciel pendant six mois et la chercher les six autres mois de l’année", avait lancé, fin août 2019, le ministre de l’agriculture, Didier Guillaume, en annonçant la mise en place d’une soixantaine de retenues d’eau sur le territoire entre 2019 et 2022, pour mieux gérer l’irrigation des terres agricoles "Il s’agit de capter l’eau de pluie, de la retenir dans des retenues 'collinaires', pour pouvoir la restituer après dans les sols lorsqu’il y a sécheresse", avait-il ensuite détaillé.
Les nappes souterraines, nerfs de la guerre
Problème : ce système, pompant les ressources des nappes souterraines, profitables à tout un chacun, viserait à soutenir l’agriculture jugée intensive, au détriment de la biodiversité. C'est du moins ce qu'avancent les militants écologistes, vent debout contre ces projets, au point de les porter devant les tribunaux administratifs. Les caméras de TF1 se sont posées dans le département des Deux-Sèvres, particulièrement emblématique, dans la mesure où il concentre 13 de ces retenues d'eau.
"La problématique, c'est que quand on met en place une agriculture au printemps, on ne sait pas de quelle quantité d'eau on disposera en été. Et là on nous dit qu'on devra utiliser 40% de notre volume en moins. Alors moi, avec mes haricots qui sont semés, comment je fais pour aller au bout ?", pose Thierry Géant, cultivateur à Amuré, qui vient de passer au bio pour ses champs de maïs, et a donc d'autant plus besoin d'eau en été.
Une "arnaque intellectuelle" ?
Thierry Boudaud, président de la Coopérative de l'eau 79 à Vouillé, affirme, lui, que la situation est gérable, et voudrait même construire 16 retenues supplémentaires : "Sur les territoires concernés par le projet, cet hiver, il a plu un milliard de mètres cubes. Il nous en faut 6,8 millions pour remplir les 13 retenues, et sécuriser l'agriculture du territoire." Des compteurs mesurent, en outre, très exactement les volumes d'entrée et de sortie d'eau, argue ce promoteur. "Les projets ont été revus à la baisse, pour une préservation des ressources en eau, avec des engagements environnementaux", comme la plantation de haies bocagères, appuie le préfet du département, qui annonce sur TF1 un arrêté préfectoral dédié dans les prochains jours.
En face, le collectif "Bassines non merci", rassemblant tous les opposants locaux, ne désarme pas pour autant. "Le préfet sait que, dès lors qu'il aura publié son arrêté, il sera attaqué par les associations qui protègent vraiment la nature. Le protocole annoncé, c'est une arnaque intellectuelle, il veut habiller de vert une pratique agricole en fait ancestrale", tonne Julien Leguet, membre de ce collectif. Qui n'ignore pas que, non loin de là, en Charente-Maritime, la justice vient de s'opposer à pareil projet.
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