Selon des affirmations en ligne, la fonte des glaces se serait inversée au Groenland depuis cinq ans.Il n’en est rien, le phénomène s’est même accéléré, selon les récentes observations satellites.
Malgré l’état des connaissances, certains n’y croient toujours pas : la fonte des glaces ne serait pas aussi terrible qu’il n’y parait. Mieux, le phénomène se serait même inversé depuis cinq ans au Groenland, selon un tweet. Cette île, presque entièrement recouverte de glace située au nord de l’Islande, aurait "accumulé des quantités de glace inhabituellement importantes au cours de cinq des dernières années observées". Ce serait "près de 600 milliards de tonnes de nouvelle glace (qui) se sont accumulées depuis le 1er septembre 2022".
Des "climato-réalistes" qui nient la réalité du climat
Cette affirmation provient d’un compte suivi par 46.000 personnes, qui se revendique comme "climato-réaliste" mais qui se retrouve surtout à nier le changement climatique en cours. Elle est également reprise côté français, par le compte "Associations des Climato-Réalistes", qui affiche peu ou prou la même sensibilité. L’argument se fonde sur un graphique du Polar Portal, un institut danois de surveillance de l’Arctique, montrant l’accumulation chaque mois du bilan de masse de surface (SMB, Surface Mass Balance) au Groenland.
Ce bilan correspond à la somme entre les gains de neige et les pertes de glace à la surface de la calotte glaciaire du Groenland. Il serait donc en augmentation continue depuis le mois de septembre dernier, déjouant ainsi toutes les prévisions alarmistes des scientifiques. Mais affirmer cela est plus que trompeur.
D’abord, ce que montre le graphique est vrai, mais n’a rien de surprenant. D’ailleurs, il vient directement des données du Polar Portal, qui est une source fiable. Ce que nous explique Heïdi Sevestre, glaciologue : "En hiver il neige au Groenland, c’est donc normal que le bilan de masse de surface soit positif pendant ces mois représentés sur le graphique." Ce bilan à la hausse, réalisé entre septembre et mai, correspond à la période où la calotte glaciaire accumule de la glace grâce aux chutes de neige. C’est seulement à la fin du printemps, lorsque les températures montent, que celle-ci commence à en perdre plus qu’elle n’en gagne. Et ce, jusqu’à l’automne.
Heïdi Sevestre l’atteste, plusieurs phénomènes sont ici passés sous silence et causent pourtant la fonte des glaces, comme le vêlage d’icebergs qui renvoie au détachement des glaciers. Seul un pan de la réalité est alors décrit par ce graphique, mis en avant sur Twitter. Le Polar Portal avertit lui-même, le bilan de masse de surface "est toujours positif au cours d'une année car toutes les chutes de neige ne s'écoulent pas à nouveau de la calotte glaciaire". Il diffère surtout du bilan de masse total, l’indicateur à suivre pour savoir si la surface du Groenland a diminué ou non. Ce dernier bilan "comprend également la masse perdue lorsque les glaciers se détachent des icebergs, la fonte des langues glaciaires lorsqu'elles entrent en contact avec l'eau de mer et les effets de frottement et autres au bas de la calotte glaciaire".
271 milliards de tonnes de glace par an disparaissent
Résultat, le Groenland perd plus de masse glaciaire qu’il n’en gagne. Et ce depuis 26 ans, d'après le site spécialisé Carbon Brief. S’il a accumulé depuis septembre 2022 plus de 600 milliards de tonnes de glace grâce aux chutes de neige, il en perdra davantage ensuite. Il est cependant trop tôt pour dire combien, mais 271 milliards de tonnes de glace disparaissent en moyenne chaque année au Groenland, selon les données satellites de la NASA.
Et le phénomène s’accélère plus vite que prévu. Ainsi, le Groenland est "irréversiblement engagé à reculer d'au moins 59.000 kilomètres carrés, une zone considérablement plus grande que le Danemark", souligne le glaciologue Alun Hubbard dans The Conversation. Pour rappel, plus la calotte glaciaire du Groenland fond, plus le niveau des océans augmente. Ce qui représente un défi majeur puisque, comme le rappelle Heïdi Sevestre, "le Groenland contient assez de glace pour augmenter le niveau des océans de 6 à 7 mètres". En résumé, la fonte des glaces ne s’est malheureusement pas inversée, comme le laissent entendre certains comptes climatosceptiques. Elle tend même à s’amplifier avec le niveau des émissions de CO2 et le changement climatique.
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