Le plastique d'origine végétale est-il vraiment écologique ?

par Charlotte ANGLADE
Publié le 5 décembre 2019 à 18h52

Source : JT 20h WE

ALTERNATIVE - Le plastique est mort, vive le plastique ! Pour assurer la relève du plastique pétrochimique, de plus en plus décrié, le plastique biosourcé, fabriqué le plus souvent à partir de matière végétale, se développe. Mais est-il aussi écologique qu'il en a l'air ? Nous avons posé la question à l'Ademe ainsi qu'à la fédération des acteurs du recyclage.

Jouets, vaisselle, électroménager, meubles... Depuis sa mise au point à la fin du XIXe siècle, le plastique est devenu omniprésent. Nous en produisons aujourd'hui chaque année près de 400.000 tonnes. Un temps considéré comme révolutionnaire pour sa légèreté et son faible coût de production, le plastique est désormais davantage vu comme une source de pollution majeure. En 2016, 4,5 millions de tonnes de déchets plastiques ont été produits, rien qu'en France. Seuls 26% de ceux-ci sont recyclés.

Face à cela, le plastique biosourcé, issu de ressources renouvelables qui peuvent être végétales ou animales, peut représenter une lueur d'espoir. Inventé il y a un siècle, il suscite un regain d’intérêt depuis le début des années 2000. Certaines marques de produits laitiers, d'hygiène ou alimentaires font de son utilisation un argument de vente, avançant ses qualités environnementales. Les sacs d'emballage à usage unique de fruits et légumes mis à disposition par les commerçants, eux, ont tous été remplacés, en France, par des sacs biosourcés et compostables depuis le 1er janvier 2017. 

Pour autant, l'utilisation de ce type de plastique, compostable ou non, reste encore marginale, les freins à son utilisation à plus large échelle étant nombreux. Et sa dimension écologique pose question.

Le plastique biosourcé, un plastique comme un autre ?

Fabriqué à partir d'amidon de maïs, ou encore de fécule de pomme de terre, le plastique biosourcé est souvent perçu comme une matière naturelle et écologique. Une vision qui peut être erronée, avertit Virginie Le Ravalec, ingénieure des produits biosourcés à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), interviewée par LCI. "Un produit biosourcé ne veut pas forcément dire qu'il est inoffensif et sans impact pour l’environnement. Cela signifie simplement que la matière est issue de la biomasse."

Les procédés de fabrication du plastique biosourcés, eux, sont similaires à ceux utilisés pour le plastique pétrochimique. Ils peuvent donc être plus ou moins écologiques. En manipulant les molécules de végétaux, l'Homme est capable de produire exactement les mêmes molécules que celles du plastique pétrochimique. Sur le marché, on retrouve donc différentes résines comme du PET (polyéthylène terephthalate) ou encore du PE (polyéthylène) biosourcé. "S'il est désormais possible de substituer du plastique d’origine pétrochimique par du plastique d’origine végétale, il s'agit toujours de plastique", souligne notre interlocutrice.

Comme le plastique traditionnel, et selon les résines utilisées, celui-ci peut donc tout aussi bien être recyclé pour être intégré dans la fabrication d’un granulé plastique. "Il peut représenter 10 à 30% du produit", nous indique Christophe Viant, président de la branche plastique de la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (Federec). Si les résines ne sont pas recyclables, le produit est valorisé énergétiquement par incinération.

Le plastique biosourcé et compostable, un matériau peu apprécié des filières de recyclage

Les plastiques biosourcés et compostables, comme le PLA (Acide polylactique), posent en revanche davantage de problèmes à ce professionnel du recyclage. Prévu pour être assimilé par des micro-organismes, il peut en théorie être traité par des composts industriels. Sauf que, affirme-t-il, les quantités seraient bien trop importantes pour permettre sa bonne dégradation. "Vingt tonnes de plastique biosourcé et compostable préalablement collectées dans les ménages ne peuvent pas se mélanger comme ça avec d’autres déchets végétaux. D’une part, il n’amène rien d’intéressant au compost et d'autre part, les quantités sont beaucoup trop importantes pour qu’il se dégrade rapidement et correctement."

Cependant, l'Ademe a mené il y a peu une étude sur le compostage des sacs biosourcés et compostables en conditions réelles. En respectant la norme, qui indique un ratio d'apport des sacs de maximum 1% en masse, soit 208 sacs en plastiques en un an avec 80 kg de déchets de cuisine et de table et 63 kg de déchets verts broyés, l'agence a mélangé ces produits durant six mois à un compost industriel. Une désintégration complète a été constatée pour l’ensemble des sacs après cinq mois et demi de procédé, tant en surface qu’en profondeur.

Christophe Viant estime néanmoins que ces résultats sont difficilement atteignables dans la pratique. Pour lui, "mieux vaut utiliser du biosourcé non dégradable, qui copie la molécule plastique et qui sera plus recyclable chez nous."

Un risque de déforestation ?

Si les plastiques biosourcés, compostables ou non, ne représentent aujourd'hui qu'une infime partie de la production plastique, ceux-ci devraient poursuivre leur développement dans les années à venir. Deux freins majeurs se dressent cependant encore cependant à l'expansion du plastique biosourcé. "Le plus important, c’est le prix du pétrole, qui est particulièrement bas depuis plusieurs années et qui concurrence le coût de production plus élevé du biosourcé", rapporte Virginie Le Ravalec. Le second, directement lié au premier, est le manque de volume pour chaque résine. "Les flux actuels ne sont pas suffisants pour mettre en place une ligne de recyclage spécifique pour les résines biosourcées innovantes, différentes du PE ou du PET. Pour qu’une ligne spécifique de recyclage soit mise en place un gain économique est nécessaire."

Dans un document datant de 2016, l'Ademe notait également que le développement du plastique biosourcé pourrait également, à l'avenir, "poser la question de la concurrence avec les usages alimentaires et les autres usages industriels (biocarburants, biocombustibles…) de la biomasse". Mais pour l'ingénieure, cela est encore loin d'être problématique. "L'utilisation des surfaces agricoles pour les produits biosourcés est de moins de 1%, Cela reste actuellement marginal." En comparaison, plus de 70% de ces surfaces sont utilisées pour la production de viande et de lait. La surconsommation de viande a donc un impact bien plus important.

Le réemploi à favoriser avant tout

S'il présente l'avantage d'être fabriqué à partir de matière renouvelable et, dans certains cas, d'être compostable, le plastique biosourcé n'en reste pas moins du plastique. Ainsi, si l'Ademe soutient leur développement à condition qu'ils soient éco-conçus et présente un gain environnemental, elle recommande avant tout de favoriser au maximum le réemploi des objets et des emballages, et notamment des sacs réutilisables, minimisant ainsi leur empreinte environnementale. Pour favoriser cela, elle a d'ailleurs recommandé mi-novembre de rendre payant la mise à disposition des sacs d’emballage fruits et légumes. "Cela amènera l’utilisateur à porter une plus grande attention à l’utilité de prendre un sac et contribuera à favoriser le réemploi de ces sacs. Cette recommandation peut être élargie à l’ensemble des sacs mis à disposition dans tous les lieux de vente", indique-t-elle dans un communiqué.


Charlotte ANGLADE

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