Les vœux présidentiels responsables que nous n’avons (malheureusement) pas eus

par Fabrice BONNIFET Fabrice Bonnifet
Publié le 6 janvier 2021 à 15h28
Les vœux présidentiels responsables que nous n’avons (malheureusement) pas eus

ÉDITO - Et si en 2021, nous changions de modèle face à l'urgence climatique ? Fabrice Bonnifet, président du C3D, le Collège des Directeurs du Développement Durable, imagine les vœux "responsables" qu'il aurait aimé que le chef de l'État prononce pour cette nouvelle année.

"Mes chers compatriotes. Depuis 40 ans, mes prédécesseurs et moi-même avons élevé la croissance du PIB comme la solution ultime à tous nos problèmes. Eh bien nous nous sommes trompés. La double contrainte, climatique et énergétique, avec la baisse inéluctable de l’approvisionnement pétrolier dans les années à venir, vont rendre physiquement impossible le maintien du modèle de développement en vigueur depuis 150 ans. Oui, ce modèle a été extrêmement efficace pour simplifier la vie quotidienne d’une partie de la population mondiale. Oui, il a permis un accroissement de l’espérance de vie et des avancées technologiques sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Mais reconnaissons collectivement qu’il a aussi dramatiquement échoué dans sa capacité à maintenir les conditions de la vie sur notre planète. Un modèle qui ne tire sa raison d’être que dans la perturbation mortifère du climat, la destruction de la biodiversité et l’exploitation toujours plus importante de ressources finies, n’est ni un modèle durable, ni souhaitable pour nos enfants.

2020 a été un choc pour tout le monde. Je vous ai entendus, je vous ai compris : vous souhaitez un autre avenir pour vous et pour vos proches. Alors, courageusement, pour cette nouvelle année, décidons-nous à rompre avec les vieilles croyances économiques obsolètes qui nous conduisent tout droit à notre propre effondrement. Mais ne renonçons pas pour autant à notre bien-vivre ensemble.

2021 sera le tournant vers ce nouvel horizon. Je vous propose un nouveau modèle de prospérité, mieux partagé. Concrètement, il sera basé sur la décroissance de plus de 5% par an de nos émissions de gaz à effet de serre. Comment allons-nous faire ? Nous allons encourager les entreprises à faire évoluer leur processus de création de valeur vers celui des entreprises contributives, en adoptant des pratiques plus circulaires et servicielles. Pour cela, elles bénéficieront d’une fiscalité très incitative. Ce modèle va requérir un profond changement de nos modes de vie et de nos habitudes de consommation. Pour que la sobriété soit choisie et non subie, nous allons lancer un vaste plan de sensibilisation sur le rôle de l’énergie dans l’économie, car l’ignorance est la première cause de l’inaction. 

Nous organiserons localement des assemblées citoyennes participatives et solidaires, afin que les décisions soient prises au plus près de la réalité des territoires. Pour compenser ce que les énergies fossiles ne pourront plus apporter à notre économie, nous allons simplifier les règles de l’entrepreneuriat en faisant porter l’essentiel des coûts sur les ressources et l’énergie, et alléger drastiquement le coût du travail. Nous allons également taxer les transactions financières pour accompagner la transition bas carbone des différents secteurs industriels, encourager l’innovation utile, ainsi que la recherche et le développement interdisciplinaire. Bien sûr, nous allons aider les secteurs qui seront les plus impactés par cette nouvelle politique à faire leur mue : cela se traduira par l’accompagnement des personnes vers les activités les plus susceptibles de répondre aux enjeux auxquels nous faisons face.

Enfin, nous indiquerons à nos partenaires économiques que nous n’accepterons plus de considérer la destruction de l’environnement et la non prise en compte des droits humains comme une variable d’ajustement de nos échanges commerciaux : ainsi, les standards environnementaux et sociaux des pays qui souhaiteront commercer avec nous, devront progressivement se conformer avec les meilleures pratiques existantes. Chers compatriotes, j’en suis certain, nous allons faire des émules.

Je vous dois la vérité. Le chemin ne sera pas de tout repos. Mais c’est la seule voie possible pour que l’expression "bonne année" devienne enfin une réalité partagée, pour 2021 et surtout pour les années à venir."

Non il n’y aura pas de vaccin contre le changement climatique qui s’accélère

 

Ces vœux, vous ne les entendrez de la part d’aucun gouvernement. À leur place, nous avons droit généralement à des vœux lénifiants, alors que nous attendons des vœux d’action. Bien entendu, personne ne peut douter de la sincérité de l’essentiel des vœux que nous recevons et ceux que nous souhaitons, tous les ans, avec une réciprocité bienveillante. En janvier 2020, ne nous sommes-nous pas collectivement souhaités une bonne année et "surtout" une bonne santé ? On le sait, souhaiter quelque chose n’est hélas pas une promesse d’action, ni pour soi-même ni pour autrui, ni une garantie de prophétie autoréalisatrice. 

Dès lors, que penser des annonces de neutralité carbone à l’horizon, au choix, 2030, 2050 ou 2060, qui depuis quelques semaines se multiplient de la part de nombre de pays (Chine, Japon, pays de l’UE…). Appartiennent-elles au registre du souhait généreux visant à apaiser l’anxiété grandissante des lanceurs d’alerte, ou à l’expression d’une réelle volonté, dotée de moyens, d’agir pour un meilleur futur ? Lorsqu’on met l’ambition de ces annonces en perspective avec l’énumération des timides actions présentées pour y parvenir, on réalise que l’incantation ne sera pas opérante, notamment de la part de ceux qui promeuvent la croissance verte à la place de la grise et dont l’avenir politique est limité à quelques années. Le Japon tient la palme dans ce domaine. Dans son souhait exprimé de devenir neutre en carbone en 2050, il invite tous les acteurs économiques à "faire de leur mieux !". Mais ne soyons pas pour autant donneur de leçons. En France, nous avons opté pour l’organisation de Grenelles, de commissions et autres instances de réflexions avec promesses de référendum à la clé. Voilà une autre façon de vouloir agir sans agir. Une sorte de danse de l’illusion masquant tant, la profonde incompréhension des solutions alternatives que la vérité.

Pourtant, tout dirigeant d’une Nation devrait avoir une injonction d’exemplarité dans l’expression des souhaits couplés à des décisions courageuses, afin de garantir les meilleures chances d’être réalisés ? Non il n’y aura pas de vaccin contre le changement climatique qui s’accélère. Tout miser sur des découvertes technologiques hypothétiques pour le contenir est un risque que nous ne pouvons pas prendre, compte tenu du temps qu’il nous reste pour limiter les effets des dérèglements en cours. La fin du monde d’avant n’est pas un drame, c’est une opportunité pour reconstruire un monde meilleur et plus inclusif. Chaque jour perdu est une défaite.     

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Bienvenue dans le podcast "Impact positif", dédié à celles et ceux qui veulent changer la société et le monde. Devant l'urgence climatique, la crise démocratique, une société aux inégalités croissantes, certains ont décidé de ne pas rester les bras croisés, ils ont un coup d'avance, l'audace de croire qu'ils peuvent apporter leur pierre à l'édifice. Ils sont ce que l'on appelle des Changemakers.


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