Le maire, l'usine, et les écologistes : en Ille-et-Vilaine, un projet industriel divise

F.R. | Reportage TF1 N. Hesse, S. Pinatel, I. Rachati
Publié le 12 novembre 2022 à 19h29

Source : JT 20h WE

Le groupe Le Duff a annoncé en 2019 un investissement de 250 millions d'euros pour construire à Liffré une usine de produits de boulangerie traditionnelle et de viennoiserie pâtisserie.
"500 emplois non délocalisables" ont été promis.
Les écologistes contestent le projet, jugé trop consommateur en eau et en terres agricoles.

"Malgré un démarrage du projet en 2017, il n'y aura pas d'ouverture avant 2027 au plus tôt ! Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre 10 ans pour que nos projets industriels aboutissent !" Dans un communiqué de presse, Louis Le Duff, PDG du groupe du même nom et maison mère de Bridor, pousse un coup de gueule. 

Le groupe, l'un des leaders mondiaux de la boulangerie et de la restauration, a annoncé en 2019 un investissement de 250 millions d'euros pour construire à Liffré, en Ille-et-Vilaine, une usine de produits de boulangerie traditionnelle et de viennoiserie pâtisserie, promettant "500 emplois non délocalisables". Mais le projet, jugé trop consommateur en eau et en terres agricoles, est bloqué depuis plusieurs années par des recours d'associations environnementales.

Des habitants divisés

Au micro du 20h de TF1, Philippe Morin, directeur général de Bridor, se dit "fatigué pour son pays, fatigué pour la Bretagne, fatigué de dire 'qui peut entreprendre aujourd'hui?'". "Qui peut avoir une vision à 10 ans, décider aujourd'hui d'un besoin industriel à 10 ans, c'est insoutenable", dénonce l'industriel.

À Liffré, le débat s'est invité chez les 8000 habitants. Deux visions s'opposent au sein même de cette commune. Avec, d'un côté, les défenseurs des 500 emplois promis par l'industriel. "M. Le Duff va la faire son usine, autant que ça profite à la commune de Liffré", souligne un riverain. De l'autre, la défense de l'environnement. "Ils veulent faire une commune verte, mais quand on voit tout ça, je ne vois pas trop le rapport", explique une autre.

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Les opposants au projet fustigent la destruction de milieu naturel et dénoncent un modèle de développement économique hors du temps. "Les défauts de ce projet sont qu'on va venir ici artificialiser 21 hectares de terres agricoles. On va venir détruire des habitats d'espèces protégées, on va supprimer des zones humides et on serait sur la plus grosse usine de production de viennoiseries au monde", fustige Philippe Rocher, membre du collectif de riverains local pour l'environnement et la résilience écologique (Colère) de Liffré. 

Plusieurs manifestations ont été organisées au fil des années contre protester contre le projet, dont la dernière fin septembre. "On aimerait des entreprises qui produisent localement et pour les locaux. Il faut organiser notre monde pour qu'il devienne résilient", défendait à l'AFP Frédéric Paul, porte-parole du collectif Colère, lors d'une manifestation en juin dernier. Se disant prêt à contester toute avancée du projet, le collectif Colère affirme avoir lancé plusieurs actions en justice. Des recours qui visent la modification du PLU (plan local d'urbanisme), le permis de construire et prochainement l'autorisation d'exploiter.

Ce sont les terres les moins bonnes pour l'agriculture
Guillaume Bégué, maire de Liffré

De son côté, le maire DVG de Liffré, Guillaume Bégué, assure que l'industriel et la commune ont travaillé à réduire l'impact environnemental de l'usine. "On a imposé au groupe Bridor de ne prendre que 21 hectares. Il en auraient eu 30, ils auraient fait sur 30 hectares très facilement. Ils ont dû se creuser la tête pour faire 21 hectares et notamment aller en hauteur", affirme l'édile, tandis que les écologistes dénoncent un projet qui consommerait environ 200.000 m3 d'eau potable par an.

L'élu craint aujourd'hui que d'autres industriels renoncent à installer des entreprises. "Quand on arrive à mettre de l'emploi sur les territoires, c'est des déplacements en moins entre notre territoire et Rennes", estimait-il en juin, interrogé par l'AFP. "Ces terrains seront les moins impactants pour l'environnement et ce sont les terres les moins bonnes pour l'agriculture".

Une situation qui pourrait arriver, d'après Yves Puget, directeur de la rédaction de Libre Service Actualités, magazine consacré notamment à l’analyse des tendances de l'industrie alimentaire. "S'il y a trop de contraintes écologistes, trop de normes, de taxes, il y a le risque que les entreprises françaises investissent davantage à l'étranger. Il y a un vrai risque pour l'emploi et pour le monde agricole parce que ce sont nos agriculteurs français qui livrent ces usines", explique-t-il.

Si le bras-de-fer entre le groupe Le Duff et les associations continuent, le préfet d'Ille-et-Vilaine a en tout cas autorisé le projet, par un arrêté pris le 1er juillet dernier. En attendant, Bridor ne renonce pas à s'installer à Liffré, mais a fait, en attendant, l'acquisition d'une usine au Portugal, de la même taille que le projet breton.


F.R. | Reportage TF1 N. Hesse, S. Pinatel, I. Rachati

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