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Cette Coupe du monde va-t-elle émettre "18 millions de tonnes de carbone", comme le déplore Sandrine Rousseau ?

Publié le 15 décembre 2022 à 17h33

Source : TF1 Info

Invitée de LCI ce jeudi 15 décembre, l’élue écologiste a dénoncé l’empreinte carbone de la Coupe du monde, la chiffrant à 18 millions de tonnes de CO2.
Une ONG belge, Carbon Market Watch, s’est penchée en particulier sur le sujet, mais ne cite pas ce chiffre, contrairement à ce qui a été écrit.

Peut-on se réjouir de la qualification des Bleus en finale de Coupe du monde et, à la fois, dénoncer l’organisation de l'événement dans un pays comme le Qatar ? Voilà la problématique à laquelle a été confrontée Sandrine Rousseau (et avec elle, de nombreux Français) ce jeudi 15 décembre, sur LCI. 

Interrogée sur la victoire française contre le Maroc de la veille, l’élue écologiste a tenu à féliciter l’équipe tout en rappelant les droits LGBT bafoués dans l’émirat et le bilan carbone de la compétition : "Je ne me réjouis pas de son empreinte écologique incroyable. Je crois qu'on va atteindre les 18 millions de tonnes de carbone émises lors de cette coupe du monde, c'est faramineux, c'est écocidaire, c’est extrêmement dangereux". Seulement, ce chiffre correspond-il au bilan environnemental donné de la Coupe du monde ? 

Contactée, la députée de la Nupes nous a redirigé vers un article de presse, qui attribue ces 18 millions de tonnes de CO2 à un calcul fait par Carbon Market Watch. En effet, cette ONG belge s'est penchée sur les chiffres communiqués par la Fédération internationale de football (Fifa), avant le début de la compétition. D'après les organisateurs, le mondial de football émettra quelque 3,6 millions de tonnes de CO2. Mais dans un rapport publié en juin, et mis à jour en octobre, Carbon Market Watch estime ainsi que l’empreinte carbone officielle reste sous-évaluée et que la neutralité, promise par les organisateurs, ne sera pas au rendez-vous. Nous nous étions d’ailleurs penchés en détails sur cette neutralité carbone affichée par le Qatar et la Fifa. 

Un chiffre attribué à Carbon Market Watch

Dans son étude pour l’ONG, le chercheur Gilles Dufrasne explique cette sous-évaluation par le coût réel des stades construits spécialement pour la Coupe du monde : il pourrait être huit fois plus élevé qu’annoncé par la Fifa, passant de 0,2 MtCO2e (millions de tonnes équivalent CO2) à 1,6 MtCO2e. En cause, leur durée d’utilisation qui pourrait se réduire à celle de la compétition qui s'est déroulée du 20 novembre au 18 décembre. Cela s’est vu dans d’autres pays organisateurs par le passé, comme au Brésil ou en Afrique du Sud, selon Carbon Market Watch. Mais le rapport, aussi précis soit-il, ne chiffre pas ce bilan carbone réévalué à la hausse à 18 millions de tonnes de CO2e. Ce chiffre ne figure donc nulle part. 

En fait, ce bilan se retrouve ailleurs, dans une autre étude menée cette fois par la startup française Greenly… qui l'attribue à Carbon Market Watch. "D'après l'ONG Carbon Market Watch, l'empreinte carbone de cet évènement sera 5 fois plus importante qu'annoncé (18 millions de tonnes CO2e)", indique Greenly en préambule dans son communiqué, évaluant de son côté le coût environnemental du mondial à environ 6 millions de tonnes de CO2e en prenant en compte le poids des infrastructures, des navettes transportant les voyageurs et de la retransmission de la compétition. La publication de ce nouveau rapport, à quelques jours de la Coupe du monde, a été largement repris dans la presse. Le chiffre de 18 millions s’est parfois retrouvé mêlé aux autres et cité comme provenant des travaux de Carbon Market Watch. 

Interrogée sur cette incohérence, Greenly confirme que "le chiffre n'a pas été écrit tel quel dans le rapport de Carbon Market Watch" mais explique que l’ONG aurait déclaré de nombreuses fois à la presse que l’empreinte carbone de la compétition pourrait être cinq fois plus élevée, et donc de 18 millions de tonnes CO2e. On en retrouve par exemple la trace dans un article du Monde, daté d’octobre : "Carbon Market Watch juge que le chiffre de 3,6 millions de tonnes de CO2 est sous-estimé au moins d’un facteur 5". 

Sollicité à son tour, l'auteur du rapport Gilles Dufrasne rejette toute paternité de ce chiffre, qui lui "parait très élevé". Il précise que le rapport publié par Carbon Market Watch "revoit à la hausse les émissions liées à la construction des stades. Ce qui porte l'empreinte carbone totale pour la coupe du monde à 5 millions de tonnes de CO2e".

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Caroline QUEVRAIN

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