Ces pays européens récalcitrants au "Pacte Vert" et encore largement dépendants des énergies fossiles

par Charlotte ANGLADE
Publié le 12 décembre 2019 à 15h40, mis à jour le 12 décembre 2019 à 17h28
Ces pays européens récalcitrants au "Pacte Vert" et encore largement dépendants des énergies fossiles
Source : Wojtek RADWANSKI / AFP

DÉSACCORD - La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a présenté mercredi le "Pacte vert". Ce programme européen vise à conduire le continent vers la neutralité carbone d'ici 2050. Mais la Pologne, la Hongrie et la République tchèque, encore très dépendantes des énergies fossiles, ne l'entendent pas de cette oreille.

Un "Pacte vert" pour une Europe "climatiquement neutre". Mercredi, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a présenté sa feuille de route vers la neutralité carbone du continent, espérée pour 2050. Cette "nouvelle stratégie de croissance" se décompose en 50 actions, une liste de propositions législatives, plans d'actions et stratégies dans le but de "réduire les émissions de gaz à effet de serre" tout en créant des emplois et en dopant l'innovation".

L'annonce, très attendue et médiatisée, a suscité des réactions très variées. Trois pays, encore très dépendants des énergies fossiles et en particulier du charbon, font barrage : la Pologne, la Hongrie et la République tchèque. LCI s'est intéressé à leur situation.

La Pologne

La transition verte implique des "coûts significatifs et des défis pour nos économies", a souligné auprès de l'AFP une source polonaise. "Une telle transition doit être juste, équilibrée d'un point de vue social et tenir compte de la situation particulière des Etats". Au sein de l'Union européenne, la Pologne est le premier producteur et consommateur de charbon. 80% de son électricité est issue de cette énergie très polluante, responsable de 60% de ses émissions de C02 (344 tonnes métriques en 2018), selon le Global Carbon Project. La part du gaz, qui génère 10% des émissions de CO2 du pays, a par ailleurs augmenté, représentant en 2018 plus de 7% du mix électrique.

 D'après des chiffres récemment publiés par Eurostat, chargé des statistiques pour la commission européenne, la Pologne est l'un des rares pays dont les émissions de dioxyde de carbone ont progressé en 2018. En un an, elles ont bondi de 3,5%. Malgré une population près de deux fois moins importante qu'en France, la Hongrie représente, comme l'Hexagone 10% des émissions de CO2 de l'Union européenne. Selon l’Agence européenne de l’environnement, une grande majorité de la population urbaine polonaise est chaque année exposée à une pollution de l'air supérieure aux valeurs limites. 50.000 personnes en mourraient chaque année.

Dans un plan énergie présenté l'année dernière, le gouvernement polonais a néanmoins fait part de sa volonté d'opérer une baisse lente, mais progressive, de la part du charbon dans le pays. Il mise surtout sur l’éolien en mer, dans le nord du pays, mais aussi sur l’utilisation de la biomasse, du biogaz et du solaire photovoltaïque. Mais selon un rapport du ministère de l'Economie français, "ni la 'Politique énergétique de la Pologne à l’horizon 2040', ni le Plan National 2021-2030, ne sont cohérents avec les objectifs européens". Ses auteurs, qui soulignent des objectifs trop peu ambitieux, craignent "que le secteur énergétique non modernisé et trop dépendant du charbon ne devienne un 'boulet' pour l’économie nationale".

La République Tchèque

A l'annonce du "Pacte vert" mercredi, le Premier ministre tchèque populiste Andrej Babis a lui aussi pointé les "coûts astronomiques" d'une conversion à la neutralité carbone, les évaluant pour son pays à 26,5 milliards d'euros. "Nous voulons que l'UE en tienne compte", a-t-il tweeté.

Dans le pays, le charbon représente également la principale source d'énergie. 50% de l'électricité est générée grâce à lui, rapporte l'Agence internationale de l'énergie. Malgré une production en baisse, passant de 13 million de tonnes en 2007 à 8 million en 2017, les importations sont à la hausse, en provenance notamment de Pologne et d'Allemagne. Selon le Global Carbon Project, les émissions de CO2 attribuées au charbon dans le pays en 2018 représentaient, comme en Pologne, 60% des émissions totales (106 tonnes métriques). Ne produisant que très peu de gaz et de pétrole, le pays est entièrement dépendant des importions. L'année dernière, ils représentaient respectivement 16 et 21% des émissions de CO2 de la République Tchèque.

Avec une diminution de 0,1% de ses émissions en 2018, comparé à 2017, elle représente 3% des émissions de dioxyde de carbone de l'Union européenne, indique Eurostat. Près de 15.000 tchèques meurent chaque année de la pollution de l'air.

Le pays possède par ailleurs deux centrales nucléaires construites dans les années 80 et compte accorder la priorité à cette énergie dans les prochaines années afin de réduire fermer progressivement ses vieilles centrales à charbon. D'ici 2040, elle doit constituer 50% du bouquet énergétique de la République Tchèque. Mercredi, Andrej Babis a appelé Bruxelles à considérer le nucléaire comme une source d'énergie susceptible d'être soutenue par des financements verts.

La Hongrie

En Hongrie, les combustibles fossiles représentent environ deux tiers des approvisionnements énergétiques. Le charbon et le gaz naturel représentent respectivement la deuxième et troisième source de production d’électricité et 20 et 40% des émissions de CO2 du pays (50 tonnes métriques) en 2018. Après avoir reculé de 35 % entre 1990 et 2015, les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse, rapporte l'OCDE, qui explique cela par la progression rapide de la motorisation dans le pays ces dernières années, mais aussi, dans une moindre mesure, de l'agriculture. La fiscalité des carburants, l’une des plus faibles de l’OCDE, ne freine en rien le phénomène.

Malgré tout, le chauffage résidentiel reste le premier consommateur d’énergie en Hongrie, où environ 80 % des bâtiments ne possèdent pas de système de chauffage moderne. "L’utilisation de combustibles solides pour chauffer les habitations – y compris des déchets tels que des meubles mis au rebut – est une importante cause de pollution de l’air", poursuit dans un rapport l'OCDE. Les émissions de particules fines (PM2.5) augmentent ainsi rapidement, et l’exposition moyenne de la population à ces polluants est plus de deux fois supérieure aux valeurs guides de l’Organisation mondiale de la santé. Résultat : la Hongrie affiche des taux d'exposition à la pollution de l’air par les particules qui sont parmi les plus élevés des pays de l’OCDE. Près de 19.000 Hongrois meurent chaque année de la pollution de l'air.

Dans un plan national sur l'Energie et le Changement climatique, le gouvernement hongrois a cependant fait savoir qu'il souhaitait réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 52% en 2050, par rapport à 1990, avec un objectif idéal de 85%. Tandis que la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique est passée de 2,3% en 2004 à 7,2% en 2016, elle devrait encore augmenter de 20% d'ici 2030. Pour le moment, la biomasse est l’énergie renouvelable la plus utilisée. Le solaire connaît néanmoins un essor massif ces dernières années. Alors qu'il était totalement absent du mix électrique en 2010, il représentait en 2016 plus de 6% de ce dernier.


Charlotte ANGLADE

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