Le troisième volet du rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) de l'ONU a été publié ce lundi.Fabrice Bonnifet, président du C3D, le Collège des directeurs du développement durable, nous livre son édito.
Le volet 3 du rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), paru ce lundi 4 avril, présente des solutions pour faire décroître le CO2 et s’adapter au changement climatique. La première chose qui saute aux yeux est qu’il est fait mention que le coût global de la limitation du réchauffement à +2 °C au cours du XXIe siècle est inférieur aux avantages économiques mondiaux de la réduction du réchauffement. C’est donc rentable ! Là où cela se corse, c’est que la technologie seule ne suffira pas à nous sortir de l’ornière, compte tenu du fait qu’il ne nous reste que quelques années pour mettre en œuvre des solutions… qui soit n’existent pas ou ne sont pas encore matures, soit n’auront pas le temps d’être déployées à la bonne échelle.
Pourtant, le techno-solutionnisme et l’efficiency (citée 25 fois dans le rapport) étaient censés nous aider à réduire de 43% l’empreinte carbone de l’humanité d’ici 2030, et de près de 84% en 2050, par rapport aux émissions actuelles de C02 et de méthane, une paille. Et encore, c’est sans compter avec la croissance "verte" économique mondiale espérée par les partisans du business as usual et redoutée par les scientifiques dans les années à venir. Car jusqu’à présent, plus de croissance a toujours été égale à plus de CO2, à moins d’arriver à réussir le miracle du 'découplage', c’est-à-dire à gagner toujours plus d’argent, tout en polluant toujours moins.
C’est possible ça, un miracle ? Non mais il est interdit de le dire, même au Giec. En économie classique, c’est un peu comme si on voulait appeler "guerre" une "opération militaire spéciale" ! L’argument des partisans du découplage s’appuie sur les indéniables progrès technologiques, la fameuse efficiency que tous les secteurs industriels ont enregistrée depuis des décennies. C’est vrai, on en fait toujours plus pour toujours moins…. mais comme on en fait toujours plus, ce que l’on gagne en intensité matière ou énergétique par euro investi, on le perd irrémédiablement en volume, et paf, la planète se réchauffe un peu plus tous les ans. CQFD.
Concevons une économie basée sur le besoin du non-besoin
Alors si la technologie ne nous sauvera pas, que dit le GIEC des autres options ? Passer à l’économie circulaire (circular material flows citée 5 fois) semble être une piste à privilégier. Mais attention, pas celle qui consiste à ne rien changer dans nos modes de consommation et de production, lorsque les déchets des uns deviennent les ressources des autres. En effet dans ce cas, les volumes de fabrication continuent d’augmenter à l’infini... ce qui nécessite de continuer à aller chercher des matières premières vierges dans la nature. L’économie circulaire dit de fonctionnalité, qui se base sur l’intensification des usages des produits, semble plus crédible. Dans ce cas, on fabrique notablement moins de produits, donc on pollue moins, car les entreprises ne les vendent plus mais les louent à leurs clients. Résultat, comme l’accès aux produits est lissé au fil du temps, les besoins des populations sont satisfaits sans augmentation de la pression environnementale globale associée au volume de production. Cependant, même cette solution a des inconvénients, car la gestion des pics de demandes ne permettra pas, au moins dans un premier temps, une baisse suffisante des quantités de produits à fabriquer.
Ce n’est qu’un rêve bien entendu, nous ne déciderons probablement jamais de cela, mais alors arrêtons de nous étonner de la gravité croissante des rapports du Giec lors de leur publication.
Fabrice Bonnifet
Reste alors la dernière option à peine effleurée par le Giec, et qui est pourtant la seule réellement crédible face à l’urgence climatique. Concevons, particulièrement dans les pays les plus polluants (le Giec précise que dans le monde, les 10% de ménages les plus riches représentent entre 36 et 45% des émissions), une économie basée sur la génération du besoin du non-besoin ! Autrement dit une économie qui consisterait, non pas, comme aujourd'hui, à vouloir tout optimiser, mais au contraire à renoncer à produire... le contre productif climatique, les exemples pullulent si on cherche un peu.
Une économie qui nous inciterait à nous recentrer sur l’essentiel, au détriment du dérisoire et du futile qui flatte l’égo, mais qui détruit la vie sur terre : une sorte d’ode à une vie saine en plaçant au cœur des décisions l’accès de tous, du nord au sud, aux conditions du bien-être - une alimentation non transformée avec des produits locaux, des villes renaturées et des campagnes riches de biodiversité, du temps pour vivre, partager, jouer, se cultiver, socialiser et s’entraider…
Une économie où nous nous fixerions démocratiquement des limites de consommation en tout domaine, en cohérence avec les limites planétaires et où l’efficacité énergétique combinée au progrès technologique serait mise au service de la sobriété et du bien commun pour générer des émissions de CO2 négatives. Allez, ce n’est qu’un rêve bien entendu, nous ne déciderons probablement jamais de cela, mais alors arrêtons de nous étonner de la gravité croissante des rapports du Giec lors de leur publication, et acceptons sans broncher notre effondrement programmé.
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