OBSTACLES - Candidate à la primaire écologiste, Sandrine Rousseau a défendu sur LCI sa volonté de sortir du nucléaire. Elle a aussi pointé du doigt des centrales que l'on "ne sait pas démanteler", une affirmation qui mérite d'être nuancée.
Sur le plateau de LCI mercredi soir, Sandrine Rousseau a débattu avec son adversaire de la primaire écologiste, l'eurodéputé Yannick Jadot. Parmi les sujets de discussions entre les deux candidats : le nucléaire et sa place dans notre mix énergétique.
Convaincue de la nécessité de sortir du nucléaire, Sandrine Rousseau a appelé à prendre de la hauteur sur cette question épineuse. "Aujourd'hui, on regarde le nucléaire uniquement au regard du CO2 que ça émet dans l'atmosphère et du fait que ça en émet moins que d'autres énergies", a-t-elle regretté. "Mais le nucléaire, c'est aussi des déchets, des centrales qu'aujourd'hui, on ne sait pas démanteler." Une affirmation sujette à caution.
Pas d'obstacle majeur pour les centrales en fonctionnement
Lorsque l'on évoque le démantèlement des centrales, il est nécessaire de procéder au cas par cas. Au cours des 50 dernières années, des technologies différentes ont en effet été utilisées en France, si bien que les réacteurs ne présentent pas tous des caractéristiques identiques. À ce jour, on constate qu'aucune centrale n'a été intégralement démantelée dans l'Hexagone, et ce alors même que des réacteurs ont été mis à l'arrêt voilà plus de 40 ans.
Du côté de la SFEN, association scientifique pro-nucléaire, on soutient que l'on "sait démanteler les réacteurs de la technologie utilisée pour le parc nucléaire actuel", à savoir les "réacteurs à eau pressurisée" souvent désignés par l'acronyme "REP". Ces derniers, dixit un rapport d'information parlementaire de février 2017, s'appuient sur une technologie qui "semble poser moins de difficultés techniques" dans l'optique d'un démantèlement. À l'issue de leurs auditions, les députés en sont arrivés au constat suivant : "Au vu des réponses de la plupart de nos interlocuteurs, nous n’avons pas de raison de douter a priori qu’EDF sera bien en mesure de réaliser leur démantèlement du point de vue technique."
Si pour les 56 réacteurs actifs (et les deux récemment arrêtés de Fessenheim), une forme d'optimisme règne, c'est en partie car des démantèlements réussis ont été observés à l'étranger pour une technologie identique. L'exemple américain de Main Yankee est ainsi régulièrement pris en exemple, tout en apportant des indications concernant les coûts induits par ces opérations. "En France, le chantier de démantèlement du réacteur de Chooz A dans les Ardennes, démarré en 2007, est conforme au planning et au budget", glisse confiante la SFEN.
Les anciennes centrales, un véritable bourbier
Lorsque l'on évoque les écueils des démantèlements, les regards se tournent surtout vers les plus vieux réacteurs du parc français, aujourd'hui à l'arrêt. Ils sont 12 au total, parmi lesquels 9 basés sur la technologie "uranium naturel graphite gaz" (UNGG) et gérés en majorité par EDF. Deux autres utilisaient du sodium liquide pour leur refroidissement : le réacteur expérimental Phénix de Marcoule (Gard), ainsi qu'un prototype nommé Superphénix à Creys-Malville (Isère). Le dernier réacteur, mis à l'arrêt en 1985 à Brennilis (Finistère), étant dit "à eau lourde" et refroidi au gaz.
Ces vieux réacteurs posent aujourd'hui de multiples problèmes, soulevés par les parlementaires en 2017. Les responsables de l'entreprise auditionnés ont en effet reconnu qu'en ce qui concerne ceux de type UNGG, nous nous trouvons "face à une difficulté technique 'non résolue à l’échelle industrielle'". Et d'expliquer qu'EDF souhaitait "valider sa méthode de démantèlement sur un premier réacteur, d’ici à 2060 environ, avant de déconstruire les cinq autres, au cours des quarante années suivantes." À l'heure qu'il est, le démantèlement des 9 réacteurs reste donc en suspens, conditionné à des progrès technologiques. Si les prévisions d'EDF se révèlent juste, les réacteurs en questions seront finalement démantelés plus de 100 ans après leur mise à l'arrêt définitive.
Sollicité par LCI, EDF rappelle que les opérations de démantèlement ont déjà commencé sur ces différents sites, mais que la phase la plus difficile ne fait que commencer puisque "l'on s'attelle désormais à la partie radioactive". Le cœur des réacteurs, "très haut et très compact" représente un défi de taille. D'autant que l'on ne dispose "pas aujourd'hui de retour d'expérience dans le monde sur ce type de démantèlement", glisse l'entreprise. Ajoutons enfin que la situation n'est guère plus simple en ce qui concerne Brennilis et pour le Superphénix de Creys-Malville. Les parlementaires évoquaient, dans leurs travaux, des "réacteurs atypiques dont le long démantèlement se poursuit dans la douleur".
La question des déchets à ne pas oublier
Le dernier obstacle à surmonter en matière de démantèlement concerne la gestion des déchets radioactifs. Les sites de stockage actuels se révèlent en effet insuffisants pour contenir tous ceux seront acheminés une fois les réacteurs réduits en morceaux. D'où la nécessité de réfléchir à des solutions de long terme, avec le choix de nouveaux sites ou via l'agrandissement de ceux existants.
"L’engorgement des exutoires pour certains types de déchets faiblement ou très faiblement radioactifs risque de ralentir le processus de démantèlement", soulignait le rapport d'information parlementaire de 2017, ne faisant pas mention des contestations locales de la population sur le territoires où s'implantent les sites de stockage. En effet, rares sont les citoyens qui accueillent à bras ouverts ce genre d'installations, en particulier lorsqu'il s'agit de conserver des déchets moyennement ou fortement radioactifs.
Le site de Bure, à cheval entre la Meuse et la Haute-Marne, a cristallisé de multiples tensions au cours des dernières années et a été la cible de militants anti-nucléaires. Il y a quelques jours, la justice en a condamné six de ces opposants, à des peines de prison ferme ou avec sursis. Outre les interrogations relatives à la sécurité de ces sites à très long terme, les pouvoirs publics doivent composer avec des personnes le plus souvent opposées à l'enfouissement de déchets radioactifs dans les sous-sols voisins. Un obstacle supplémentaire en marge de démantèlement déjà plus que complexes.
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