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Retrouve-t-on du glyphosate dans le corps de 90% des Français, comme le déplore Jean-Luc Mélenchon ?

Publié le 31 mai 2022 à 18h54

Source : JT 20h WE

Le leader des Insoumis poursuit sa mobilisation en vue des législatives, défendant l'engagement des candidats Nupes en faveur de l'écologie.
Au cours d'un entretien, il a notamment assuré que 90% des Français avaient du glyphosate dans leur corps.
Ces déclarations se basent sur des tests réalisés par une association, mais dont les résultats doivent être interprétés avec prudence.

Bien qu'il ne candidate pas pour sa réélection, Jean-Luc Mélenchon se mobilise dans le cadre de la campagne pour les législatives, faisant la promotion du programme porté par les candidates et candidats de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Lors d'un passage sur BFMTV ce dimanche, le député sortant a mis en avant l'ambition de ses alliés en matière d'environnement et mis sur la table la question sensible du glyphosate. 

Cet herbicide controversé, suspecté de jouer un rôle dans l'apparition de certains cancers, serait présent dans le corps de 90% des Français, a-t-il lancé en plateau. Un chiffre marquant, qui mérite quelques éclairages... et des précautions.

Des méthodes de détection aux résultats contraires

Il faut d'emblée le préciser : aucun consensus n'existe aujourd'hui quant à la présence effective de glyphosate dans notre corps, et ce malgré la réalisation de diverses salves de tests au cours des dernières années. Lorsqu'il parle d'une contamination massive, Jean-Luc Mélenchon fait probablement référence à l'action menée les "Pisseurs involontaires de glyphosate". Ce collectif a sollicité des citoyens et leur a proposé, moyennant 90 euros, de procéder à des analyses d'urine afin d'isoler la présence de l'herbicide. 

Des milliers d'échantillons ont été récoltés sous le contrôle d'huissiers, puis envoyés à un laboratoire allemand, qui a retrouvé du glyphosate quasi systématiquement. De quoi aller dans le sens du chef de file de la Nupes. Pour autant, le laboratoire en question ne fait pas l'unanimité. Le Point met en avant le profil de sa cofondatrice, "militante connue de la cause antiglyphosate", et présente les résultats d'autres tests, réalisés cette fois à l'initiative de la FDSEA du Finistère sur un panel réduit de onze personnes (dix agriculteurs et un riverain). 

Des tests croisés ont alors été réalisés, auprès du laboratoire allemand, puis d'un autre situé en France et dont la méthode de détection diffère. Résultat ? "Alors que le laboratoire allemand a trouvé des traces de glyphosate dans tous les échantillons présentés, avec des taux variant de 0,44 à 2,97 microgrammes par litre, le laboratoire français n'a rien trouvé du tout : les traces sont si faibles qu'elles sont non détectables, soit en dessous de 0,05 microgramme par litre", résume l'hebdomadaire.

Il apparaît très difficile de trancher cette bataille de chiffres. Si les deux méthodes de détection sont jugées viables par les spécialistes, il convient de s'interroger sur le protocole suivi par les volontaires auprès desquels les tests d'urine ont été menés. Selon que l'on se retient d'uriner ou non durant plusieurs heures avant le dépistage, la concentration de glyphosate pourrait varier. 

Rien ne permet par ailleurs de vérifier la bonne tenue des tests par les laboratoires. Seule l'utilisation des deux méthodes de détection, appliquée aux mêmes échantillons, pourrait permettre des comparaisons pertinentes. Or, la FNSEA n'a adopté cette démarche que pour analyser les urines de 11 personnes. C'est peu, surtout lorsqu'il s'agit de tirer des conclusions sur un sujet si sensible. 

Quels que soient la fiabilité des tests réalisés et des résultats présentés, un autre problème se pose de manière encore plus nette : celui de l'interprétation des taux affichés. Les concentrations en glyphosate dans les urines des volontaires portent à caution, on l'a compris, mais quand bien même un consensus serait obtenu sur les chiffres, cela ne permettrait pas d'en finir avec les polémiques. En 2019, Libération soulignait que l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) ne fixe pas "pour le glyphosate urinaire" de "valeur biologique d'interprétation (VBI) pour le milieu de travail ni de VBI issue de la population générale".

La dangerosité du glyphosate minorée dans un rapport parlementaire ?Source : JT 20h WE

La VBI dont il est question peut se voir définie comme la "valeur utile pour l'interprétation des résultats". Un seuil qui doit être défini par l'Anses et qui constitue une "recommandation de bonne pratique pour la surveillance biologique des expositions professionnelles aux agents chimiques de la Société Française de Médecine du travail". À défaut de VBI, on comprend qu'il est aujourd'hui impossible d'affirmer que la présence de glyphosate est potentiellement dangereuse au-delà d'un seuil précis. Les "Pisseurs involontaires" ont retenu comme valeur de référence un seuil de 0,1 ng/ml, correspondant à celui autorisé pour les résidus toxiques agricoles dans l’eau potable, mais ce choix se révèle arbitraire.

En résumé, il semble donc délicat de donner raison ou tort à Jean-Luc Mélenchon. Selon la méthode de détection utilisée et les protocoles adoptés, tant pour collecter les urines que pour les analyser, les résultats peuvent varier très largement. Sans compter le fait qu'aucun seuil de dangerosité ne soit fixé quant à la présence de glyphosate dans les urines, rendant hasardeuse toute interprétation des résultats. 

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Thomas DESZPOT

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