"Plan eau" : la surprenante histoire du lac de Serre-Ponçon, l'une des plus grandes retenues artificielles d'Europe

Un lieu qui cumule les records. Ce jeudi 30 mars, le président de la République se rendait dans la commune de Savines-le-Lac, dans les Hautes-Alpes, afin de présenter le "plan eau" du gouvernement. Un discours sur les rives du lac de Serre-Ponçon, connu pour être l'un des plus grands réservoirs d'eau douce d'Europe. Un record qui n'a pas été obtenu sans sacrifice, puisque ce sont deux villages qui ont été engloutis suite à la création de ce qui est aujourd'hui l'un des plus grands lacs artificiels de France.

Car avant 1959, cette étendue d'eau n'existait pas. Dans cette vallée, à la limite des départements des Hautes-Alpes et des Alpes-maritimes, coulait néanmoins la Durance, une rivière essentielle pour l'activité économique des villages qui s'y trouvaient, mais dont certaines crues étaient dévastatrices. Les plus marquantes datent notamment de novembre 1843 ou novembre 1886, durant lesquelles les débits d'eau furent estimés entre 5000 et 6500 m³/s. 

En 1843, des ponts sont emportés ou en partie détruits. En 1886, l’eau atteint même la plaine et la ville de Sénas. C'est à cette époque que l'idée d'un barrage commence à s'imposer. Mais ce n'est qu'un siècle plus tard que cette idée se concrétise par le début de la construction d'un barrage sur la Durance, deux kilomètres à l'aval de son confluent avec l'Ubaye. Les travaux débuteront en 1955.

En plus de réguler les crues de la rivière alpine, ce chantier vise, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à répondre à la demande croissante en électricité. Par ailleurs, l'étendue d'eau doit permettre de constituer un immense réservoir pour l'agriculture. Aujourd'hui, le barrage permet de fournir l'eau potable à plus de 3 millions de personnes, contribue à l'irrigation de 80.000 hectares de terres agricoles et sert en eau industrielle près de 400 entreprises.

Mais le chantier de ce qui est désormais le plus grand barrage en terre d'Europe ne s'est pas fait sans sacrifice. La construction du barrage de Serre-Ponçon a effectivement entrainé la submersion de plus de 2600 hectares, affectant plus ou moins gravement le territoire d'une douzaine de communes, dont celles d'Ubaye et de Savines, qui ont été complètement submergées. Ce sont 1100 habitants qui doivent quitter la zone et plus de 400 bâtiments se trouvent sous les eaux, dont deux usines. La Provence raconte ainsi que les tombes de plusieurs cimetières sont également vidées.

Le chantier s'achève en 1959 et c'est le 18 mai 1961 que le lac atteint sa cote de remplissage définitive, transformant entièrement le paysage de la région. Si la vocation touristique n'était pas envisagée à l'époque de la construction du barrage, la commune de Savines qui fut reconstruite pour devenir Savines-le-Lac, est devenue aujourd'hui un pôle majeur du tourisme estival du département. Elle accueille chaque année 5 millions de visiteurs.

La présentation du "plan eau" devant cette retenue est d'autant plus symbolique qu'elle n'est pas épargnée par les conséquences du réchauffement climatique. Si le niveau du lac est aujourd'hui considéré comme normal pour la saison, il a été particulièrement impacté par la sécheresse à l'été 2022. Quelques plages du lac ont fermé, la quasi-totalité de la réserve agricole a été sollicitée et des mesures de restrictions ont dû être mises en place.