Sur les Alpes ou dans l’Arctique, Heidi Sevestre observe les effets inquiétants du dérèglement climatique sur les glaciers.Dans les médias, les écoles ou les entreprises, elle se démène pour nous encourager à agir.Dans le podcast Expertes à la Une, elle expose son rôle et décrypte sa manière de communiquer.
Au moins la moitié des glaciers du monde sont condamnés par le dérèglement climatique. Une étude, publiée dans le magazine Science en janvier dernier, tire la sonnette d’alarme : "Entre 2000 et 2019, les Alpes ont déjà perdu 33 % de leur masse d’eau glacée", constatent les scientifiques. Ils rappellent que les glaciers agissent comme de véritables châteaux d’eau en approvisionnant jusqu’à 1,9 milliard de personnes dans le monde.
Décrire les dommages du dérèglement climatique, marteler ses pertes glacières, décrypter les conséquences pour faire réagir. Dans les médias, les salles de classe ou de conférence, la glaciologue Heidi Sevestre décortique les dangers de la disparition progressive de ces blocs de glace. "Le premier moyen d’action pour les scientifiques reste d’aller au contact de la population, des élus et des entreprises. Nous devons communiquer et continuer à publier des rapports scientifiques sans faire culpabiliser. À mon niveau, je fais en sorte de diffuser ce que je sais de la science pour que tout le monde comprenne que chacun peut agir" confie-t-elle à Christelle Chiroux dans le podcast Expertes à la Une, à écouter au début de cet article.
Résultat, sur le terrain, la glaciologue remarque une mobilisation croissante : "Je vois au quotidien des personnes qui se battent, des élus qui mettent en place des feuilles de route super ambitieuses dans leur commune, des entreprises qui essaient de montrer le chemin, quitte parfois à perdre en compétitivité. Je vois également des employés, des monsieur et madame Tout-le-monde, sensibles à ces sujets et qui essayent de coopérer, d'utiliser leur cercle d'influence pour faire bouger les choses." Optimiste, la glaciologue fait siens les mots de Jane Fonda : "Le meilleur remède face à l'éco-anxiété, c'est l'action".
Un métier en contact avec la nature
Née de parents passionnés par la nature, élève au lycée agricole, Heidi Sevestre passe son temps sur la montagne environnante. "Je voulais faire un métier en contact avec la nature. À 16 ans, je rencontre un guide de montagne qui m’apprend que des organismes payent des personnes à étudier les glaciers." Quelques années plus tard, son premier stage consiste à se placer toute la journée sur l’aiguille du Goûter en Haute-Savoie. Objectif, compter les pierres qui tombent et évaluer leur taille. Ce passage permet d’accéder au Mont-Blanc. Les alpinistes le surnomment le couloir de la mort. "Ce stage m’a fait prendre conscience que nos montagnes s’effondrent. Le permafrost (sol gelé, ciment de nos montagnes), dégèle de plus en plus. Résultat, des douches de pierres tombent dans le couloir et tuent parfois. Pendant ce stage, j’ai dû appeler plusieurs fois les secours de la vallée de Chamonix pour aller récupérer des personnes touchées."
Pour sauver les glaciers, il n’y aura pas de miracle."
Heidi Sevestre
Désormais docteure, Heidi Sevestre vit au Svalbard en Norvège, à 1 300 kilomètres du pôle Nord. "Cet endroit, c'est une autre planète. Très montagneux, avec des glaciers partout. Dans la ville où j’habite, il y a plus d'ours polaires que d'habitants", s’amuse la scientifique. Ces paysages, "hypnotisant de beauté", font figure de proue du dérèglement climatique. "Les habitants du Svalbard n'ont pas le choix, ils doivent s’adapter. Le changement climatique est tellement rapide que des promenades, faites par les habitants l'année dernière dans les montagnes, ne peuvent être faites de la même façon aujourd’hui", poursuit la jeune femme. Elle affirme que ces personnes ont des leçons à nous apprendre : "Si on ne travaille pas avec l’environnement, il nous aplatit. Les locaux savent que ça ne sert à rien de s'énerver contre la nature parce qu'elle reste plus forte que nous."
Sur le terrain, Heidi Sevestre surveille l’état de santé des glaciers. "Nous sommes un peu leurs docteurs, nous essayons de comprendre comment ils réagissent au dérèglement climatique. Ce sont les meilleurs baromètres du climat, s’il fait plus ou moins chaud, selon le niveau des précipitations, ils se déplacent et se comportent différemment." La glaciologue conclut qu’elle n’a pas de baguette magique : "Pour sauver les glaciers, il n’y aura pas de miracle. Pour y arriver, il faut faire preuve de sobriété, décarboner notre économie et notre vie de tous les jours."
Heidi Sevestre a rejoint le comité d’experts environnement qui accompagne les rédactions du groupe TF1 pour tous les sujets de la transition écologique. Ces experts sont désormais au nombre de 16.