Polluants "éternels" : ces composés chimiques invisibles omniprésents en France et en Europe

Publié le 23 février 2023 à 21h28

Source : JT 20h Semaine

Dix-sept médias européens ont recensé pour la première fois les polluants PFAS dits "éternels".
Selon leurs conclusions, ces composés chimiques invisibles et inodores sont désormais omniprésents, y compris en France.
Leur toxicité nourrit une inquiétude croissante.

Derrière ce sigle : PFAS (prononcé "pifasse", à l'anglaise) se cache une famille de substances de synthèses (plus de 4700 molécules), développées depuis les années 1940 pour résister à l'eau et à la chaleur. Dotées de propriétés anti-adhésives et imperméables, elles sont massivement présentes dans la vie courante : poêles en Teflon, emballages alimentaires, textiles, automobiles… Le problème, c'est qu'elles sont quasi indestructibles, d'où leur surnom : "polluants éternels". De plus, elles sont décrites par certains experts comme "la plus grande menace chimique au 21e siècle".

Pour la première fois, un collectif de 17 médias européens, lancé par Le Monde et The Guardian, ont mené une enquête internationale, baptisée "Forever Pollution Project". Leurs travaux ont permis de cartographier les sites contaminés ou suspectés de l'être par ces composés chimiques invisibles et inodores, en s'appuyant sur des méthodologies d'experts, des données et des "milliers de prélèvements environnementaux" de 2003 à 2023.

5 usines françaises épinglées

Au total, selon leurs conclusions publiées ce jeudi, 17.000 sites sont contaminés en Europe (au-delà de 10 nanogrammes par litre), dont 2100 à des niveaux dangereux pour la santé (plus de 100 nanogrammes par litre). Un lac norvégien, le Danube Bleu, une rivière tchèque et des régions immenses entourant la plupart des bassins de la chimie industrielle font partie des plus touchés (carte ci-dessous). Les journalistes ont aussi localisé 20 usines de production et 230 autres utilisatrices de PFAS.

La production se trouve principalement en Allemagne, berceau de la chimie industrielle avec six sites, dont les entreprises Archroma et les américains 3M Dyneon et W.L. Gore. En France, on compte cinq usines, celles d'Arkema et Daikin, à Pierre-Bénite, au sud de Lyon, mais aussi Solvay à Tavaux (Jura) et Salindres (Gard) et Chemours France à Villers Saint-Paul (Oise), indique Le Monde. L'enquête a aussi identifié 21.500 sites "présumés contaminés", notamment autour d'aéroports, à cause des mousses anti-incendie régulièrement utilisées lors d'exercices. 

"Ça prouve ce qu’on craignait fortement : la contamination très importante de très vastes zones (...) qui en ont pour des siècles de pollution dangereuse", a réagi ce jeudi François Veillerette, porte-parole de Générations Futures, qui réclame "un état des lieux fouillé officiel" sur la contamination en France.

Le Monde

Vers l'interdiction ?

Selon des études, l'exposition aux PFAS peut avoir des effets sur la fertilité et le développement du fœtus. Elle peut aussi augmenter les risques d'obésité, de certains cancers (prostate, reins et testicules) et le cholestérol. Le coût annuel pour la santé publique européenne est estimé entre 52 et 84 milliards d'euros, selon un rapport norvégien de 2019. Aux États-Unis, le conglomérat américain 3M, connu pour ses Post-it ou ses masques, s'est retrouvé le premier sur la sellette. Attaqué en justice pour ses usines américaines et en Belgique, il a annoncé fin décembre qu'il arrêterait d'ici fin 2025 la production des PFAS.

De leurs côtés, les autorités sanitaires allemande, danoise, néerlandaise, norvégienne et suédoise ont déposé mi-janvier auprès de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) un projet visant à bannir ces composants, appuyé par d'autres pays dont la France. Mais une éventuelle interdiction, au terme du processus, ne serait mise en œuvre qu'après 2026. En France, mi-janvier, la consommation d'œufs et de viande de volaille a été déconseillée par la préfecture du Rhône après la détection d'un taux élevé de PFAS dans des communes proches de l'usine Arkema près de Lyon.

Pour autant, l'organisation des producteurs de PFAS (la FPP4EU) estime difficile de se passer de ces substances, vantant leurs nombreuses propriétés (résistance, lubrification, durabilité...) et leur rôle central dans des secteurs tels que la pharmacie ou l'automobile. Pour Arkema, l'interdiction proposée dans l'UE serait "trop large", car elle envisage de bannir tous les composés chimiques persistants et non pas seulement ceux identifiés comme nocifs pour la santé humaine.

La proposition entraînerait l'interdiction de "nombre de polymères fluorés et gaz fluorés" qui "sont au cœur de la transition écologique et énergétique", estime l'industriel, citant les enjeux de souveraineté européenne pour les batteries, semi-conducteurs, l'hydrogène, l'isolation, ou encore l'énergie solaire.


Virginie FAUROUX

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